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Au-delà d’un sourire en bonne santé

© D.R

La pandémie les a presque proscrits: les services dentaires, y compris les visites de contrôle régulières, ont indéniablement figuré parmi les services de santé primaires les plus perturbés par les confinements dus à la Covid-19. La réticence des personnes à consulter un dentiste en temps normal a été exacerbée par la peur de s’aventurer dans une clinique ouverte ou tout simplement de ne pas pouvoir le faire à cause des restrictions. L’hésitation dentaire a toujours été présente, mais depuis le début de la pandémie, il y a plus de deux ans, la situation a empiré.

Une hésitation qui fait également écho à l’échelle politique.
La santé bucco-dentaire était, il y a encore très peu de temps, considérée comme le «vilain petit canard» des efforts en faveur de la santé mondiale. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a adopté que deux résolutions spéciales sur la santé bucco-dentaire, la dernière, ironiquement, en pleine pandémie de Covid-19, en 2021. C’est donc le moment idéal de rappeler pourquoi il est dans notre intérêt (sanitaire) général de réagir face à ce fléau qui touche la santé bucco-dentaire mondiale. Il est essentiel de ramener les personnes au sein des cliniques dentaires et de protéger leur santé bucco-dentaire afin de préserver leur santé générale, leur bien-être et leur qualité de vie.

Pourquoi ?
Tous ces facteurs, qui peuvent rendre les personnes vulnérables aux maladies non transmissibles chroniques (MNT), telles que les maladies cardiovasculaires, le cancer, les maladies respiratoires chroniques et le diabète, comportent également un risque pour leur santé bucco-dentaire. La consommation excessive de sucre, l’usage nocif de l’alcool et le tabagisme nuisent autant à notre corps qu’à notre bouche. L’impact en chiffres purs est alarmant. En effet, quelque 3,5 milliards de cas de maladies bucco-dentaires et autres affections bucco-dentaires ont été enregistrés en 2017. Au cours des trois dernières décennies, la prévalence mondiale combinée des caries dentaires, des maladies parodontales (des gencives) et de l’édentement s’est élevée à 45%, soit plus que toute autre MNT.

Ignorer le problème n’a aucun sens, que ce soit sur le plan financier ou autre. A l’échelle mondiale, en 2015, les maladies bucco-dentaires représentaient 357 milliards de dollars de dépenses directes et 188 milliards de dépenses indirectes. La même année, les dépenses de traitement des maladies bucco-dentaires au sein de l’Union européenne s’élevaient à 90 milliards de dollars, la troisième plus grosse dépense parmi les MNT derrière le diabète et les maladies cardio-vasculaires.
«Sans une bonne santé bucco-dentaire, on n’est pas en bonne santé», a dit un jour l’ancien chirurgien général américain David Satcher, et il avait raison ; l’approche largement cloisonnée de la santé bucco-dentaire n’a aucun sens politique non plus.

Surtout si l’on tient compte des preuves. Nous savons que les bactéries et les inflammations associées aux maladies parodontales sont liées aux maladies cardio-vasculaires, à la polyarthrite rhumatoïde et aux effets indésirables pendant la grossesse. À l’inverse, nous savons aussi que les personnes atteintes de diabète voient leur niveau de glycémie s’améliorer si leur maladie parodontale est correctement prise en charge.
Sachant qu’une mauvaise santé bucco-dentaire peut être évitée et, si prise en charge, contribuer à améliorer la santé générale, pourquoi ne pas en faire davantage pour l’intégrer dans d’autres programmes de lutte contre les MNT ?

L’interdiction récente de la publicité pour la restauration rapide à la télévision et en ligne avant 21 h au Royaume-Uni est un excellent exemple en faveur d’une meilleure alimentation, tout comme la campagne du footballeur britannique Marcus Rashford en faveur de repas scolaires plus sains. Mais d’autres opportunités sont inexploitées. Avec un peu de prévoyance, ces deux initiatives auraient pu inclure des messages clés pour les enfants et les parents à propos du lien entre une alimentation saine et une bonne santé bucco-dentaire. De futures campagnes pourraient mettre plus en avant le besoin de donner la priorité à la promotion de la santé bucco-dentaire dans les établissements scolaires, les communautés et les lieux de travail ainsi que d’en garantir l’accès aux millions de personnes ne pouvant se permettre les produits de première nécessité, comme le dentifrice fluoré.

Nous devons repenser globalement notre façon de parler des maladies bucco-dentaires et de les combattre. Dans la grande majorité des pays, même les services de santé bucco-dentaire essentiels ne sont pas pris en charge par la couverture sanitaire universelle. Les maladies bucco-dentaires sont des maladies non transmissibles et doivent donc être traitées en tant que telles. Les défenseurs de cette cause soutiennent depuis longtemps que l’investissement dans la prévention génère d’importants retours économiques et sauve des millions de vies. La Covid-19 a accentué l’énorme coût économique et humain de l’inaction: les personnes atteintes de maladies chroniques comme le diabète, le cancer et les maladies cardio-vasculaires risquaient beaucoup plus de tomber gravement malades, d’être hospitalisées ou de mourir du SARS CoV 2.
Mais la pandémie n’est qu’un microcosme d’un tableau plus vaste : notre échec historique à traiter les maladies bucco-dentaires de manière substantielle ; à les considérer comme toute autre MNT. La nouvelle stratégie mondiale sur la santé bucco-dentaire, qui doit être adoptée par les gouvernements lors de la prochaine Assemblée mondiale de la santé de l’OMS, constitue un pas dans la bonne direction. Un pas attendu depuis longtemps.

Pr. Ihsane Ben Yahya (*) et Dr Greg Chadwick (**)

(*) Présidente de la Fédération dentaire internationale (FDI) et professeure à la Faculté de médecine dentaire de Casablanca, au Maroc.

(**) Président élu de la Fédération dentaire internationale (FDI) et doyen de l’École de médecine dentaire de l’East Carolina University, aux États-Unis.

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