Si les paris avaient été lancés il y a encore quelques jours sur le fait de savoir si Nicolas Sarkozy allait retirer la candidature de son fils Jean à la direction de l’Epad, le prestigieux quartier d’affaires de l’Ile-de-France, personne n’aurait misé un franc ancien sur la décision présidentielle. Tant Nicolas Sarkozy paraissait sûr de son fait, déterminé à aller jusqu’au bout de sa logique. Ses équipes étaient montées au créneau pour défendre mordicus ses choix. C’est dire à quel point l’enclenchement de la marche arrière par Nicolas Sarkozy dans l’épineuse affaire de son fils, a été perçu par l’opinion comme le grand renoncement du quinquennat. Si violent et si inattendu qu’il est encore difficile pour le moment d’en évaluer l’ampleur et les conséquences sur la conduite et le tempérament présidentiel. Ce qui peut protéger Nicolas Sarkozy d’un tel séisme, c’est qu’il est habitué, volontairement ou pas, à un mélange du genre entre vie privée et vie publique. Le début de son mandat n’a-t-il pas été dominé par son fracassant divorce avec Cécilia et sa spectaculaire rencontre avec Carla Bruni ? Son mi-mandat aura été marqué par sa tentative ratée d’imposer son fils à la tête de l’Epad. Beaucoup a été écrit sur les raisons de ce brusque renoncement. Mais l’élément décisif aura été la grogne des parlementaires de la majorité. De nombreuses personnalités de l’opposition avaient du mal à gérer le choc de deux sulfureuses affaires : la première était la défaillance morale que trahissait l’affaire Frédéric Mitterrand, la seconde fut l’accusation de népotisme que révélait l’affaire Jean Sarkozy, flagrante pour un président qui avait convaincu en utilisant le séduisant argument de la méritocratie. La majorité entrait dans une sorte de dyslexie politique. Plus ses principaux représentants s’acharnaient à chanter les louanges du choix présidentiel de nommer Jean Sarkozy à la tête de l’Epad, plus la colère froide et sourde des députés de base, anonymes mais bien ancrés, devenait plus exhibitionniste. Nicolas Sarkozy dut céder à ses sirènes qui l’avertissant du grand danger qu’il y avait à divorcer sans possibilité de réconciliation avec l’opinion à un moment crucial où l’enjeu principal était de recoller les morceaux. En ordonnant à ses équipes de choc de battre en retraite sur Jean Sarkozy, la carapace du président de la République montre la première grande fissure. Pour de nombreux leaders de la majorité présidentielle, ce recul a le mérite de démontrer que Nicolas Sarkozy, soumis à une pression, peut renoncer. Et comme au sein de ce gouvernement, de nombreux dossiers, comme la taxe professionnelle, la taxe carbone, les différentes solutions proposées pour absorber les effets de la crise, font débat, il ne se serait pas étonnant que ceux qui avaient l’habitude, par peur ou par excès de déférence, de murmurer leur opposition, puissent aujourd’hui la dire au grand jour. Ce qui promet une belle cacophonie au sein de l’exécutif français, tout juste apte à donner des ulcères aux communicateurs de l’Elysée. La grande illustration de ce phénomène est le comportement d’une grande icône de la diversité, Rama Yade, secrétaire d’Etat aux Sports. Elle vient de redire son refus de faire campagne pour les élections régionales dans le Val-d’Oise, comme le voudrait la hiérarchie de l’UMP préférant se maintenir dans les Hauts de Seine, à Colombes, où elle avait été élue aux municipales en mars 2008. Rama Yade avait déjà refusé à Nicolas Sarkozy de conduire la liste Ile-de-France pour les élections européennes, ce qui avait provoqué sa dégradation du secrétariat des Droits de l’Homme à celui des Sports. Une autre icône de la diversité et de l’ouverture peut donner des migraines à Nicolas Sarkozy, c’est Fadela Amara qui vient d’exprimer son refus de faire campagne pour les régionales en Auvergne. Avec cet argumentaire qui risque d’exciter la majorité présidentielle déjà au bord de la crise de nerfs : «Je n’irai pas. Je reste une femme de gauche».