Politique

Ceux qui sont censés faire de la politique font tout sauf de la politique

© D.R

ALM : Avec la création du Parti des néo-démocartes, on passe à 34 partis. N’ajoutez-vous pas du brouillage à la scène politique et partisane ?
 

Mohamed Darif : Nous ne sommes pas le 34ème parti, nous sommes le premier parti créé après l’adoption de la Constitution 2011. Puis, j’estime qu’il n’y a pas 33 partis mais plusieurs officines électorales qui seraient dissoutes si la loi organique sur les partis politiques était appliquée à la lettre. Dans ce contexte, on soulève un paradoxe : le pays compte 33 partis, mais en même temps tout le monde parle de l’incapacité de ces derniers à encadrer les Marocains, il y en a même qui annoncent la mort des partis. Ainsi dire aux Marocains qu’il faut se contenter de ces partis est contraire à la démocratie. Cette dernière exige du pluralisme, lequel est inatteignable sans multipartisme, à ne surtout pas confondre avec balkanisation politique, contre laquelle nous nous opposons.

Quelle est votre ambition à travers la création de ce parti ?

Nous sommes venus pour remplir un certain vide. L’expérience du PAM a déçu plusieurs personnes. Le PJD représentait un espoir qui s’est vite évaporé dès l’accès du parti au pouvoir. L’espoir n’est suscité nulle part. Je partage l’avis de certains de nos militants qui pensent que nous sommes venus au bon moment. Preuve en est le nombre croissant de gens qui nous ont appelés de différentes régions du Maroc pour constituer des antennes. Malgré le peu de moyens dont on dispose, 300.000 DH pour 1.300 congressistes, nous avons reçu les demandes de plus de 2.500 personnes prêtes à prendre part au congrès constitutif, prévu les 12 et 13 septembre 2014.
 
Il y a eu douze tentatives de création de partis qui ont toutes échoué.La vôtre a-t-elle abouti parce que vous êtes appuyés en haut lieu ?

Simplement, on est le premier parti qui a réussi à répondre aux normes. Ce n’est pas pour autant que la tâche a été facile. Nous avons eu quelques petits soucis avec le ministère de l’intérieur par rapport au nom du parti, qu’on a fini par changer pour éviter toute friction. Ceci bien que le tribunal administratif nous ait donné raison par la suite. Ainsi le parti des néo-démocrates n’a bénéficié d’aucun soutien en haut lieu ou de quelconque partie influente, comme le propagent les rumeurs.
Ce genre de rumeurs, je l’ai rencontré même parmi des adhérents du parti. Je comprends ces inquiétudes parce qu’elles trouvent sens dans le fait qu’il n’y a plus aucune confiance dans la politique. Elles trouvent aussi sens dans une certaine culture de notre société qui doute toujours des compétences des Marocains et qui croit qu’il y a anguille sous roche dès que quelqu’un rencontre du succès. A cette occasion, je tiens à assurer que la création du Parti des néo-démocrates émane de notre initiative propre et commune, de notre foi en nos capacités, et de notre volonté à tous, convaincus que le Maroc a évolué. Parce que le Maroc de 2014 n’est plus celui des années 60-70.
 
De l’avis de tous, la transition démocratique au Maroc n’a pas l’élite qu’elle mérite. C’est pour y remédier que vous êtes venus à la politique ?

Dans son discours à l’occasion de la Fête du Trône, SM le Roi a dressé un constat : nous avons une Constitution avancée, mais le problème réside dans l’absence d’une élite qui l’applique.
Le problème est que ceux censés faire de la politique font tout sauf de la politique. Une grande partie des problèmes rencontrés par les communes est due au fait que les dirigeants des communes manquent des compétences nécessaires, souvent ils n’ont même pas un niveau scolaire primaire. En même temps nous avons dans ce pays un certain nombre de compétences et de cadres qui restent les mains croisées en train de regarder en spectateurs, parce qu’on les a désespérés, on leur a dit que le pays est corrompu, que la politique ne sert à rien… Il faut une élite capable de réfléchir, de lire la réalité, de proposer des idées et de les transformer en politique publique, non pas qui se morfond sur notre sort sans rien faire. Cette élite existe et la réconcilier avec la politique est possible. La preuve ? Dès les premières étapes de la création de notre parti, on a été rejoints par un grand nombre de cadres, avocats, entrepreneurs, médecins, pharmaciens, étudiants, 85% parmi eux n’ont jamais eu d’expérience partisane auparavant. Je veux dire à ces gens que vous avez un rôle à jouer, qu’il faut que vous investissiez le terrain pour éloigner les spécimens politiques qui prétendent nous représenter, mais que les Marocains ne méritent pas.
 
Cadres, avocats, entrepreneurs, médecins… êtes-vous un parti élitiste?

Ce n’est pas vrai. Ce qui nous importe c’est que notre parti fasse sa véritable mission de parti politique (non pas de société civile, ou d’officine) : encadrer et former politiquement la population, la représenter, arriver au pouvoir, former un gouvernement et respecter un contrat avec le corps électoral pour appliquer un programme.
 Pour cela il faut réunir les compétences nécessaires et les cadres pour contribuer à corriger la voie de développement de notre pays. Dans ce sens, il s’agit de politiser les technocrates pour qu’ils servent leur pays par leur expertise, et technocratiser les politiciens afin que ces derniers soient à la hauteur des attentes des citoyens. Il s’agit de réconcilier entre le savoir et la politique, et convaincre les gens que c’est dans leur intérêt. Parce que notre véritable crainte, c’est que le taux de participation aux prochaines élections soit très faible, ne dépassant pas les 15 à 20%.
 
Mais on peut être très fort en théorie et échouer sur le terrain électoral face à des notables très populaires…

Beaucoup de gens adhèrent à cette idée, ce qui est un grand danger et porte atteinte au pays. Nous ne sommes pas là pour légitimer cette réalité mais pour tenter de la changer. Cette réalité amère ne satisfait personne, même le Roi s’y oppose. Rappelez-vous le discours sur la gestion de Casablanca. Donc changeons-la ! La Constitution tend à instaurer un Etat moderne et démocratique. Sans des partis modernes et démocratiques, cet idéal est impossible.
 
Vous êtes des néo-démocrates. Mais lors de ce congrès, vous serez désigné président du parti sans scrutin. Est-ce démocratique ?

Jusqu’à maintenant, il y a une unanimité autour de ma candidature. Nous avons aussi des contraintes. J’ai proposé à mes camarades d’ouvrir les candidatures pour la présidence du parti, mais ils m’ont répondu que «personne ne se présentera parce qu’ils ne connaissent que toi». Et puis comment faire ces élections alors que nous sommes au stade initial de l’édification du parti ? C’est un congrès constitutif, il s’agit de mettre sur pied un parti, ses institutions et structures aux niveaux régional et provincial, expliquer aux gens nos orientations, notre projet politique et notre vision, faire connaître la direction du parti.
Et après le prochain congrès national, on peut adopter des mécanismes de candidature. Par ailleurs, nous ne nous présentons pas comme une alternative aux autres démocrates, nous ne prétendons pas disposer d’un modèle démocratique extraordinaire, d’un pouvoir extraordinaire de changer le monde, mais au moins nous sommes conscients que la crise politique que connaît le pays – la conscience étant en partie la moitié de la solution – trouve son terreau dans la manière avec laquelle les partis raisonnent et agissent, il faut la changer. Les partis qui ne pensent qu’aux chaises, qui ne recrutent que les notables, font partie de la crise. Nous, à travers nos idées, nos propositions et notre action, on veut faire partie de la solution.

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