Les secteurs de coopération sont nombreux, en particulier dans des domaines clés pour préparer l’avenir : transformation numérique de nombreux secteurs d’activité, décarbonation de l’économie, agriculture et gestion optimisée des ressources en eau rendue nécessaire par l’important stress hydrique que connaît le pays.
Cette visite d’État s’inscrit dans l’ambition de refondation du partenariat d’exception qui lie les deux pays. Une visite qui intervient après une évolution très positive de l’Hexagone concernant le dossier du Sahara marocain. «Voilà donc la République Française qui soutient la souveraineté du Maroc sur l’ensemble du territoire du Sahara et qui appuie l’Initiative d’autonomie dans le cadre de l’intégrité territoriale marocaine, comme seule base pour le règlement de ce conflit régional artificiel. A cette occasion, J’exprime, en Mon Nom personnel et au nom du peuple marocain, Mes plus vifs remerciements et Ma profonde gratitude à la France et à Son Excellence le Président Emmanuel Macron pour ce soutien franc à la marocanité du Sahara », avait affirmé le Souverain il y a deux semaines dans un discours au Parlement à l’occasion de l’ouverture de la 1ère session de la 4ème année législative de la 11ème Législature. «Cette évolution positive, qui fait prévaloir le bon droit et la légitimité par la reconnaissance des droits historiques du Maroc, est portée par un grand pays, doté du statut de membre permanent au Conseil de Sécurité et reconnu comme un acteur influent de la scène internationale. Bien plus, la France possède une connaissance pointue de la nature et des soubassements de ce conflit régional. Cette évolution vient appuyer les efforts déployés dans le cadre des Nations Unies pour asseoir les fondements d’un processus politique devant conduire à un règlement définitif de cette question dans le cadre de la souveraineté marocaine », avait ajouté le Souverain. La question sera sans nul doute présente lors de la visite du président français, la première depuis sa réélection pour un deuxième quinquennat. Sa Majesté le Roi aura un entretien en tête-à-tête avec le président de la République française juste après la cérémonie d’accueil officiel. Les deux chefs d’Etat vont par la suite présider la cérémonie de signature d’accords.
Agenda économique
Un agenda politique mais la visite d’Etat du président français aura une dimension économique comme en témoigne la composition de la délégation française qui fait le déplacement au Maroc. En plus des grands noms de l’administration et les institutions françaises comme le directeur de l’AFD (Agence française de développement) et le directeur de Trésor qui vient d’ailleurs de signer un accord avec la directrice du Trésor côté marocain il y a quelques semaines, le premier avec un pays en dehors de l’Union européenne, la délégation française connaît une présence remarquable du CAC40. Outre le président du patronat français, le Medef, les grands noms des secteurs de l’économie et de l’industrie de l’Hexagone seront au Maroc. Les relations économiques entre les deux pays sont exemplaires. « Les échanges commerciaux entre la France et le Maroc ont progressé et s’élèvent en 2023 à 14,1 Mds€, soit +5% par rapport à 2022. Cette croissance est portée par les importations françaises de matériels de transports, notamment automobiles, dans un contexte de montée en puissance de l’industrie automobile marocaine depuis les années 2010. Les exportations françaises vers le Maroc ont aussi progressé depuis 2021 (9,1% de nos ventes, 6,7 Mds€ en 2023, soit + 9% entre 2019 et 2023), tirées par les ventes de céréales et de blé, alors que la guerre en Ukraine a conduit le Maroc à repenser ses chaînes d’approvisionnement en céréales en favorisant les producteurs français. La France exporte aussi des matériels de transport (24% en 2023) incluant des pièces automobiles », apprend-on auprès de l’Elysée. «Principal pourvoyeur de devises du Royaume, la France demeure le premier investisseur étranger au Maroc (stock d’IDE de 8,1 Mds€ fin 2022), devant les Emirats arabes unis, l’Espagne, la Suisse et le Koweït. Le Maroc représente ainsi la 1ère destination des IDE français en Afrique, avec la quasi-totalité des entreprises du CAC-40 et 1.300 filiales françaises implantées. Même s’ils touchent tous les domaines de l’économie marocaine, les investissements français au Maroc sont surtout concentrés dans l’immobilier, l’industrie (dont l’automobile), le commerce et les activités financières », ajoute la même source.
