ALM : On parle de retard dans le dépôt de vos listes. Est-ce le cas ?
Tariq Kabbage : Nous n’avons accusé aucun retard dans le dépôt de nos listes. Nous sommes dans les normes et dans les délais impartis puisque peu de partis ont déposé leurs listes au cours de la première semaine. Se présenter aux élections sans étiquettes demande de regrouper des parrainages et de veiller à la constitution du dossier.
La moindre erreur pouvait nous bloquer. Cette étape franchie, le dépôt et le contrôle se sont déroulés normalement. La préparation de notre liste régionale demandait le regroupement de 1.240 signatures tout en s’assurant de la représentativité de l’ensemble des provinces. Nous nous sommes mobilisés dans ce sens pour avoir les signatures demandées au niveau de Tata, Tiznit, Taroudant et dans l’ensemble des autres provinces. Notre pari aussi était de faire figurer sur nos listes les anciens membres de la liste actuelle qui ont conduit avec nous l’expérience de la gestion de la commune. Il fallait également trouver de nouveaux visages qui ne figurent pas en tant qu’anciens membres de l’USFP, et ce afin d’assurer la continuité. Notre liste propose des personnes de différents horizons socio-culturels et associatifs.
Certains vous reprochent d’avoir mené le choix des membres de vos listes en aparté. Quels sont vos critères de sélection ?
Nous avons invité les membres à présenter leurs candidatures et avons tenté d’obtenir le maximum de participations. Toutefois, la réticence des femmes à se présenter aux élections est un constat que nous avons relevé. Et c’est bien dommage. Corrélativement, nous avons mis en place un ensemble de critères de sélection, afin de s’assurer de la continuité mais également pour s’ouvrir sur de nouvelles compétences capables d’assurer la relève. Une fois ces critères exposés nous ne pouvions plus ne pas les respecter. Tout le monde ne peut pas être sur la liste et en même temps nous ne pouvons pas reconduire des personnes qui n’avaient pas été à la hauteur durant le mandat écoulé. Je regrette que certains camarades soient incapables de comprendre et de respecter ces principes à cause de leurs égos surdimensionnés.
Quid de votre plan d’action ?
Nous nous inscrivons d’abord dans un plan de continuité des projets engagés lors de nos mandats. Nous avons le Plan communal de développement qui dure depuis cinq ans et qui a encore une année devant lui. Nous avons plusieurs études liées au déplacement urbain et nous sommes, sur ce point, la première ville à avoir travaillé de manière forte, engagée et avec une grande implication des élus. Dans ce sens nous avons formé des cadres dans la commune et nous avons profité des compétences extérieures, notamment en coopérant avec la ville de Nantes.
Pouvez-vous nous parler davantage sur ce plan de déplacement urbain ?
Il s’agit d’un plan qui s’étalera sur les six prochaines années. Il contient l’étude de faisabilité de la première ligne Urbus qui liera le port à la commune de Tikiouine et qui est fondamentale pour nous. Il y aura également une deuxième ligne qui liera la place Salam et Ait- Melloul. C’est un projet structurant pour le transport en commun.
Dans ce même cadre nous avons un plan de déplacement par vélos. De grandes voies inter-communales sont également programmées. Le projet sert à désengorger certaines zones en proie à des problèmes d’engorgement. Ce réseau viendra du sud, depuis la route de Tiznit et qui passera par la voie de l’aéroport, Drarga pour rejoindre l’autoroute mais aussi pour se greffer à la zone nord de Taghazout et au port. Ce qui va permettre une amélioration de la mobilité. D’autres voies seront également réalisées.
Où en sont aujourd’hui les études faites et quelles seront vos sources de financement ?Les études sont déjà là ! Maintenant il s’agit de les mettre en pratique. Cela va demander des financements conséquents, puisqu’il s’agit de projets intercommunaux .L’avantage d’Agadir est que nous avons déjà des contacts avec la Banque mondiale et l’Agence française de développement pour avoir les fonds. Il faut préciser que ce programme très ambitieux s’étale sur six ans. Nous cherchons à assurer une mobilité douce aux citoyens de la ville et à résoudre les problèmes de stationnement. Le projet de Talborjt est un exemple de ce que nous voulons faire de la ville d’Agadir. Une vision nouvelle qui est des fois difficile à faire passer et accepter.
Qu’en-est-il des projets bloqués ou en retard ?
