L’alliance de l’opposition anti-syrienne guidée par Saâd Hariri, fils de l’ancien Premier ministre sunnite assassiné en février dernier, a réussi à obtenir la majorité absolue au Parlement après sa victoire lors des premières élections depuis trois décennies hors la présence militaire de Damas. Le bloc Hariri a raflé 72 des 182 sièges du Parlement libanais. C’est donc une victoire nette qui se sont arrachés les anti-syriens. Une victoire nette, mais pas aussi écrasante que l’héritier de Rafic Hariri eut souhaitée vu qu’il tablait sur les trois quarts des sièges. Saâd Hariri, 35 ans, dirigeant du Mouvement pour le futur, qui a repris le flambeau de son père, l’ancien Premier ministre sunnite assassiné, lui a dédié sa victoire. «Le Nord a décidé du caractère du nouveau parlement et donné la majorité absolue à l’opposition», a-t-il lancé au cours d’une conférence de presse. Le jeune candidat, fraîchement converti à la politique, a expliqué qu’il chercherait à élargir sa coalition. Il a fait savoir qu’il tendra la main à ses rivaux. «Nous devons préserver le dialogue avec tous, nous ne fermerons la porte à personne», a-t-il avancé.
Cette victoire fait de Saâd Hariri logiquement le candidat de premier plan pour le poste de Premier ministre. Cependant, le fils Hariri n’a pas encore affirmé s’il briguerait ou non pour ce poste réservé à un sunnite. Il a par ailleurs déclaré qu’il consulterait ses alliés sur l’attribution dudit poste. Ce résultat marque ainsi une grande défaite du camp pro-syrien. Une défaite qui a été reconnue par l’un des caciques pro-syriens, le maronite Souleiman Frangié, ex-ministre de l’Intérieur. "Nous nous inclinons devant la volonté du peuple", a-t-il dit. Ce développement vient couronner quatre mois de bouleversement politique, déclenché par l’assassinat de Rafic Hariri. Un meurtre qui fut attribué aux services secrets syriens. Cet assassinat a donné le signal de manifestations de masse contre la tutelle de Damas au pays du cèdre.Ce "soulèvement de l’indépendance", qui vit chaque jour des milliers de personnes rassemblées place des Martyrs, alliées à une pression internationale sans précédent contre le régime de Bachar el-Assad, menée par Paris et Washington, déboucha sur le retrait des soldats syriens du Liban, après 29 ans de présence militaire.
C’est cette même hostilité à Damas qui a provoqué la chute du camp pro-syrien aux élections. Surtout que cette dernière fut ravivée le 2 juin par un autre assassinat, celui du journaliste anti-syrien d’origine palestinienne Samir Kassir. Ce qui a relancé les accusations selon lesquelles les Syriens ne seraient pas tout à fait partis. Des accusations ne feront que s’accentuer après un autre assassinat. Cette fois-ci la cible était un ex-dirigeant politique. Il s’agit de l’ancien chef du Parti communiste libanais Georges Hawi, un proche de l’opposition anti-syrienne. Georges Hawi a été tué mardi dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth. Cet attentat est survenu au lendemain de la fin des élections législatives. Des députés de l’opposition anti-syrienne ont immédiatement pointé du doigt les services de renseignements libanais. Ils ont déclaré que ces services restent sous la coupe de Damas, qui a longtemps dominé le Liban. La Gauche démocratique a estimé "que les services de renseignements criminels syro-libanais continuent de faire la pluie et le beau temps au Liban ".
Saâd Hariri, quant à lui, a évoqué un attentat terroriste qui vise à ébranler la stabilité et faire apparaître le Liban comme incapable de se diriger tout seul.