Secteurs de coopération
Les secteurs de coopération sont nombreux, en particulier dans des domaines clés pour préparer l’avenir : transformation numérique de nombreux secteurs d’activité, décarbonation de l’économie, agriculture et gestion optimisée des ressources en eau rendue nécessaire par l’important stress hydrique que connaît le pays. « Notre partenariat économique se veut d’égal à égal, avec plusieurs projets menés dans une logique de colocalisation industrielle mutuellement bénéfique à l’image de ce qui a été accompli dans le secteur automobile et aéronautique ces dernières années », disent les responsables français. La France et le Maroc sont très engagés dans la transition énergétique, comme en témoigne l’objectif marocain de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 45%. Le Maroc et la France collaborent au sein de la Powering Past Coal Alliance pour accélérer la sortie du charbon à l’échelle mondiale. La France et le Maroc collaborent aussi très étroitement dans le domaine de l’hydrogène décarboné : un partenariat structurant entre l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN), la Société d’accélération du transfert de technologies de Paris-Saclay (SATT Paris-Saclay) et l’Agence française de développement (AFD) a été signé en juillet 2024 afin de faire émerger des projets de recherche appliquée et d’innovation collaboratifs franco-marocains dans la filière de l’hydrogène décarboné. L’Agence Française de développement et le Maroc ont également signé un accord en 2023 portant sur un vaste programme «transition budgétaire verte» consistant en un prêt de 80 millions d’euros au Maroc, assorti d’une subvention d’assistance technique de 2 millions d’euros. Ce nouveau programme vise à renforcer les moyens et les capacités institutionnelles dans plusieurs domaines, dont l’étiquetage climat du budget, la commande publique, les émissions obligatoires vertes de l’État et le pilotage durable des établissements et entreprises publics. Le Maroc est le premier pays d’intervention du groupe AFD dans le monde, avec 3,7 milliards d’euros engagés à fin 2021, répartis entre 48 emprunteurs.
Agriculture et éducation
Après la signature de deux accords en 2024, un nouvel arrangement administratif doit être signé. Démontrant l’excellente dynamique de la coopération franco-marocaine, ce nouvel arrangement permettra de fixer les axes prioritaires de coopération entre les deux pays, dans les domaines agricole et forestier via la mise en place d’un comité mixte. « Cette visite d’État doit permettre de renforcer la coopération entre les acteurs privés du secteur agricole, grâce au lancement de projets de recherche et développement pour l’adaptation des cultures au dérèglement climatique, la structuration des filières agricoles, l’utilisation durable de produits fertilisants ou encore le développement de production de biochar au Maroc », précise la partie française. Dans le domaine de l’éducation, le ministère de tutelle avait adopté une réforme qui prévoit la réintroduction du français dans tous les cycles d’enseignement, et ce, dès le plus jeune âge. « C’est dans ce contexte dynamique, et à l’occasion de cette visite d’État, qu’une déclaration d’intention franco-marocaine pour la coopération dans l’éducation 2024-2026 doit être signée. La France et le Maroc coopèrent dans le but d’améliorer la qualité et les performances de leurs systèmes éducatifs respectifs à travers trois outils principaux : Le dispositif d’enseignement scolaire français au Maroc de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), qui scolarise à la rentrée scolaire 2024 près de 49.000.000 élèves dont deux tiers sont marocains. Il est constitué de 42 établissements qui emploient plus de 3.465 enseignants », précisent les responsables. La recherche scientifique n’est pas en reste. La même source affirme que la France est le 1er partenaire scientifique du Maroc (près de 13.000 co-publications sur la période 2013-2022). Deux programmes de coopération essentiels sont menés avec le Maroc. Le partenariat Hubert Curien (PHC) bilatéral «Toubkal», d’une part, programme-phare de la coopération qui a pour but de valoriser des recherches innovantes ayant un impact sur le développement durable. Le PHC régional «Maghreb» d’autre part, auquel participe le Maroc depuis sa création en 2012, et qui a vocation à encourager davantage de mobilités inter-Maghreb. Le Maroc héberge par ailleurs deux centres importants pour la recherche scientifique : l’Institut de recherche pour le développement (IRD), avec compétence sur l’Égypte et le Liban, ainsi que le Centre de coopération en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).
