L’Irak et le triangle sunnite sont entrés dans une trêve fragile qui a débuté hier à 06 00 GMT, et qui est prévue durer «une bonne partie de la journée», selon le commentaire de l’un des médiateurs du parti islamique irakien. La première phase de cette trêve couvre quatre heures et devrait prendre fin à midi, heure universelle. Ensuite, selon l’accord conclu, il s’en suivrait un retrait graduel des forces américaines de Fallujah et un déploiement dans la ville de policiers irakiens et de membres des Forces de défense civiles irakiennes.
Mais deux heures à peine après cette signature obtenue au forceps, deux Marines américains sont blessés par des tireurs embusqués. Plus loin, dans la ville de Fallujah, un irakien est tué dans un combat de rue. Auparavant, vers 07H05 minutes, un hélicoptère US est abattu à l’Ouest de Baghdad. Aucun des deux membres de l’équipage n’a survécu à l’attaque. Par ailleurs, à la mi-journée, le sort des trois japonais enlevés était toujours suspendu sur le fil du rasoir, les ravisseurs ayant fixé l’exécution d’un premier otage dans les 24 heures.
Sur le terrain, la situation humanitaire est dramatique. Plus de 470 irakiens ont été tués en une semaine. Les recoupements faits dans les hôpitaux et auprès de cinq ONG sur place font état d’environ 1.200 blessés. Selon le président du Croissant Rouge irakien, Adnane al-Joubouri, plus de 5 000 familles de cette cité de 300 000 habitants ont pris la route.
Vendredi, plusieurs colonnes de civils se dirigeaient vers la zone désertique d’al-Noaïma, au sud ouest de la ville.
A noter que les américains avaient proposé aux résistants sunnites deux offres de cessez-le feu, toutes deux rejetées par les combattants sunnites qui ont demandé comme préalable à toute discussion, le retrait des forces américaines de quelques kilomètres de Fallujah. Mis psychologiquement à pression par la détention de plusieurs otages, les américains ont fini par lâcher du lest.
La situation était aussi tendue dans les villes chiites où, selon un médiateur du parti chiite Daawa, suite à une demande de cessez-le feu adressée par les américains, le jeune imam chiite Moqtada Sadr aurait formulé par écrit plusieurs propositions pour mettre fin aux affrontements. La coalition réclame en particulier, la dissolution de l’armée du Mehdi, le respect des institutions de l’Etat et de ses lois, le retrait des miliciens des édifices publics et le retour de l’ordre public. La même source ajoute que le jeune imam a accueilli positivement ces demandes, réclamant à son tour le retrait des forces américaines qui se préparaient à attaquer Najaf et des garanties sur la fin de la campagne d’arrestations… Malgré la situation extrême, des dizaines de miliers de chiites ont afflué dimanche à Kerbala pour les cérémonies religieuses de l’Arbaîn, célébrées depuis 14 siècles et marquant le 40e jour de l’anniversaire de la mort de l’imam Hussein. Les images de civils tués diffusés par les télévisions du monde entier choquent l’opinion publique internationale, très critique face aux méthodes musclées de Washington. L’ancien ministre britannique des Affaires étrangères, Robin Cook, a ainsi estimé que les Etats-Unis étaient coupables de «trop tuer» en attaquant les sunnites et les chiites. «Si la maison blanche avait voulu aider les terroristes à trouver des recrues et des fonds, elle n’aurait pas pu choisir un meilleur moyen » a-t-il ajouté dans le Sunday Mirror.
Selon une source britannique citée par un autre journal, Tony Blair s’inquiète en privé sur «la tactique choisie» et avait l’intention de convaincre le président Bush d’adopter «un ton plus conciliant » vis à vis des rebelles. Cité par le Sunday Telegraph, un haut responsable de l’armée britannique affirme aussi que «les méthodes agressives américaines provoquent aussi des frictions parmi les membres du commandement allié. «Les américains considèrent les irakiens comme des « untermenschen» (sous hommes), a affirmé cet officier en utilisant le mot d’Hitler contre les juifs et les gitans dans Mein Kampf. «C’est tragique », déclare-t-il, en parlant de la situation sur les terrains.
Ces nouvelles du front ont accentué la pression sur le président américain critiqué par la presse de son pays pour avoir pris des vacances en pleine guerre. Dans son allocution hebdomadaire diffusée par radio depuis son ranch texan de Crawford, le Georges Bush est resté aussi «inflexible» et assez empressé sur la date du 30 juin où, a-t-il une nouvelle fois rappelé, «la souveraineté irakienne sera mise en place ». Pour la troisième fois en l’espace de deux jours, Bush a fait le point de la situation avec Paul Bremer et le général John Abizaid qui dirige le commandement central des forces internationales en Irak.