«Il s’agit d’une opération de déstabilisation. Cette expérience démocratique ne plaît pas à tout le monde», indique à l’AFP le directeur de publication de l’hebdomadaire indépendant La Tribune, Mohamed Fall Ould Oumère.
En mars 2007, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, 70 ans, est devenu le premier président démocratiquement élu (après deux ans de transition militaire) depuis l’indépendance en 1960 de ce pays deux fois grand comme la France mais peuplé de seulement 3,1 millions d’habitants. «Ce qui est menacé, ce n’est pas seulement le régime, c’est la démocratie. Car les gens disent que la démocratie a apporté l’insécurité et plus de pauvreté car il n’y a pas encore de programmes sociaux», ajoute cet observateur écouté de la scène politique mauritanienne. Ces attentats ont frappé des Occidentaux (quatre touristes français assassinés le 24 décembre), l’armée (trois militaires tués le 27 décembre) et l’ambassade d’Israël (trois Français se trouvant à proximité blessés le 1er février). «Est-ce une déstabilisation intérieure ou extérieure? Une connivence entre les deux? Ce n’est pas clair», souligne le chef de file de l’opposition Ahmed Ould Daddah, trois fois candidat malheureux à la magistrature suprême.
De plus, «il y a un vide politique en terme de perspectives, une accumulation de frustrations économiques et sociales», souligne-t-il dans un entretien avec l’AFP. «Il y a un sentiment de vide et la nature a horreur du vide. Tous les aventuriers peuvent y trouver leur chemin», avertit-il. «On doit reprendre en main l’ensemble des services de sécurité. Il faut une action forte, cohérente et déterminée. Il faut une plate-forme» réunissant le pouvoir, l’opposition et la société civile «pour que tout le monde soit mobilisé pour lutter contre le terrorisme», selon l’opposant. «C’est un domaine où il peut y avoir une union sacrée mais il faut un minimum d’objectifs communs», poursuit-il, jugeant toutefois prématurée la constitution d’un gouvernement d’union nationale. Ces attentats constituent «un virage très dangereux pour la Mauritanie car le pays est fragile et sécuritairement faible», renchérit le responsable du Rassemblement national pour la réforme et le développement (RNRD, opposition), principal parti islamiste, autorisé en août dernier par le nouveau pouvoir. «Pour l’instant, ce sont des actes isolés. On ne croit pas à l’implantation d’une organisation terroriste. Mais on veut un front commun entre l’opposition et le pouvoir», poursuit Jemil Ould Mansour, dont la formation compte cinq députés et trois sénateurs. Le président Abdallahi ne s’est pas encore adressé à la Nation après ces attaques, qui constituent pourtant le premier défi de taille de son mandat et ont traumatisé le pays. Mercredi, à l’occasion d’une réunion sur les investissements, il a toutefois affirmé que le pays était «résolument engagé dans une lutte sans merci contre la pauvreté, ennemie redoutable de la démocratie et de la stabilité». Mais face à ces violences, l’absence de réaction forte au plus haut sommet de l’Etat intrigue. Le chef de l’Etat «doit montrer ses muscles» en mettant en place une cellule antiterroriste, «s’adresser à la Nation», effectuer un remaniement gouvernemental ou «faire un gouvernement d’union nationale pour créer un front uni», propose le responsable de La Tribune. L’heure est à l’attentisme. «Les gens attendent quelque chose, soit un gros coup des islamistes, soit une forte réaction du gouvernement», conclut un observateur étranger.