Le domaine de Greentree se trouve dans la localité cossue et boisée de Manhasset à Long Island dans les alentours de New York. Tout ici respire le calme et la sérénité, à l’américaine, à grande dose de chlorophylle et d’immensité verte. Rares sont ceux qui pensent, ce 18 juin 2007, que leur ville abrite des négociations au sujet d’un conflit qui blesse le nord de l’Afrique depuis plus de trente ans.
L’ONU a voulu, entre le Maroc et le Polisario, des négociations apaisées malgré les gesticulations d’usage de ceux qui veulent aborder l’avenir en marche arrière. Seule, devant le domaine, une agitation assez limitée entretenue par quelques caméras de télévision et un car de transmission satellitaire laisse penser qu’il y a un événement particulier dans le coin.
Pour le reste, il ne se passe rien. Les discussions se passent à huis clos. Les deux délégations sont prises en charge, dans un confinement étudié, par le vice secrétaire général de l’ONU chargé des Affaires politiques, B. Lynn Pascoe, et Peter Van Waslum, le chargé du dossier du Sahara pour le compte de l’organisation internationale. Pourquoi une si vieille affaire s’est-elle accélérée subitement ? Le Polisario a-t-il tout à coup imposé un consensus mondial autour de sa revendication d’indépendance lourdement sponsorisée par l’Algérie ?
L’Algérie, elle-même, a-t-elle rendu chez elle la cause de ses protégés si populaire que celle-ci devient vitale pour son avenir ? Qu’y a-t-il, finalement, eu d’exceptionnel pour que des séparatistes professionnels et exaltés viennent à une table de négociations qu’ils ont toujours fuie ?
Le seul élément nouveau dans toute cette scabreuse affaire, c’est l’offre marocaine d’autonomie telle qu’elle est soutenue par les USA, la France, l’Espagne et, notamment, la Grande-Bretagne, et telle qu’elle est consacrée par la résolution 1754 du Conseil de sécurité. Si les lignes ont bougé et si les frontières de la pensée unique sont tout à coup devenues franchissables par l’idée de paix, c’est bien parce que, sur ce point, il y a une véritable perspective de résolution du conflit formulée d’une manière posée et rationnelle par les Marocains.
Quels sont les risques des négociations de Manhasset ? Un expert de la délégation marocaine n’en voit pas. «Soit le Polisario cherche le clash et il en assumera seul la responsabilité, auquel cas l’ONU sera obligée d’en prendre bonne note. Soit les deux jours de négociations se passent bien et nous sommes alors dans un vrai processus de paix. Soit le Polisario mise sur la surenchère et sort un lapin de son chapeau sous la forme d’une contre proposition de solution qui tendrait à faire croire qu’il existe un autre plan de paix et on revient alors à la case de départ d’avant la résolution 1754 ce qui, en fait, n’est pas sérieux du tout.».
On voit bien avec ce développement que la clairvoyance de la délégation marocaine est réelle. Le paradigme de l’affaire du Sahara a changé. L’offre d’autonomie libère toutes les intelligences et rend possibles toutes les audaces.
Pourquoi désormais les dirigeants du Polisario acceptent-ils de «vivre» avec une réalité qui s’appelle le Corcas et qui leur dispute réellement la représentativité des Sahraouis? La réponse à cette question est un des premiers acquis de Manhasset. Mahfoud Ali Beiba, le chef de la délégation du Polisario, a été amené à écouter, par deux fois, jusqu’au bout les interventions de Khalli Henna Ould Errachid, le président du Corcas, le premier jour des discussions. C’est un fait remarquable et qui n’a pas échappé aux observateurs. La page de la représentation unique et exclusive des Sahraouis par le Polisario est désormais définitivement tournée. Ce facteur de diversité, de pluralisme et de démocratie rend caduques toutes les approches «staliniennes» ou supposées «révolutionnaires» du conflit. Cela veut dire en clair qu’un conflit du 21ème siècle ne peut être réglé avec des instruments, notamment idéologiques, du 19ème siècle. Dans ce sens, les Sahraouis, tous les Sahraouis, qui sont invités à gérer directement leurs affaires ont déjà gagné. Ils ne laisseront jamais un mouvement dit de libération les spolier de leurs droits garantis, de les exclure de la gestion de leurs affaires ou les priver du bénéfice de la stabilité politique, de l’égalité de tous et d’une authentique démocratie que leur offre l’autonomie sous souveraineté marocaine sous l’égide d’une monarchie moderne.
• DNES à New York
Khalil Hachimi Idrissi
Proximité
Yassine Mansouri, Fouad Ali El Himma, Khalli Henna Ould Errachid et Taieb Fassi Fihri passent la nuit du 18 au 19 juin 2007 au domaine de Greentree à Manhasset. Les stratèges des Nations Unies ont voulu que la proximité des délégations soit un atout pour la réussite des négociations. Tout est fait pour que les repas, les collations, les pauses, ou même la soirée, soient mis à profit pour créer une convivialité susceptible d’aider les uns et les autres à dépasser les contradictions inhérentes à ce conflit factice. Cette vision un peu «naïve» donne, au moins, aux négociations la chance de générer leur dynamique propre qui peut sensiblement diminuer l’influence du donneur d’ordre algérien.
• Lire l’intervention de Khellihenna Ould Errachid lors de l’ouverture des négociations