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Covid-19 : Pour que l’expérience du mouvement amazigh au Maroc ne se transforme pas en rêve et poussière

© D.R

Lu dans la plateforme du RNI: maba3d-corona.com

Dans cette tribune, l’avocat et militant de première heure du mouvement amazigh, Ahmed Arehmouch, dresse un bilan du parcours du mouvement et dessine les perspectives de son action future à la lumière de la conjoncture actuelle dominée par le coronavirus et son impact actuel et futur sur la société et toutes ses composantes. Pour rappel, cette contribution a été publiée dans le cadre de la participation de M. Arehmouch au débat lancé par le RNI dans la plateforme : www.maba3d-corona.com.

Ahmed Arehmouch

Les différents Etats du monde suivent l’épidémie mortelle de Covid-19 de différents angles, et où les acteurs politiques ont réalisé maintenant qu’aucun pays n’est aujourd’hui à l’abri de ce virus, alors que le gouverneur et le gouverné dans la plupart des capitales du monde n’ont pas de réponses convaincantes pour les questions qui leur sont adressées. Au Maroc, l’État, les acteurs politiques et civils, militants du mouvement démocratique et des droits de l’Homme, et les activistes du mouvement amazigh, essayent de répondre à plusieurs questions, notamment : est-ce que cette crise pourrait constituer une opportunité à saisir pour lancer la réforme tant attendue au Maroc ? Ou pourrait-t-elle également l’empêcher et le confisquer ? Comment sera le post- Covid-19 vu les enjeux liés à la nature du conflit et la dialectique civile et politique ? Quid de l’avenir de l’amazigh qui doit choisir entre la dépendance à l’acte civil ou de passer à l’action politique au sens étroit et général?

Contexte particulier

De ce point de vue, je suis persuadé que la responsabilité des activistes amazighs s’agrandit, alors que les défis auxquels ils sont confrontés s’élargissent de plus en plus pour tracer l’avenir politique de l’amazigh et la place qu’il occupera dans la réforme souhaitée. Cette situation nous impose tous de prendre une décision audacieuse et précise à propos de ce sujet, avec toutes les conséquences positives et négatives qu’elle entraînera sur l’amazigh et nous-mêmes surtout qu’«une décision c’est un choix avec une marge de risque». En pleine expansion de l’épidémie dans notre pays et les répercussions qu’elle a engendrées, et qui ont nécessité l’intervention directe de l’Etat en raison du défi grave qu’elle représente pour la patrie et l’être humain, j’ai un sentiment particulier envers l’épidémie Corona politique qui continue sa quarantaine intelligente, et son assaut à l’égard du mouvement (culturel) amazigh et l’amazigh lui-même, au moins depuis les résultats des élections législatives du 25 novembre 2011, et celles des collectivités territoriales en 2015. Pour moi et pour les autres personnes concernées par le mouvement amazigh et le mouvement culturel amazigh, je dis que dans mon expérience personnelle ou notre vie publique en tant qu’individus ou groupes menacés de défaite en raison des tirs fréquents des politiques publiques, et qui a atteint un niveau de complexité qu’on ne peut plus supporter ou justifier, je pense que ce qu’il faut dire maintenant c’est que notre expérience, dans toutes ses dimensions, ne tolère plus aucune sorte ou forme d’échec, et ne pourra plus continuer de fonctionner seulement avec la logique de reproduire les expériences traditionnelles précédentes pour ne pas essuyer les mêmes débâcles. Sachant que ceux qui ont profité de notre situation précaire ne cessent de tirer les leçons de nos défaites pour chasser nos rêves et éteindre efficacement nos torches. Laissons-nous donc pratiquer publiquement la différence constructive pour révéler aux gens ce que nous avons convenu en interne (comme l’a dit l’un des pionniers du mouvement de gauche au Maroc).

Et après ?

Compte tenu de notre situation actuelle et de son évolution, le bilan nécessite d’évoquer des contextes de longue date et avec des lieux différents

Premièrement: presque 30 ans se sont écoulées depuis la Charte d’Agadir et la Charte nationale sur la langue et la culture au Maroc en date du 6/8/1991.

Deuxièmement: exactement 20 ans après la déclaration connue sous le nom du militant Chafik en mars 2000.

Troisièmement: neuf ans se sont passés depuis le Mouvement du 20 février 2011.

Quatrièmement: épuisement du slogan historique relatif à la constitutionnalisation de la langue amazighe, et la fin provisoire des batailles législatives en matière de lois réglementaires relatives à l’amazigh après sa publication au Bulletin officiel, qui couronne les nouveautés apportées par le document constitutionnel dans son cinquième chapitre.

Cinquièmement: le déclin quantitatif et qualitatif de la dynamique collective, civile et politique du mouvement amazigh dans divers domaines, au moins au cours des cinq dernières années.

