Une première au pays de l’oncle Sam. Jamais dans l’histoire des Etats-Unis, un ministre de la Défense n’a été aussi contesté que l’est aujourd’hui Donald Rumsfeld.
Récemment, de prestigieux officiers à la retraite ont dénoncé, dans des interviews télévisées et des déclarations à la presse, sa façon de conduire la guerre en Irak. Ils ont ainsi appelé à la démission du secrétaire d’Etat à la Défense. Ces généraux, rejoints samedi dernier par l’ancien commandant en chef des forces de l’Otan en Europe, le général Wesley Clark, reprochent à Donald Rumsfeld ses erreurs « désastreuses » en Irak, notamment l’envoi de troupes en nombre insuffisant, le refus de prendre en compte des analyses différentes des siennes ou d’anticiper une rébellion des Irakiens.
À son tour, l’ancien commandant en chef de l’Otan à l’époque de la guerre du Kosovo, a accusé le ministre d’arrogance et lui a reproché d’ignorer l’avis des stratèges présents sur place. L’accusation la plus lourde à l’encontre de Rumsfeld émane du général Gregory Newbold qui publie un article sulfureux dans l’hebdomadaire Time.
« L’engagement de nos forces en Irak a été décidé avec la désinvolture et les fanfaronnades qui sont typiques à ceux qui n’ont jamais eu à exécuter ce genre de mission, ni à enterrer les résultats, », écrit le général Gregory Newbold dans le magazine. Et d’enfoncer le clou : « Ses erreurs comprennent : la distorsion des renseignements dans la préparation de la guerre, un micro-management qui a empêché nos troupes d’avoir assez de ressources pour accomplir leur mission (…), le déni initial de l’insurrection (…), l’aliénation des alliés (…) ». Il a même dénoncé «la désinvolture et l’arrogance» de Rumsfeld.
Avant lui, le général Paul Eaton avait accusé, dans une tribune publiée par le «New York Times», le ministre de la Défense de s’être « montré personnellement incompétent, sur les plans stratégique, opérationnel et tactique. (…) Rumsfeld a mis le Pentagone à la merci de son ego, de sa vision du monde héritée de la guerre froide et de sa confiance irréaliste dans la technologie ».
Ces accusations ont déclenché une véritable guerre de mots. George Allen, sénateur de Virginie, a estimé sur CBS que Rumsfeld était en voie de «bouc-émissairisation» et que son limogeage ne réglerait pas la crise en Irak. « Quelle différence cela ferait-il ? Cela signifierait-il quoi que ce soit pour les terroristes ? », s’est-il interrogé, décelant aussi dans les critiques adressées à Rumsfeld une attaque voilée contre George W. Bush.
Depuis vendredi dernier, l’administration Bush s’était mobilisée pour limiter la portée de ce que la presse américaine surnomme de «Révolte des généraux».
Le Président américain a écourté ses vacances dans sa résidence de Camp David pour publier un communiqué de soutien à son protégé : « La direction énergique et ferme du secrétaire Rumsfeld est exactement ce dont nous avons besoin en cette période critique. » Le président Bush a aussi rejeté catégoriquement une éventuelle démission de l’artisan de la guerre en Irak.