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Et si le chef de gouvernement nommé n’arrivait pas à former sa majorité ?

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Etant donné que l’ouverture de la nouvelle législature est prévue pour vendredi 14 octobre et après cette date le Parlement sera fonctionnel avec ses deux Chambres. Il faudra donc dissoudre le Parlement ou l’une  de ses deux Chambres pour pouvoir appeler à de nouvelles élections.

La question revient ces derniers temps sur presque toutes les langues. Même le chef de gouvernement sortant l’a évoquée à un moment de sa campagne électorale. C’est n’est donc pas pour rien que certains cherchent la solution dans une phrase qu’il a lancée pendant son meeting à Taroudant.

Ainsi, le chef de gouvernement sortant a dit en substance : «Si je n’arrive pas à former un gouvernement je reviendrais vers le peuple». C’est une assertion sujette à multiples interprétations. Les plus optimistes pensent à l’organisation de nouvelles élections. Là encore la chose n’est pas aisée, même un match de football ne se rejoue pas si l’entraîneur n’arrive pas à aligner ses onze joueurs. Il déclare forfait. En politique, c’est encore plus compliqué. Dans les faits, la Constitution nous dit dans son article 47 que «Le Roi nomme le chef de gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des représentants, et au vu de leurs résultats».

A priori rien ne dit que ce sera forcément le secrétaire général du parti qui a remporté les élections. Il pourrait très bien s’agir d’une autre personnalité du même parti. Rien n’empêche non plus que les dirigeants de ce parti se décident à présenter un candidat ou une liste de candidats au Roi pour choisir l’un d’entre eux. D’ailleurs, les statuts du PJD prévoient ce genre d’exercice. Ainsi et selon les procédures du parti c’est le conseil national qui désigne les candidats du parti pour les postes de responsabilité que ce soit au sein du parti même ou dans l’administration et le gouvernement.

Et si cette personnalité désignée n’arrive pas à réunir le nombre suffisant de sièges? Il faut dire en passant que, certes, il faut 198 sièges pour former la majorité de 50% + 1, mais ce n’est pas suffisant. Il faut un écart confortable de sièges pour d’abord parer à l’éventualité d’annulation par le Conseil constitutionnel de quelques uns, ensuite pour s’assurer de la présence d’un nombre suffisant de députés de la majorité au moment du vote des textes importants. Pour revenir à la question, étant donné que la Constitution ne fixe pas un délai pour le chef de gouvernement nommé pour former son équipe, on pourrait considérer que l’Exécutif devrait être en place au plus tard au moment du vote de la loi de Finances. Là encore rien de cela n’est expressément prévu par la loi suprême. On peut donc estimer qu’après un certain délai, le chef de gouvernement n’arrive pas à accomplir cette mission, rien n’empêche le Roi de choisir une autre personnalité, du moment qu’elle appartient au même parti. Auquel cas, on s’assurera du moins si le problème réside en la personnalité du chef de gouvernement nommé ou en le parti lui-même. Si ce sont les positions du parti ou le parti tout court qui pose problème pour ses éventuels futurs alliés, en ce moment on sera effectivement devant un vide institutionnel.

On peut penser que, le cas échéant, le Roi pourrait faire usage de ses pouvoirs en tant que garant de la continuité de l’Etat, inscrits dans l’article 42. Lequel article précise : «Le Roi, Chef de l’Etat, son Représentant suprême, Symbole de l’unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat et Arbitre suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités, et au respect des engagements internationaux du Royaume. (…) ». En vertu de ces pouvoirs, le Roi peut nommer le futur chef de gouvernement dans un autre parti, préférablement celui arrivé deuxième, ou une personnalité nationale autour de laquelle il y a un consensus des acteurs politiques.

Quant à l’organisation des élections, comme l’aurait pu suggérer le chef de gouvernement sortant, ce n’est pas aussi aisé comme il le paraît. Tout comme le résultat de cette option n’est pas non plus garanti. Il suffit de voir le cas de l’Espagne, près de chez nous, dont la Constitution prévoit ce cas de figure. Ainsi, et depuis les élections générales de décembre 2015, l’Espagne n’a toujours pas de gouvernement faute d’une majorité. Entre-temps des élections ont été organisées à nouveau en juin dernier et le chef du parti arrivé en tête n’est toujours pas arrivé à former sa coalition. Pire encore, dans ce pays, on s’achemine vers d’autres élections générales.

Pour le Maroc un tel exercice est tout simplement périlleux. Les élections supposent un effort humain et financier, une mobilisation de plusieurs départements et surtout le temps nécessaire pour organiser à nouveau les élections. Cela dit, étant donné que l’ouverture de la nouvelle législature est prévue pour vendredi 14 octobre et après cette date le Parlement sera fonctionnel avec ses deux Chambres. Il faudra donc dissoudre le Parlement ou l’une de ses deux Chambres pour pouvoir appeler à de nouvelles élections.

Et constitutionnellement, seul le Roi dispose de ce pouvoir. Ainsi, affirme l’article 51 de la Constitution: «Le Roi peut dissoudre, par dahir, les deux Chambres du Parlement ou l’une d’elles dans les conditions prévues aux articles 96, 97 et 98».  Ces trois derniers articles précisent les modalités et les conditions de dissolution du Parlement. Ainsi et comme le précise l’article 96, la dissolution se fait par dahir et a lieu après message adressé par le Roi à la Nation, bien sûr après avoir consulté le président de la Cour constitutionnelle et en avoir informé le chef de gouvernement et les présidents des deux Chambres. L’article 97 stipule : «L’élection du nouveau Parlement ou de la nouvelle Chambre intervient deux mois, au plus tard, après la dissolution». Enfin et comme le précise l’article 98, lorsqu’une Chambre est dissoute, celle qui lui succède ne peut l’être qu’un an après son élection, sauf si aucune majorité gouvernementale ne se dégage au sein de la Chambre des représentants nouvellement élue.

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