C’est un gros scandale, aux allures d’affaire d’État, que l’armée marocaine vient de débusquer. Le dossier est entre les mains de la justice. Le procès, ouvert mardi 19 novembre devant le tribunal de première instance de Aïn Chock-Hay Hassani à Casablanca, a été reporté pour ce vendredi. Cette juridiction s’est emparée de l’affaire après que la Cour d’Appel de la ville, saisie au début par la partie plaignante, s’est déclarée incompétente pour la juger.
Dans le premier et principal rôle de cette affiche judiciaire sulfureuse, Hicham Benamour, patron de Privair, une société privée d’aviation civile installée depuis le début des années 90 dans l’aéroport de Casa-Anfa. Dotée d’une flotte d’une dizaine de petits avions, faisant travailler une soixantaine de personnes, Privair, une SARL, est une entreprise familiale dont l’activité englobe le transport sanitaire international, les avions-taxis, la médecine d’urgence, les cours de pilotage, la vente des équipements aéronautiques et la maintenance des moteurs . Aujourd’hui, elle se trouve au centre d’un scandale militaro-diplomatique.
Fils d’un ancien capitaine qui a quitté volontairement les FAR au début des années 60 pour se reconvertir dans les affaires ( secteur de la chaussure), Hicham Benamour, 40 ans, est accusé de s’être livré depuis près de 4 ans à un commerce illicite de pièces de rechange d’appareils d’aviation militaires au nom des Forces Royales Air (FRA) qui le poursuivent aujourd’hui en justice pour escroquerie.
Pour s’adonner à son trafic, M. Benamour utilise l’Internet. Dans la toile magique, on trouve de tout y compris les adresses des sociétés vendant des pièces détachées pour les avions civiles et militaires. À ce qu’il paraît, n’importe qui peut demander la cotation des prix de ce qu’il veut, passer ensuite la commande et se faire livrer sous 48 heures. Se présentant comme le représentant officiel et légal de cette unité de l’armée que sont les FRA auprès des fournisseurs principalement américains et français, M. Benamour a ainsi pu importer plusieurs tonnes d’équipements militaires. Une source proche du dossier précise que le business porte sur des sommes colossales tout en indiquant que Privair s’est approvisionné auprès d’une centaine d’entreprises selon ce mode opératoire via le Net.
Le pot aux roses n’aurait jamais été découvert si un fournisseur américain n’avait pas pris récemment le soin de vérifier avec le commandement des Forces Royales de l’Air le bien-fondé de la grosse acquisition des pièces détachées que ce client marocain souhaitait entreprendre. C’est ainsi, que renseignement pris, le faux représentant des FRA a été démasqué. Arrestation immédiate du suspect qui sera interrogé par la gendarmerie.
La réglementation américaine et même internationale interdit normalement, vu le caractère sensible de cette activité, la vente des pièces de rechange aéronautique à des entités non militaires ou à des représentants qui ne sont pas dûment mandatés par ces dernières. Il semble que les vendeurs ont été induits en erreur par Hicham Benamour en produisant des documents falsifiés qui lui ont permis de se faire passer pour un mandataire légal.
Une chose est sûre : Cette affaire, qui fait encore l’objet d’une enquête minutieuse, n’a pas livré tous ses secrets. D’ores et déjà, les enquêteurs ont pu remonter la filière de ce commerce juteux et l’usage fait des pièces de rechange achetées par Privair. C’est ainsi qu’on a appris que cette entreprise d’aviation travaille en étroite collaboration avec des partenaires privés libyens dont Privair révise les moteurs des avions. M. Benamour agissait-il à partir du Maroc comme intermédiaire pour le compte de la Libye qui, comme tout le monde le sait, est sous embargo depuis plusieurs années ? L’accusé agissait-il seul ou bénéficiait-il de complicités dans le cadre de cette affaire mystérieuse ?