Invité surprise
Si la présence des patrons des fleurons industriels et économique de la France était très attendue, la participation des entreprises actives dans le domaine de l’industrie du gaming est la surprise de cette visite. Le programme communiqué par l’Elysée de la visite du président Macron prévoit une Séquence «Gaming» en présence de professionnels français et marocains, tant au plan de l’industrie créative que des joueurs, à l’Université internationale de Rabat. Il faut dire que le Maroc ambitionne de développer une industrie du gaming. Le marché mondial du gaming occupe le 1er rang des industries culturelles et créatives avec 295 milliards USD en 2022. Les projections indiquent que cette croissance continuera et l’industrie pourrait atteindre une valeur de 321 milliards USD d’ici 2026. Sur le plan national, le gaming est une filière émergente et offre d’énormes opportunités d’emplois et d’investissement pour le Maroc. Dans ce cadre, le ministère de la jeunesse, de la culture et de la communication a lancé en 2022 la stratégie du gaming autour de 4 axes, à savoir la mise en place des infrastructures technologiques et d’accueil dont Rabat Gaming City, le développement des initiatives liées à la formation dans le secteur du gaming: couverture de l’ensemble des besoins et renforcement de l’existant, la structuration des incubations et le soutien aux investisseurs locaux et internationaux par des dispositifs attractifs, et la promotion nationale et internationale du secteur : communication, présence dans les salons à l’étranger, Salon du gaming à Rabat : «Morocco Gaming Expo ».
A noter enfin que le programme de la visite prévoit la clôture des rencontres entrepreneuriales Maroc-France – Secteurs stratégiques d’avenir par le président de la République à l’auditorium de l’Université Internationale de Rabat. La délégation française connaît la participation d’entreprises ainsi que des startups françaises dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), de l’agri tech ainsi que des infrastructures des télécommunications et la biotech.
Autant de secteurs de coopération d’avenir entre les deux pays. De nouveaux détails seront dévoilés au cours de la visite.
Délégation officielle
Composition. Selon une liste non exhaustive, la délégation officielle française comprend Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur, Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale, Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Rachida Dati, ministre de la culture, Sébastien Lecornu, ministre des armées et des anciens combattants, Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, Patrick Hetzel, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Olga Givernet, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, chargée de l’énergie. La délégation comprend également des parlementaires et des élus, notamment Naïma Moutchou, députée du Val-d’Oise (4e circonscription) et vice-présidente de l’Assemblée nationale, Bruno Fuchs, député du Haut-Rhin (6e circonscription) et président de la Commission des affaires étrangères, Karim Ben Cheikh, député des Français établis hors de France (9e circonscription) et ancien président du Groupe d’amitié France-Maroc de l’Assemblée nationale, Christian Cambon, sénateur du Val-de-Marne (Île-de-France) et président du groupe d’amitié France-Maroc du Sénat.
Sahara
Lettre. Dans un message adressé à Sa Majesté le Roi Mohammed VI en juillet dernier, le président français, Emmanuel Macron, avait annoncé officiellement au Souverain qu’il «considère que le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine», indique mardi le Cabinet Royal dans un communiqué. Dans ce même message, qui coïncide avec la commémoration du 25ème anniversaire de la Fête du Trône, le président de la République française assure Sa Majesté le Roi de «l’intangibilité de la position française sur cet enjeu de sécurité nationale pour le Royaume» et que son pays «entend agir en cohérence avec cette position à titre national et au niveau international». A cet effet, M. Macron affirme que «pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant», ajoutant que ce plan «constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique, juste, durable et négociée, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies». «Aujourd’hui, un consensus international de plus en plus large se dégage», constate le chef de l’État français, concernant le Plan d’autonomie sous souveraineté marocaine, précisant que «la France y prend toute sa part dans l’ensemble des enceintes concernées», notamment à travers le soutien de son pays aux efforts du Secrétaire général des Nations Unies et de son Envoyé personnel. «Il est temps d’avancer. J’encourage donc toutes les parties à se réunir en vue d’un règlement politique, qui est à portée de main», affirme le président français dans son message. Par ailleurs, après s’être félicité des efforts du Maroc pour le développement économique et social du Sahara marocain, le président s’est engagé à ce que «la France accompagnera le Maroc dans cette démarche au bénéfice des populations locales».