Société

30 ans pour les gardiens de la vertu

La salle d’audience de la chambre criminelle près la cour d’appel d’El Jadida est archicomble, en ce mardi 20 mai. Au banc des accusés, Abderrahim, Bouchaïb et Laghlimi attendent que le président les appelle pour entamer leur interrogatoire. Bien que risquant une lourde peine, ils ne regrettent pas leur crime. Ils sont convaincus qu’ils l’ont commis avec fierté pour défendre leur honneur et celui de leur douar qui n’est pas très loin d’El Jadida. Quand ils ont été appelés par le président, ils se sont avancé vers le box sans accorder un regard à l’assistance. Leurs parents et leurs familles s’y trouvent et attendent le prononcé du verdict.
«Oui, nous l’avons frappé», répond chacun d’eux quand ils ont été interrogés par le président de la cour. Seulement, ils ont tenté de se disculper d’avoir l’intention de le tuer. Ils affirment n’avoir l’idée que de l’«éduquer». L’éduquer à mort ? s’exclame le président. En revanche, ils avaient auparvant déclaré aux enquêteurs de la Gendarmerie Royale qu’ils avaient tué Abdeljebbar avec préméditation. Pourquoi ?
Abdeljebar n’était pas un résident de leur douar. Et pourtant, il s’y rendait de temps en temps s’imaginant passer inaperçu. Alors que ses visites successives à la maison de sa maîtresse est le principal sujet de conversation de tous les habitants du douar. Ils sont tous au courant de cet homme qui passe de temps en temps quelques heures chez leur voisine. Son mari est le seul à ne pas être au courant. Il travaille du matin au soir sans avoir le temps de passer quelques minutes avec ses voisins au douar. Parfois, il passe plusieurs jours sans retourner la nuit chez lui. Et personne n’a osé le mettre au courant de l’infidélité de son épouse.
Abderrahim, Bouchaïb et Laghlimi n’ont pas pu supporter les comportements de leur voisine. Comment ose-t-elle se comporter ainsi et inviter un étranger du douar chez elle, loin des yeux de son mari et bafouer ainsi l’honneur du douar ?  Ils ne devaient pas rester les mains croisées et devaient réagir. Mais ils ne savaient pas encore comment s’y prendre. Aviser le mari ? Malmener les deux amants? attaquer l’amant seul ? Le liquider ?
Les trois amis ont déclaré aux enquêteurs avoir décidé de le tuer. Ils ont choisi une nuit de ramadan pour passer à l’action. Quand il est entré chez sa maîtresse après la prière d’Al-Îcha, ils sont restés à  l’attente. Ils ont patienté jusqu’à sa sortie quelques heures plus tard. Ils l’ont suivi jusqu’à un lieu désert, lui ont barré le chemin et lui ont asséné des coups de poings et de pieds avant de lui donner un coup de couteau mortel.
Le lendemain son corps a été découvert par les habitants. Une enquête a été ouverte et les trois auteurs du crime ont été arrêtés deux jours plus tard. Le représentant du ministère public a confirmé, dans son réquisitoire, que le trio avait l’intention de tuer Abdeljebbar. Et il a requis de les condamner pour homicide volontaire avec guet-apens et préméditation. «Il n’y a ni préméditation ni guet-apens», a soutenu la défense, lors de sa plaidoirie. Elle a expliqué que ses clients n’avaient l’intention que de malmener la personne qui a porté atteinte à leur douar. C’est une question d’honneur qui a mal tourné, précise la défense qui a réclamé en fin de sa plaidoirie de faire bénéficier ses trois clients  des circonstances atténuantes. Après délibération, la cour les a jugés coupable pour homicide volontaire et les a condamnés à 30 ans de réclusion criminelle chacun.

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