«C’est moi seul qui l’a violée», avoue Abdellah devant les magistrats de la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. Il semble ne pas avoir l’intention de se disculper comme les autres mis en cause, alors qu’il est un repris de justice. À son trente-huitième printemps, ce surnommé « Al-Ghoul » a purgé une dizaine d’années d’emprisonnement pour divers crimes et délits.
En commençant par de simples délits de vols, il est arrivé au vol qualifié, cambriolage et viol. Une expérience dans le monde de la délinquance et la criminalité qui lui a permis de se tenir paisiblement devant les magistrats. Au contraire, les deux autres mis en cause, Abdelkbir et Abdenbi, avaient l’air de personnes qui mettaient, pour la première fois, les pieds dans un palais de justice, encore moins dans une prison. Ils n’arrivaient même pas à regarder les magistrats. Abdenbi, un jeune de dix-huit ans, qui n’a jamais été mouillé dans une affaire ni délictuelle ni criminelle, était plus affecté qu’Abdelkbir. Ce dernier surnommé Zindigui, âgé de trente et un ans, célibataire et sans profession, a purgé, à trois reprises, des peines d’emprisonnement pour constitution d’une association de malfaiteurs, vol qualifié, enlèvement et viol.
«As-tu perpétré les crimes soulignés dans le procès-verbal», a demandé le président de la Cour à Abdellah. Bouche-bée, ce dernier semble comme s’il n’a pas bien saisi la question. C’est ainsi que le président lui a demandé, d’une manière directe, s’il avait vraiment enlevé, séquestré et violé la victime. «Oui !», a-t-il avoué. Ses aveux consignés dans le procès verbal de son audition étaient fermes.
Il expliquait, en détail, son crime qu’il a perpétré sans aucun regret. Drogué, il se tenait seul dans un coin du quartier Moulay Rachid et fumait des joints. Quelques minutes après, Abdenbi et Abdelkbir ont rejoint Abdellah, en apportant avec eux des cannettes de bière cachées dans un sachet en plastique noir. C’est à ce moment-là que Fatima, une jeune mère âgée de vingt-cinq ans, venait de quitter sa maison pour faire des courses. Dans un quartier comme celui de Hay Moulay Rachid, il est risqué de sortir après 18 heures. Elle était seule dans cette ruelle, après avoir confié ses deux enfants, huit ans et trois ans, à une voisine et croyait avoir affaire à quelques “Ouled Derb“ qui ne pouvaient la toucher et même prendre sa défense en cas d’un malheureux incident.
Fatima a remarqué en fait les trois jeunes fumant dans le coin, mais elle n’a pas rebroussé chemin. Les choses ont commencé à tourner en un drame lorsqu’elle a remarqué l’ombre d’une personne qui la suivait. Ses soupçons se sont vite confirmés, en sentant une main sur ses épaules. En tournant la tête, elle s’est retrouvée face à l’un de ces trois jeunes gaillards qui l’a tirée violemment vers lui et lui a asséné un coup de poing. Devant le couteau brandi d’Abdellah, Fatima n’a pas pipé un traître mot. Les menaces persistantes de meurtre prononcées avaient mis Fatima dans un état déplorable. C’est ainsi que Abdellah l’a attirée violemment dans un coin, loin des regards des passants, pour la violer à deux reprises.
«Tout ce qui a été écrit dans le procès verbal est vrai, alors que mes deux amis n’ont rien commis», a répondu Abdellah, voulant épargner ses amis. Mais aux yeux de la justice, ils sont également coupables puisqu’ils ne sont pas intervenus pour sauver la femme. Abdelkbir et Abdenbi ont été condamnés à six mois de prison ferme pour non-dénonciation, non-assistance à une personne en danger et ivresse. Alors que le mis en cause principal, il a été condamné à 7 ans de réclusion criminelle.