Les pays arabes se résignent à la perspective d’une guerre en Irak. Les signaux pressants en provenance de Washington et Londres alimentent quotidiennement cette fatalité. On peut désormais parler de «chronique d’une guerre annoncée» qui alimente en priorité les débats publics.
Une guerre contre l’Irak est-elle justifiée ? À priori non, puisque Saddam Hussein a satisfait à toutes les exigences du Conseil de Sécurité qui a imposé la reprise sans conditions des inspections de l’arsenal militaire de ce pays.
On ne saurait non plus, par principe, accepter l’idée d’une guerre car aucune action militaire ne saurait jamais être moralement justifiable. Saddam Hussein n’est pas un dirigeant défendable : Il a gazé son propre peuple. Il a envahi, l’Iran et le Koweït, deux Etats souverains. Faut-il pour autant déclarer la guerre à l’Irak pour changer son régime ? Le précédent serait dangereux, car l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats deviendrait l’alibi idéal pour justifier tous les appétits et entourer de légitimité les desseins les plus sordides.
Les préparatifs d’une invasion de l’Irak s’accompagnent de la volonté des Etats-Unis d’imposer leurs propres convictions idéologiques au reste du monde arabe. Colin Powell soutient mordicus que l’Administration Bush veut «placer Washington fermement du côté du changement, de la réforme et d’un avenir de modernité pour le Proche-Orient».
Vaste programme. Les Américains se concentrent sur trois directions pour aligner les Arabes sur leur propre credo. Économiquement, ils veulent ouvrir les marchés. Politiquement et socialement, ils visent l’introduction d’une démocratie à l’Occidental. Il y a enfin un volet éducatif qui reste à détailler.
Cette approche est significative d’une vision manichéenne incapable de nuancer et d’admettre la spécificité du monde arabe et l’exception qui caractérise certaines de ses composantes. Faudrait-il demander aux Princes saoudiens de se présenter au suffrage universel pour propulser la société civile saoudienne dans la modernité ? C’est un discours «format» qui ne fait aucune place à la nuance.
Qui occuperait la place laissée vacante par l’Irak, débarrassé de Saddam Hussein, dans l’axe du mal ? Ce n’est pas verser dans la caricature que de poser des questions qui ne cessent de tracasser des pays qui tout en ayant besoin du parapluie américain n’arrivent pas à s’accommoder de ce nouveau discours. Ils savent qu’ils risquent d’y laisser leur âme.