Si on avait dit à Nicolas Sarkozy qu’il allait effectuer une rentrée politique aussi catastrophique, il aurait réfléchi à deux fois avant d’enclencher sa vitesse pour prendre le virage sécuritaire que l’on connaît. Il n’est pas certain que la modestie, qui n’est pas la vertu principale des ego en politique, puisse permettre une telle confession ni autoriser une telle reconnaissance de mauvais diagnostic.
Par opportunisme ou par calcul électoral, l’homme croyait qu’en radicalisant l’action de son gouvernement sur l’insécurité, l’immigration et la délinquance, il allait faire d’une pierre deux coups précieux : apparaître aux yeux des Français comme le seul capable d’assurer leur sécurité et reléguer la gauche à ses rêves candides et adolescents en la matière et accessoirement élever un rideau de fumée sur l’affaire Eric Woerth qui menaçait d’asphyxier tout son quinquennat. Or, la situation qu’affronte Nicolas Sarkozy est cauchemardesque pour un président qui comptait beaucoup sur cette séquence pour relancer sa compagne de séduction et de persuasion des Français qu’il demeure le seul capable de les guider pour les présidentielles de 2012. Et pour cause, tous les feux sont au rouge et nécessitent une vraie baraka pour éviter les collusions violentes. A commencer par celui de la majorité présidentielle qui n’a jamais été aussi divisée ni privée d’un vrai leader qui lui donne confiance. Le Nouveau centre que dirige Hervé Morin aussi bien que la sensibilité chrétienne qu’incarne une femme comme Christine Boutin sont tentés pour une rébellion ouverte contre Nicolas Sarkozy, faisant vaciller la majorité présidentielle sur ses fondations. Le second feu rouge est à trouver au sein même du gouvernement. Le malaise des uns, les tiraillements des autres donnent une piètre image d’un exécutif en déshérence, sans aucun projet identifié, sans aucune ligne éditoriale visible. Juste la culture forcément éphémère de faire des coups pour épater les journaux télévisés et créer des illusions furtives là où il fallait pour convaincre d’installer des convictions solides. L’effet boomerang de l’ouverture a ce goût de cendre qu’ont les gueules de bois au réveil d’une soirée excessivement arrosée. Le troisième feu s’est allumé au sein même du parti présidentiel, l’UMP où la guerre fratricide qui couvait entre Xavier Bertrand, le patron en titre et Jean-François Copé, le patron de l’ombre, a refait surface avec une violence qui ne peut que limiter la marge de manœuvre de Nicolas Sarkozy à un moment où il lui est indispensable de reconfigurer sa machine à reconquérir l’Elysée. Le quatrième feu rouge a scintillé à Matignon même, siège du Premier ministre François Fillon. L’homme était censé être le fusible à faire sauter pour redonner une respiration nouvelle à l’action de Nicolas Sarkozy. Et voilà qu’avec son insolente popularité et son image provocatrice d’homme sage, équilibré et réfléchi en comparaison avec l’excitation parfois irrationnelle de sa hiérarchie, il devient non seulement difficile à virer de ses fonctions, mais s’impose comme un possible recours dans l’hypothèse fort probable où la route des présidentielles se ferme devant Nicolas Sarkozy. Autant de gesticulations pour aboutir à ce qui s’apparente à une vraie impasse. Trop d’espoirs reposent donc sur le prochain remaniement et il faut une fulgurante inspiration pour éteindre tous ces feux.