Sixièmement: les contraintes et les nouveaux défis imposés par l’épidémie de Corona, au niveau de la vision, des programmes et des stratégies, non seulement pour le mouvement amazigh mais pour tous les acteurs au moins au niveau national constituent une occasion qui nécessite d’avouer que notre situation organisationnelle et politique, ainsi que civile, et depuis environ cinq ans, a commencé à passer d’un acteur de l’événement à son consommateur, et d’un créateur de faits à une simple personne qui interagit avec son producteur, et d’initiateur à exécuteur.

L’état d’urgence que connaît notre pays et le monde entier actuellement pour arrêter la dévastation que cause l’épidémie Corona pour les patries et les peuples, ainsi que le lancement de la réflexion pour réviser certaines constantes intellectuelles, politiques et économiques, traditionnelles, représentent une occasion pour actualiser nos points de vue et les modalités de l’existence rationnelle du mouvement amazigh et l’amazigh, ainsi que les perspectives et aspirations de notre emplacement dans la carte du Maroc après le coronavirus.

En conséquence, je réitère ce qui suit : Il faut rappeler et affirmer que la sphère politique est un champ de diligence et d’opinions divergentes, et par conséquent la conviction que la participation politique – non pas dans son sens technique ou administratif (comme choisir les dirigeants et la lutte associative) mais plutôt – dans son sens politique et organisationnel, vise à démocratiser l’État et la société en renforçant les efforts de ses membres et orienter celui-ci pour participer dans l’exercice du pouvoir et gérer le régime politique. La participation politique dans ce sens vise à atteindre le plus grand nombre possible d’objectifs dans les plus brefs délais avec les coûts les plus bas possibles, à condition de garantir la présence physique au lieu de la simple présence en cercle fermé et que personne ne vous entende.

Notre implication dans l’élaboration de visions au sein du mouvement amazigh, pour le Maroc et pour le monde post-Corona, est devenue une obligation pour tout le monde. Nous ne pouvons plus attacher d’espoir à ceux qui ont précédemment refusé notre existence et notre identité, attendre l’inconnu, ou ce qui va se produire suite aux actions qui seront menées par celui qui est sur le terrain.

Pour conclusion

À mon avis, les caractéristiques du Maroc post-Corona seront grandement affectées par trois questions principales;

1) Les changements qui peuvent toucher les comportements individuels et les relations sociales des citoyens (comme une baisse du niveau de croyance dans les solutions métaphysiques, les jugements prêts à l’emploi et les jugements de valeur), et la nécessité de s’adapter à ces changements.

2) L’aggravation de la crise économique, et qui va se répercuter sur les classes pauvres et moyennes.

3) La question sera posée sur la légitimité de parler de démocratie représentative et l’effondrement apparent de sa valeur, soit en raison de l’escalade des Nations fermées, soit de l’extension des restrictions qui seront imposées par les institutions financières internationales.

Je ne pense pas que nous soyons tout à fait prêts à accompagner ces défis et à assurer un positionnement de l’amazigh dans les changements qui peuvent avoir lieu. Je renouvelle l’appel à plus d’interaction et confrontations intellectuelles avec des alternatives possibles et réalistes, dont le but est d’élargir les espaces de débat politique avec des alternatives au sein de l’ensemble des militants du mouvement amazigh au Maroc. Pour cela, il faut arrêter de sacraliser les parcours traditionnels de notre militantisme, réviser certaines constantes et positions telles que les élections/ partis et l’urgence de la coexistence avec la plupart des composantes du tissu politique et des partis grâce à l’adoption du pragmatisme politique, en partant du principe que la participation politique permettra de consolider les acquis et garantir la présence dans les centres de décision.

J’appelle à l’action pour faire passer l’expérience du mouvement amazigh à une expérience politique au sein des institutions et des instances, et pour avoir une influence directe. J’appelle également à l’action pour éviter les déchirures, les ruptures et les divisions qui hantent notre expérience jour après jour. J’appelle à l’action pour devenir l’auteur de l’événement, créateur de faits, influencer les décideurs, etc. Cela ne se produira qu’en dépassant l’état de médiocrité qui prévaut, chacun de son emplacement dans le mouvement amazigh, et lever l’état d’urgence et la quarantaine de l’action politique amazighe. Et c’est une option que j’ai annoncée et à laquelle je continue de croire et que je continuerai à défendre, car c’est l’une des options qui mettra fin à la situation d’attente, et à travers laquelle nous assisterons à une nouvelle et forte naissance. Alors peut-on le réaliser ensemble ? Ou bien on va annoncer que notre expérience est devenue juste du rêve et de la poussière ?

Remarque : Les concepts de «rêve et poussière» sont repris du titre de la couverture du livre du professeur Abdelkader Al-Shawi «Al-Yasar au Maroc 1970/1974».

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