Universitaire et spécialiste en communication des organisations et soft skills, M. Ftouh nous fait part de ses réflexions sur l’importance des soft skills dans le domaine entrepreneurial et le rôle qu’elles joueront à l’avenir avec l’avènement de l’intelligence artificielle et l’automatisation.
ALM : Comment définit-on les soft skills ?
El Mostafa Ftouh : Les soft skills, ou compétences comportementales, désignent un ensemble de qualités personnelles, interpersonnelles et sociales qui influencent la manière dont une personne interagit avec les autres, résout des problèmes, ou gère les situations au travail. Contrairement aux hard skills, les soft skills sont étroitement liées à la dimension humaine et aux capacités relationnelles. Parmi ces soft skills, nous citons entre autres : Communication efficace, Travail en équipe, Gestion du stress et des émotions, Résolution de conflits, Pensée critique et créativité, Adaptabilité et flexibilité, Intelligence émotionnelle, Leadership et gestion du temps, etc.
En quoi les soft skills diffèrent-elles des compétences techniques ou «hard skills» ?
Les hard skills, ou compétences techniques, désignent les connaissances et les capacités spécifiques qu’une personne acquiert à travers la formation, l’éducation ou l’expérience pratique et qui sont directement liées à un métier ou à une activité professionnelle. Ce sont des compétences mesurables et concrètes. Elles sont souvent certifiables, acquises par l’apprentissage et adaptées à un domaine tel que les compétences liées aux domaines d’informatique, de gestion et de la finance et d’industrie, etc.
Pourquoi sont-elles importantes en entreprise ?
Elles sont importantes en entreprise parce qu’elles favorisent la collaboration et le travail d’équipe. De plus, elles améliorent la gestion des conflits, renforcent la performance individuelle et collective comme elles favorisent l’adaptabilité dans un monde en constante évolution tout en permettant d’influencer positivement la culture d’entreprise, les soft skills permettent aussi la mise en évidence des hard skills.
Qu’est-ce qui importe le plus en milieu professionnel les soft ou les hard skills ?
Il faut souligner que les soft skills comptent autant que les hard skills en milieu professionnel. Les recruteurs accordaient auparavant beaucoup d’importance aux hard skills lors des entretiens d’embauche. Toutefois, il s’est avéré que le manque de soft skills chez certains managers limite la mise en évidence des hard skills pour lesquelles ils étaient recrutés. Leur manque de soft skills fait émerger un ensemble de problèmes relationnels avec l’équipe, ce qui nuit à la performance du personnel. Aujourd’hui, les recruteurs recourent à des tests psychométriques pour évaluer les soft skills des candidats lors des entretiens d’embauche.
Quels sont les principaux défis auxquels les entreprises font face lorsqu’elles cherchent à évaluer ou à développer les soft skills chez leurs employés ?
Dans le cadre du ROI (Retour sur investissement), les entreprises sont conscientes de l’apport des soft skills dans le développement de la performance des collaborateurs, et par conséquent l’amélioration de la rentabilité de l’entreprise. Bien évidemment, il est vrai qu’elles reconnaissent l’importance des soft skills pour la réussite organisationnelle, mais elles rencontrent plusieurs obstacles lorsqu’il s’agit de les évaluer ou de les développer. En effet, l’évaluation des soft skills est un processus complexe vu leur caractère subjectif, le manque d’outils standardisés, et surtout qu’elles se manifestent souvent dans des situations spécifiques, ce qui rend leur évaluation difficile dans un cadre formel ou artificiel.
Pour le développement des soft skills, les défis sont multiples. Nous pouvons en citer la résistance au changement des salariés pour leur manque de l’intérêt des soft skills et le manque de motivation chez le personnel. Nous pouvons ajouter aussi que les soft skills sont fortement liées à la personnalité et aux expériences individuelles et aux formations «standardisées» qui ne répondent pas toujours aux besoins spécifiques de chaque employé. Ajoutons à cela le coût des formations. Les programmes de formation en soft skills (comme le coaching ou les ateliers immersifs) peuvent être coûteux, ce qui freine leur mise en œuvre et surtout dans les petites entreprises.
Comment les entreprises peuvent-elles surmonter ces défis ?
Plusieurs solutions peuvent être mises en place, comme l’évaluation ciblée, à savoir l’utilisation des outils comme les mises en situation, les feedbacks 360°, ou les tests comportementaux (ex. DISC, MBTI). Les formations immersives et le coaching personnalisé permettent aussi d’offrir des programmes adaptés aux besoins individuels, combinant théorie et pratique. La création d’une culture organisationnelle propice permet de promouvoir l’importance des soft skills en montrant leur impact sur la collaboration et la performance globale et le suivi sur le long terme à l’aide de l’intégration des soft skills dans les entretiens annuels, les plans de développement personnel et les critères d’évaluation.
Quelles sont les soft skills les plus critiques pour les managers et dirigeants d’aujourd’hui ?
A l’échelle internationale, l’importance des soft skills diffère d’un contexte à l’autre et d’un pays à l’autre. Par exemple, aux Etats-Unis, les recruteurs cherchent plus l’esprit critique et l’adaptabilité. En France, c’est plus la capacité d’analyse et la créativité, tandis qu’en Allemagne, les recruteurs cherchent plus le sens de l’organisation et la résolution de problèmes. Toutefois, au Japon, ce sont les compétences d’esprit collectif et la patience et persévérance qui viennent en tête des compétences recherchées. À l’inverse au Brésil, il s’agit plus de flexibilité et de résilience.
Pourtant, au Maroc, selon une enquête que nous avons menée nous-mêmes, nous avons trouvé que les recruteurs marocains cherchent l’adaptabilité et la polyvalence en tête des compétences demandées.
Avec l’avènement de l’intelligence artificielle et de l’automatisation, pensez-vous que les soft skills deviendront encore plus importantes à l’avenir ?
Tout à fait, les soft skills deviendront encore plus importantes à mesure que l’intelligence artificielle (IA) et l’automatisation transforment le monde du travail. Bien que l’IA excelle dans l’automatisation des tâches techniques et répétitives, elle ne peut pas remplacer les compétences humaines intrinsèques, telles que l’empathie, la créativité ou le jugement éthique, et ce pour plusieurs raisons. Les soft skills combleront toujours le fossé laissé par la technologie. Bien que l’IA puisse générer des solutions basées sur des modèles existants, la véritable innovation nécessite une pensée originale, des perspectives variées et un esprit critique. La collaboration homme-machine restera toujours une évidence. Soulignons qu’il y a aussi un aspect très important qui est l’éthique et la responsabilité humaine face à l’IA. De ce fait, un équilibre humain-technologie est toujours requis.