Au lendemain de la mort du Président Arafat, un sommet s’est tenu à Charm El Cheikh, il y a trois mois, pour initier un nouveau processus de paix, en présence du Président Moubarak et de Mahmoud Abbas (Abou Mazen). Depuis, les relations entre Israël et les Palestiniens ont connu une évolution jusqu’à l’élection triomphante de Mahmoud Abbas à la présidence de l’Autorité palestinienne : d’où « une phase intérimaire de la baisse importante de la violence avec peu de négociations», constate l’analyste de Haaretz, Alouf Ben. Certes l’Intifada n’a pas repris, mais le cessez-le-feu est souvent violé. Le transfert des villes de Cisjordanie a été gelé, ainsi que la libération des prisonniers promise par Sharon. Celui-ci doit rencontrer «prochainement» Abou Mazen. Selon l’analyste, «les collaborateurs se téléphonent tous les jours. Leurs patrons, israéliens et palestiniens, essaient de survivre politiquement et ce n’est pas une rencontre médiatisée qui les y aidera…»
En attendant, le Hamas remporte une victoire considérable aux élections municipales, au niveau de 60% avec de nombreuses villes de Cisjordanie pour lui, des petites communes pour le Fatah. L’entrée du Hamas dans la scène politique, qu’il boycottait par opposition aux accords d’Oslo signés par le Président Arafat, est retentissante. Il attend, à présent, les élections législatives pour entrer dans le pouvoir de l’Autorité palestinienne. Ces élections sont prévues le 17 juillet prochain, mais le Fatah, par sa défaite, souhaite les faire repousser de plusieurs mois…
La participation du Hamas aux élections municipales a pour importance de l’introduire dans le jeu du processus politique qu’il a toujours rejeté. «Cela l’aménera-t-il, aussi,
en qualité d’organisation politique, à accepter un compromis avec Israël?». Peut-être, peut-on répondre. Cela devrait également, comme il le craint, contraindre Abou Mazen à un durcissement, à des positions extrêmes. Mais cela pourra-t-il donner une couverture démocratique à la reprise de l’Intifada ? Si le Hamas refusait d’être désarmé, considèrent les proches de Mahmoud Abbas, la politique de démocratisation exigée par le président Bush serait mise à dure épreuve. Les Israéliens ne voudraient pas intervenir dans les affaires du Fatah, prétendent-ils, mais ils annoncent « qu’il est impossible d’accepter un parti politique du Hamas, armé ». D’où Mahmoud Abbas essaie de repousser la date des élections législatives et, en même temps, de presser le Hamas d’abandonner ses armes…
Ariel Sharon va jusqu’à proclamer qu’il ne peut accepter l’entrée sur la scène politique d’un parti non-désarmé. Le ministre israélien des Affaires étrangères, comme à son habitude, va encore plus loin : « un parti armé pour faire du terrorisme contre ses voisins, ne peut être toléré»… Mais Israël sait qu’il ne peut empêcher la participation du Hamas à des élections dans le territoire palestinien. Sylvain Shalom essaie, néanmoins, de «convaincre les Européens de ne pas légitimer le Hamas, – qualifié d’organisation terroriste, uniquement parce qu’il
a accepté de participer aux élections. Il doit d’abord renoncer aux armes».
Le Premier ministre Ariel Sharon reproche à Abou Mazen d’avoir laissé le Hamas armé « se renforcer aux dépens de l’Autorité palestinienne, en prenant un risque pour l’avenir ». Par contre, le chef de l’opposition de gauche, Yossi Beilin, – connu pour son Accord de Genève -, estime que le renforcement du Hamas est un signe du manque de soutien des Américains et des Israéliens à Abou Mazen. « Le Hamas ne négociera pas avec Israël et son arrivée au pouvoir signifiera l’arrêt du processus politique ». Ce pourquoi, Yossi Beilin soupçonne Sharon « de préférer, secrètement le renforcement du Hamas »…
Loin de toutes ses envolées de thèses politiques, Mahmoud Abbas, selon Alouf Ben, veut prendre les pas du Président Arafat qui savait voyager jusqu’au bout du monde pour faire taire les crises intérieures. En effet, le Président de l’Autorité palestinienne a décidé une tournée de 20 jours en Amérique du Sud. Mais il ira en visite, tout de même, à Washington, malgré son report au début du mois prochain.