«Il est mis fin aux fonctions de Premier ministre de Mame Madior Boye et, par voie de conséquence, à celles des autres ministres», annonçait, lundi après-midi, la radio nationale sénégalaise, citant un décret du chef de l’Etat. Sans plus d’explication, le limogeage de Mme Boye, première femme à exercer le poste de chef du gouvernement sénégalais, et de son équipe, est venu mettre un terme à des mois de crise politique dans le pays. Une crise exacerbée par le récent drame qui a frappé le Sénégal et qui coïncide avec la publication, ce même lundi, du rapport de la Commission d’enquête sur le naufrage du Joola.
L’ensemble de la classe politique et des responsables militaires, lesquels exploitaient le ferry, s’était en effet efforcé de présenter le drame comme la conséquence de mauvaises conditions climatiques. Aussitôt après le naufrage, survenu le 26 septembre au large de la Gambie, le président Wade avait au contraire reconnu la responsabilité de l’Etat, notamment au niveau de la mauvaise gestion du navire -qui reprenait à peine du service après un an de réparations- et la surcharge de passagers, le Joola ne pouvant contenir que 600 voyageurs. Face à la colère de la population, il avait ouvert une enquête et promis des sanctions, lesquelles avaient commencé par le départ, le 1er octobre, du ministre de la Défense Youba Sambou, et de celui des Transports, Youssouf Sakho. Ce lundi, le rapport d’enquête a révélé que le nombre de morts était de «probablement» 1.200, alors que le dernier bilan officiel fait état de 1.034 victimes. Seydou Madani Sy, président de la commission technique, a expliqué ce nouveau chiffre par le décompte « des billets vendus et le fait qu’il y avait quelques clandestins ». De nombreux enfants ne figuraient en effet pas sur les listes des passagers, pas plus que les personnes voyageant sans billets.
Cette catastrophe suffit-elle à expliquer le limogeage du gouvernement? Abdoulaye Wade, qui a nommé mardi au poste de Premier ministre son ancien chef de cabinet Idrassa Seck, n’a pas été loquace sur sa décision. Son porte-parole Souleymane Ndiaye s’est contenté d’expliquer que «le président a le droit constitutionnel de nommer et de renvoyer le Premier ministre et c’est ce qu’il a fait». Mme Madiar Boye, qui n’appartient à aucun parti politique, avait été nommée le 10 mai 2001. Mais depuis plusieurs mois, le président Wade semblait souhaiter s’entourer d’une personnalité issue de sa formation, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS). Sa décision paraissait par ailleurs mardi bien accueillie, même attendue, par l’opinion sénégalaise. Une «délivrance» titrait sur la Une le «Sud quotidien», expliquant que «le changement d’équipe avait fini par devenir une exigence». «Le pays s’était laissé enfermer dans le sur-place, tenaillé entre l’incapacité du cabinet sortant à satisfaire une pressante demande sociale et la difficulté à tracer de nouvelles frontières à la nation» a ajouté le journal. «Nous allons travailler pour le triomphe et la joie et veiller à enrayer les faiblesses et les lacunes» titrait quant à lui Le Soleil en reprenant les premiers propos du nouveau chef du gouvernement. Et le quotidien de commenter qu’«au cours de cette année, le Sénégal a vécu deux événements majeurs : le parcours exemplaire des Lions (Coupe du monde de football) et le naufrage du bateau le Joola». Selon lui, «Idrissa Seck (…) s’est appuyé sur ces deux extrémités de la vie de notre nation pour décliner les axes majeurs de sa nouvelle mission à la tête du gouvernement du Sénégal».