«Saâd Rafic Hariri assumera la responsabilité et le leadership historique de toutes les affaires nationales et politiques afin de poursuivre la voie de la construction nationale à tous les niveaux, ayant pour objectif le Liban de la dignité et de l’indépendance, le Liban de l’unité nationale prôné par feu son père et pour lequel il s’est sacrifié». C’est ainsi que la famille Hariri, dans un communiqué publié au terme de la période de condoléances, a présenté le fils de l’ancien Premier ministre libanais, assassiné le 14 février dernier, et fraîchement candidat aux élections législatives qui auront lieu fin mai 2005.
Agé de 35 ans, le nouveau candidat dit lui-même, et comme il l’a déclaré hier mercredi à la chaîne «Euronews», ne pas avoir d’expérience notable en politique. Comme tirant les enseignements du long passage de son défunt père à la tête du pays du cèdre, il affirme cependant connaître ce qui est bien pour son pays et ce qui ne l’est pas. A son actif également, ses talents de bon gestionnaire et d’homme de terrain. Rafic Hariri était en fait un homme d’affaires.
Diplômé en affaires internationales de l’université de Georgetown. Il était directeur général de Saudi Oger, une des plus grandes sociétés de construction du Moyen-Orient, présente dans les quatre coins du globe, avec à la solde un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards de dollars. Le fils Hariri est également président du comité exécutif d’Oger Telecom, qui s’intéresse aux télécommunications au Moyen-Orient et en Afrique, ainsi que d’Omnia Holdings, tout en étant membre du conseil d’administration d’Oger International, de l’Entreprise de travaux internationaux, de Saudi Investment Bank, de Saudi Research and Marketing Group et de Future Television.
C’est dire que c’est du haut de sa carrière de redoutable business que l’homme veut se lancer dans la politique. Un schéma qui n’est pas sans rappeler celui de son père, avant que le Liban d’après guerre et les bons contacts de feu Hariri, notamment en Arabie saoudite, terre où la paix civile au Liban a été conçue et conclue, ne lui fassent miroiter l’option d’une carrière politique. Le fils, lui, arrive à un moment où plusieurs donnes ont changé.
La fragile stabilité politique que le pays s’est assuré depuis est menacée, aujourd’hui et plus que jamais. Surtout qu’en face, des concurrents de taille brandissent leurs ambitions. Au très controversé Walid Joumblatt est venu s’ajouter une autre figure du Liban des années 80, le général Michel Aoun. Créant une fissure à l’intérieur même de l’opposition, le retour de ce dernier n’a pas été sans brouiller le jeu politique au Liban. Sitôt rentré, il a été accueilli avec une pointe d’hostilité de la part de Walid Joumblatt qui l’a accusé de chercher à s’attribuer le beau rôle dans le retrait total de l’armée syrienne. M. Joumblatt a comparé ce retour à un «tsunami», M. Joumblatt a souligné que c’était l’assassinat de Hariri le 14 février qui avait provoqué la fin de la tutelle syrienne et non l’action du général Aoun.
À cela, il faut ajouter un climat de tension permanente qui règne sur la scène politique. L’opposition anti-syrienne n’arrive toujours pas à trouver un terrain d’entente concernant la loi électorale. La polémique tourne autour du découpage électoral qui a entraîné une redistribution des cartes dans les rangs des partisans du pouvoir et de l’opposition. Les principaux chefs musulmans de l’opposition, Joumblatt et le bloc de l’ancien Premier ministre Hariri, n’ont pas appuyé leurs alliés chrétiens qui souhaitaient un découpage sur la base de la petite circonscription. Entre-temps, les chrétiens pro-syriens se sont prononcés pour la petite circonscription. Mais en l’absence d’une nouvelle loi, les législatives vont se tenir conformément aux élections précédentes en 2000, soit sur la base de la grande circonscription, une formule qui marginalise le vote chrétien, selon le chef de l’église maronite Nasrallah Sfeir.
Par ailleurs, il faut noter que les relations entre le Hezbollah et Aoun apparaissent déjà moins tendues. Le général, dont le passé est couvert de sang, a affirmé que le désarmement du mouvement chiite pro-iranien est une «affaire intérieure libanaise» qui doit être réglée «en accord avec le Hezbollah». Saâd Hariri, arrivera-t-il à tirer son épingle du jeu et s’imposer au beau milieu d’une scène qui promet encore plus de rebondissements. La réponse est une question de temps.