Le Cheikh Qaradaoui a appelé à une mobilisation face à la décision du président français Jacques Chirac qui s’est déclaré pour une loi contre le port du foulard à l’école. Après avoir exhorté, lors du prêche de vendredi denier, les musulmans à adresser des messages au président français pour lui demander de « revenir sur sa décision », le prédicateur vedette de la chaîne Al Jazeera, en sa qualité du président du Conseil européen pour la Fatwa et la Recherche, demande à Jacques Chirac de ne pas laisser légiférer sur le voile islamique. «Nous envisageons même de porter plainte devant la Cour européenne de justice», a déclaré Cheikh Qaradaoui à l’AFP. Le Conseil européen pour la Fatwa et la Recherche, dont le siège est à Londres, a été mis en place par l’Union des organisations islamiques en Europe. Ses objectifs principaux visent à émettre des fatwas collectives qui répondent aux besoins des musulmans en Europe, conformément aux règles et aux objectifs de la Charia, ainsi qu’à faire des efforts continus afin que les autorités officielles dans les pays européens reconnaissent officiellement le Conseil et qu’ils s’y réfèrent pour les jugements islamiques. Les trois réunions plénières du Conseil, à ce jour, sont : celle de Sarajevo ( Bosnie), en août 1997; celle de Dublin ( Eire) en 1998, et celle organisée en mai 1999 à Cologne ( Allemagne), sous la houlette du mouvement islamiste turc Milli Görus. Le président du Conseil est le cheikh Youssef Qaradaoui, formé par les Frères Musulmans d’Égypte, pays dont il est originaire et qui réside au Qatar, apporte une crédibilité accrue à cet organisme. La bataille qui l’oppose au cheikh d’al-Azhar, Mohammed Tantaoui, au sujet de l’interdiction du port du voile dans les écoles publiques françaises fait couler beaucoup d’encre. Cheikh Tantaoui a estimé qu’il s’agit d’une «affaire intérieure» à la France. Pour Qaradaoui, le foulard ne peut pas être mis sur le même pied d’égalité avec les autres signes religieux : il s’agit, dit-il, d’une obligation religieuse non négociable. C’est pourquoi, Qaradaoui est le premier à avoir ouvert le feu des critiques depuis que jacques Chirac s’est prononcé pour une loi contre le port du foulard à l’école. De par le monde, même son «ami» Gerhard Schröder l’a pris à contre-pied. Certes, le chancelier allemand considère que «les foulards n’ont pas leur place chez des gens employés par l’Etat, y compris chez les enseignantes». «Mais je ne peux pas interdire à une jeune fille d’aller à l’école avec un foulard. », a-t-il précisé. L’Allemagne est actuellement confrontée à son tour au débat sur le port du voile. Certains Länder voulant l’interdire dans la fonction publique, d’autres limiter l’interdiction à l’enseignement public. Ailleurs, depuis Téhéran, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a vivement critiqué «la décision extrémiste» de Jacques Chirac. Selon lui, le futur projet de loi interdisant les signes «ostensibles» à l’école vise «à empêcher le développement des valeurs islamiques» en France et est «contraire aux droits des citoyens». Mêmes reproches au Soudan, où le chef du Parlement a jugé que Chirac «est revenu sur les principes de liberté en appuyant une loi qui vise la discrimination religieuse et la violation de la liberté personnelle». Du côté des dignitaires religieux chrétiens, Rowan Williams, l’archevêque de Canterbury, chef spirituel de l’Eglise anglicane, a violeé «le laïcisme dogmatique du gouvernement […] qui devient très provocateur et très destructeur ». Les Etats-Unis se sont dits attentifs. Alors que Chirac avait affirmé que «la laïcité n’est pas négociable», un responsable du secrétariat d’Etat avait expliqué : «Notre souhait est que la liberté de culte soit également non négociable». «La France a des intérêts avec nous et, si les institutions et les dirigeants islamiques protestent, elle s’inclinera», a professé, depuis une mosquée au Qatar, Cheikh Youssef Qaradaoui.