La France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon, l’Italie, l’Allemagne, le Canada et la Russie se retrouvent du 1er au 3 juin à Evian, à l’occasion d’un sommet qui retient toute l’attention des observateurs puisqu’il va réunir l’ancien «camp de la paix» et celui des bellicistes emmenés par Washington. Organisé en France, ce G8 est surtout un challenge diplomatique pour Jacques Chirac, jugé par l’administration Bush responsable d’une crise qui a profondément bouleversé les relations internationales. Même si les divergences persistent, un premier pas vers la réconciliation avait été effectué la semaine dernière lorsque les membres du Conseil de sécurité de l’ONU avaient voté en faveur de la levée des sanctions économiques contre l’IraK. Présentée par Washington, Londres et Madrid, cette résolution 1483, a découlé d’un compromis et même permis de réintroduire – de façon certes relative – les Nations Unies dans le débat. Les relations entre le trio franco-germano-russe et les Etats-Unis n’en sont par pour autant au beau fixe, les deux camps s’opposant toujours sur certains dossiers comme celui du nucléaire iranien qui divise aujourd’hui le Kremlin et la Maison blanche. Si elle a renoué contact avec Moscou et Berlin, deux capitales récemment visitées par son secrétaire d’Etat Colin Powell, l’administration Bush semble toujours bouder Paris, avec laquelle elle souhaite «revoir ses relations», un revers que l’Elysée minimise. Lundi, dans un entretien au Financial Times, le président Chirac a estimé qu’il était temps de tourner la page sans renier sa position anti-guerre. Selon lui, le «lien transatlantique» reste «essentiel». «Il faut que le monde comprenne bien que nous sommes déterminés à user de toute notre énergie pour travailler ensemble » a-t-il déclaré au journal britannique, tout en estimant qu’une « guerre illégitime ne devient pas légitime simplement parce qu’elle a été gagnée ». Le 21 mai, M. Chirac avait estimé qu’« après des mois difficiles, Evian est l’occasion de démontrer que les nations peuvent et veulent s’entendre, agir ensemble au service de l’homme »
Au G8, il sera aussi question de la relance de la croissance internationale, le principal thème à l’ordre du jour. Sur ce point, le chef d’Etat français s’est dit « convaincu qu’Evian peut adresser un message de confiance dans la croissance économique mondiale ».
La plupart des économies des grands pays développés ont pourtant du mal à sortir de la morosité : récession en Europe, chute du dollar, qui pénalise les exportations japonaises et européennes, et menace de déflation aux Etats-Unis, entre autres… À cet égard, les recommandations du groupe d’experts du G8 sont très claires : « il faut d’abord éviter que les dissensions politiques et stratégiques d’hier ne débordent aujourd’hui le champ économique et n’accentuent les tensions en matière commerciale, dont l’avenir de tous pourrait pâtir ». Selon eux, l’urgence économique commande aux Huit, qui assurent plus de 50 % de la production mondiale, de faire bloc en adressant un message « de volonté et de confiance » au reste du monde. Pour la Russie, il s’agira par contre de faire avancer le projet de mise en sûreté de ses armes de destruction massive.
Ce « Partenariat global avec la Russie », doté de 20 milliards de dollars, a été décidé lors du précédent G8. Il vise à empêcher les armes nucléaires, chimiques ou biologiques issues de l’ex-URSS de tomber aux mains de terroristes. Moscou comme Paris ont par ailleurs déjà déclaré qu’elles comptaient insister sur un nécessaire « dialogue élargi » avec les pays pauvres et surtout l’Afrique. Une quinzaine de pays « représentatifs des grands équilibres du monde » ont d’ailleurs été conviés à un « dialogue informel » le 1er juin. Parmi eux, on trouve l’Egypte, l’Afrique du Sud et le Sénégal, la Chine, le Mexique, le Brésil, la Malaisie et le Maroc, qui préside le groupe des 77. Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, le FMI, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Union européenne seront aussi présents… tout comme les altermondialistes qui ont promis de nombreux villages alternatifs, conférences et manifestations au menu de leur contre-sommet intitulé « G8 illégitime ».
La répétition générale d’Evian se déroulera par ailleurs à Saint-Pétersbourg, en Russie, qui fête à partir de vendredi son tricentenaire. Le président chinois Hu Jintao, son homologue américain, ainsi que les autres leaders du G8 et de l’Union européenne élargie, y son attendus à l’invitation de Vladimir Poutine… lequel a même obtenu un tête-à-tête avec George W. Bush dimanche.