Aujourd’hui, le Maroc : Quel regard portez-vous sur la frontière de plus en plus mince entre associations et partis politiques?
Une association est par définition une instance qui implique les citoyens dans une démarche associative supposée être généraliste, quitte à ce qu’elle s’occupe de façon plus circonstancielle de tel ou tel aspect de la vie sociale. Un parti politique est un cadre qui organise les citoyens dans le but d’influencer le fonctionnement de la société politique mais aussi d’accéder aux instances décisionnelles. Ce qui par définition n’est pas le cas de l’association, fut-elle à caractère politique. Les associations à caractère politique sont un nouveau venu dans le champ linguistique et associatif au Maroc. Ce sont des associations qui sont différentes des partis parce qu’elles ne se fixent pas pour objectif de conquérir le pouvoir mais qui ne restent pas des spectateurs du champ politique et ce en se fixant comme objectif de l’influencer.
Sommes-nous justement en train d’assister à une confusion des genres dans l’exercice politique et associatif ?
La confusion des genres vient à mon avis du fait qu’une partie de l’élite de la société civile et une partie même de l’élite politique n’ont pas toujours maîtrisé cette indispensable frontière qui devrait séparer les deux espaces, associatif et politique. La crise des partis aidant, on a eu tendance à jeter le bébé avec l’eau du bain et à croire que les partis politiques ne servent à rien et qu’à ce titre il va falloir trouver d’autres instances d’intermédiation. La société civile naissante et balbutiante semblait jouer fort à propos ce rôle. C’était se tromper d’analyse et de genre parce que la société civile, dès lors qu’elle se fixerait pour objectif d’occuper le champ politique, deviendrait précisément une instance d’intermédiation politique.
Qu’attend le dirigeant politique que vous êtes du projet de loi sur les partis ?
Qu’il permette à l’action politique de reconquérir ses lettres de noblesse ! Nous avons l’impression que nous sommes dans un processus de déliquescence de l’action politique et de l’action partisane. Nous avons besoin d’y mettre de l’ordre et que l’on se fixe pour objectif de continuer à construire cette démocratie émergente en mettant en place un cadre instrumental qui précise les mécanismes d’intervention et de fonctionnement des partis politiques. Une telle loi devrait reconfirmer l’option démocratique de la libre constitution des partis et leur fonctionnement sur la base de l’option démocratique du pays. Il ne peut y avoir de place pour des partis d’obédience religieuse, raciale ou régionaliste…
Comment faire pour que la transparence soit une réalité dans le financement des associations et des partis ?
La transparence est un fondement essentiel de la démocratie et de la modernité. En matière financière, la question est encore plus redoutable puisque par l’intermédiaire de financements occultes, l’on pourrait introduire le loup dans la bergerie. Or, par définition, une démocratie est une bergerie. Ce qu’il faut ici signaler, sans entrer dans les modalités techniques, c’est qu’il y a des institutions de vérification, d’audit et de contrôle du financement public des partis et de l’usage qui est fait des fonds publics.