Notre grand projet est le grand pôle universitaire. Pour moi c’est fondamental. Agadir doit être aussi une ville de savoir, de recherche et d’innovation. Une ville intelligente se doit de posséder un pôle universitaire fort. L’étude sur ce pôle est terminée. L’étude d’aménagement urbain est faite. Le nouveau projet universitaire s’étalera sur trois cents hectares. Le projet n’est pas encore accepté parce que nous avons des problèmes avec les Eaux et Forêts. Ce département agit malheureusement aujourd’hui comme un promoteur immobilier qui cherche à vendre son foncier. Nous avons eu plusieurs projets bloqués à cause de cela. Ce changement d’attitude de la part d’un partenaire qui mettait jadis à notre disposition le foncier nécessaire à la réalisation de projets répondant aux besoins de la population locale bloque le développement de la ville. D’autres projets n’ont pas encore vu le jour comme le musée et le jardin botanique. Les marchés sont lancés actuellement. Je ne souhaiterais pas que ma ville devienne la proie des prédateurs de l’immobilier. Il y a tout un débat aujourd’hui sur les abattoirs et je ne me sens pas concerné par ce problème que seuls le responsables de la filière doivent gérer. Dans ma vision ce maillon doit être privatisé. La ville se charge du contrôle sanitaire oui mais elle n’a pas à investir dans un projet qui est franchement du ressort des gens de la filière.
Que répondez-vous à ceux qui disent que vous bloquez des projets ?
Je leur réponds que c’est trop facile ! On ne peut aujourd’hui me reprocher de bloquer des projets, comme on ne peut d’ailleurs me demander de cautionner l’illégalité. A chaque fois que nous disposons de propositions qui respectent les normes et apportent un plus à la ville, nous les appuyons et veillons à leurs réalisations. Certes, certains projets tardent à voir le jour. C’est notamment le cas du pôle d’animation. Nous avons lancé une étude pour trouver l’emplacement adéquat. Un terrain qui s’étale sur une vingtaine d’hectares a été attribué à sept promoteurs et malheureusement ce projet prend aujourd’hui du retard. Toutes les autorisations ont été octroyées et au dernier moment, ce sont les Eaux et Forêts qui, encore une fois, se sont opposés à ce projet alors qu’ils avaient donné leur accord initialement en commission. Là, il ne s’agit plus de la protection de la forêt puisque nous sommes nous-mêmes de fervents défenseurs de la forêt et profondément engagés contre l’arrachage d’arganiers. Je tiens à rappeler qu’en 2011, des centaines d’arganiers avaient été arrachés. Je me pose la question suivante : où étaient alors les Eaux et Forêts quand cette tragédie est survenue? Ont-ils poursuivi des gens en justice? La politique actuelle des Eaux et Forêts est excessivement incohérente et je ne la comprends pas.
Quel bilan faites-vous de votre expérience de gestion avec le PJD ?
Nous avons travaillé avec le PJD pendant six ans et nous n’avons pas eu de problèmes. Je dirais même qu’au niveau du conseil il y a eu une unanimité sur tous les votes de budgets et fonctionnements. C’est une expérience plutôt exemplaire et j’espère que cela se poursuivra dans le même esprit à l’avenir, pour le bien de la ville.
Et en ce qui concerne votre liste régionale ?
Toutes les listes présentées au niveau de la région possèdent un même symbole : celui du coureur. J’y figure en position non éligible. Nous sommes les seuls à avoir présenté des listes sans appartenance politique. Nous espérons faire passer le maximum de camarades sur cette liste-là. De même que nous espérons que cette liste fera un bon score.
A partir de votre expérience dans la gestion communale quels sont aujourd’hui les maillons faibles de ce type de gestion au Maroc ?
Nous sommes passés d’une population à majorité rurale à une population à majorité urbaine. C’est un phénomène qui a commencé depuis une trentaine d’années. Les plans d’aménagement des villes n’avaient pas pris cette donne en considération par ignorance et incompétence. Le deuxième volet qui n’avait pas été pris en considération dans l’aménagement des villes est l’humain. La ville est le lieu de l’emploi, de la création des richesses mais elle est aussi un espace de vie avec des besoins de loisirs. Nous ne sommes pas arrivés dans les gestions actuelles de nos villes à établir une relation entre le nombre de la population et les équipements nécessaires.