Société

Ahmed Sefrioui meurt dans l’indifférence

© D.R

Les personnes, qui ont pris part au cortège funéraire d’Ahmed Sefrioui, cachent mal leur désarroi. L’écrivain a été enterré non seulement dans l’intimité, mais dans l’indifférence, mercredi après-midi, au cimetière Achohada de Rabat. Silence radio autour de sa mort.
Les hommages et témoignages nécrologiques, qui sont souvent le tribut des écrivains et artistes morts, ont cruellement manqué cette fois-ci. “Je suis à la fois sidérée et choquée par l’indifférence totale à la mort d’un si grand écrivain. Même pas une information brute pour annoncer sa mort ! Je suis révoltée par autant d’ingratitude ! Ahmed Sefrioui a été l’un des meilleurs ambassadeurs de la culture marocaine à l’étranger“, s’écrie Karima Yatribi, enseignante à l’université Aïn Chock de Casablanca et auteur d’une thèse sur l’oeuvre de l’écrivain. Son sentiment est partagé par le poète Mohamed Loakira qui se pose des questions sur cette “inhumation dans l’intimité“. “Est-ce un problème de langue ? Est-ce parce que Ahmed Sefrioui écrivait en français qu’il n’a pas eu droit aux honneurs accordés à d’autres ?“ Le jour de l’enterrement de l’écrivain, il n’y avait aucun représentant du ministère de la Culture, bien que l’intéressé ait occupé, pendant des années, le poste d’inspecteur du patrimoine à la direction des Affaires culturelles. Il n’y avait pas non plus de représentants de l’Union des Ecrivains du Maroc (UEM). Pourtant, l’écrivain, mort dans l’indifférence, est considéré comme “le père fondateur de la littérature marocaine de langue française“, “l’initiateur“, “le précurseur“. Les avis sont unanimes là-dessus. En 1949, déjà, son roman “Le Cchapelet d’ambre“ a été récompensé par le Grand Prix littéraire du Maroc, attribué à cette occasion pour la première fois à un Marocain. Son deuxième livre “La Boîte à merveille“ (1954) est cité avec “le passé simple“ de Driss Chraïbi comme le roman fondateur de la littérature marocaine de langue française. Mais alors que “Le Passé simple“ violente la langue française et la société marocaine, le livre de Sefrioui est écrit dans une langue narrative, agréable, sans cahots et évoque une vie courante paisible.
Cette langue et les thèmes abordés dans les livres de Sefrioui ont été à l’origine d’un procès qui lui a été fait, pendant longtemps, par de nombreux intellectuels marocains. Ahmed Sefrioui a souffert d’une étiquette : écrivain néo-colonialiste et folklorique. L’un des plus virulents critiques de son oeuvre fut Abdeljllil Lahjomri. “J’ai fait mon mea culpa depuis, et n’ai cessé de témoigner mon admiration pour l’intérêt que cet écrivain accordait aux petites gens et à sa maîtrise de la langue française. Ahmed Sefrioui était l’un des meilleurs connaisseurs de la langue française au Maroc“, indique-t-il à ALM.
L’écrivain Jean-Pierre Koffel partage cet avis sur l’écriture “remarquable“ d’Ahmed Sefrioui. Il rappelle à cet égard que l’auteur de “La Boîte à merveille“ a commencé à écrire, dès 1943, des poèmes et nouvelles dans “Le pique-boeuf“, une publication hebdomadaire éditée dans la région de Fès-Meknès.
Ahmed Sefrioui aimait beaucoup cette région et les gens qui y habitent. Né en 1915 à Fès, il a accompli un travail colossal, dans ses livres, sur l’imaginaire des Marocains appartenant à des souches sociales modestes. Il s’est également dévoué au patrimoine du pays. Ses écrits sur de petits artisans marocains, haussés au rang d’artistes accomplis, sont parmi les plus pénétrants sur les expressions artisanales au Maroc.

Articles similaires

SociétéUne

Alerte météorologique: l’ADM appelle à la vigilance sur l’axe autoroutier Meknès-Oujda

La Société nationale des autoroutes du Maroc (ADM) a appelé les usagers...

SociétéSpécialUne

Plus de 28.000 nouveaux inscrits en 2022-2023 : De plus en plus d’étudiants dans le privé

L’enseignement supérieur privé au Maroc attire des milliers de jeunes chaque année.

SociétéSpécial

Enseignement supérieur privé : CDG Invest entre dans le capital du Groupe Atlantique

CDG Invest a réalisé une prise de participation de 20% via son...

SociétéUne

Enseignement supérieur: La réforme en marche

Le digital occupe une place de taille dans la nouvelle réforme du...

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux