Après des décennies d’immobilisme, la communauté internationale semble vouloir prendre à bras-le-corps l’épineux dossier du conflit israélo-palestinien et jeter les bases d’une solution pacifique incluant l’évacuation par Israël des territoires occupés depuis juin 1967 et la création d’un Etat palestinien libre et souverain avec pour capitale Jérusalem-Est ( Al Qods). C’est l’objet de la Conférence de paix réunie à Annapolis, dans le Maryland, par le président américain George Bush, une initiative dont il n’est pas le seul à pouvoir revendiquer la paternité. S’il a effectivement annoncé cette rencontre lors d’un discours, le 16 juillet dernier, son geste aurait été impensable sans la résolution adoptée par la Ligue arabe lors de son sommet de Riyad, les 28 et 29 mars dernier. A l’initiative du roi Abdallah d’Arabie Saoudite, tous les pays membres de la Ligue Arabe, à l’exception de la Libye qui boycotta la réunion, avaient alors adopté une plate-forme offrant à Israël l’assurance d’une normalisation définitive de ses rapports avec le monde arabo-musulman, en échange d’une évacuation de tous les territoires occupés depuis juin 1967, de la création d’un Etat palestinien avec pour capitale Al Qods et d’une solution négociée du problème des réfugiés. Le consensus était tel que même la Syrie et le gouvernement palestinien, alors dirigé par Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas, s’étaient réfugiés dans une prudente abstention, valant approbation tacite.
Son adoption coïncidait avec l’annonce par le président russe Vladimir Poutine de l’intention de Moscou d’organiser un sommet consacré au Proche-Orient. Les Etats-Unis ont donc largement profité de la fenêtre d’opportunité créée par les initiatives arabe et russe pour mettre sur pied la Conférence qui s’ouvre, aujourd’hui 27 novembre, dans les locaux de l’Académie navale d’Annapolis, une localité située à une quarantaine de kilomètres de Washington. George Bush et Condoleezza Rice ont dû revoir à la baisse leurs ambitions concernant la forme et le fond de ce sommet. Il ne s’agit pas d’un aboutissement mais du point de départ d’une relance des négociations israélo-palestiniennes sur la base de la Feuille de route adoptée par le Quartet international après le déclenchement de la Seconde Intifada. Contrairement à ce qu’avait espéré le président américain, le sommet ne se déroule pas au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, mais à celui de leurs ministres des Affaires étrangères, notamment ceux des pays membres de la Ligue arabe. Cette participation a été rendue possible par les fortes pressions exercées en ce sens par le président égyptien Hosni Moubarak, le roi Abdallah II de Jordanie et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Les Etats-Unis ont multiplié les concessions pour permettre à Bachar el-Assad d’envoyer à Annapolis son ministre des Affaires étrangères. Deux problèmes demeurent encore en suspens. Le premier est de savoir si Israéliens et Palestiniens parviendront, en dépit de leurs divergences, à se mettre d’accord sur le texte d’une Déclaration conjointe. Les rencontres de George Bush entre Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas avant le début de la réunion pourraient inciter les deux parties à trouver un terrain d’entente.
Le second problème concerne la suite du sommet d’Annapolis. Les Palestiniens souhaitent un calendrier contraignant alors que le Premier ministre israélien s’est simplement engagé à un accord avant le départ, début janvier 2 009, de George Bush de la Maison-Blanche.
Américains, Palestiniens et Israéliens se sont mis d’accord pour se retrouver, en janvier 2008, à Moscou pour un mini-sommet afin d’examiner les problèmes relatifs au plateau du Golan et, peut-être, aussi les rapports avec le Liban. Au lendemain d’Annapolis et après l’Aïd el Kébir, négociateurs palestiniens et israéliens pourraient se retrouver pour d’intenses séances de discussions qui doivent se dérouler en terrain «neutre», probablement en Egypte. L’Egypte a, en effet, proposé d’héberger à Taba la suite des pourparlers israélo-palestiniens. De la sorte, l’Egypte et la Jordanie semblent signifier qu’elles reprendraient la tête du camp arabe. La Conférence d’Annapolis est donc bien l’amorce d’une rédéfinition de la donne géopolitique régionale.