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Avortement : La bataille des chiffres

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Les Marocaines ont de plus en plus recours aux médicaments

L’Association marocaine de planification familiale (AMPF) vient de publier les résultats  d’une étude sur les avortements non sécurisés. Selon l’enquête, entre 5 et 8 cas d’avortement non sécurisé pour 1.000 femmes âgées de 15 à 44 ans ont lieu annuellement au Maroc, soit 50.000 à 80.000 cas d’avortement. Toujours d’après l’étude, on apprend que ces avortements sont responsables d’environ 4,2% des cas de décès maternels et de 5,5% de décès suite aux complications directes post-accouchement.

Quant à la méthodologie pour la réalisation de cette étude, la directrice de l’AMPF, Fadoua Bakhadda, explique : «Nous nous sommes basés sur plusieurs études internationales, notamment les travaux de l’Organisation mondiale de la santé et la revue médicale The Lancet, en plus d’autres recherches scientifiques sur le sujet». A ce sujet, Mme Bakhadda fait référence à l’étude de l’OMS publiée en janvier 2012 dans la revue The Lancet. Cette étude avait notamment révélé que les complications liées à l’avortement non médicalisé seraient à l’origine de 13% des décès maternels.

Des chiffres en deçà de la réalité, selon l’AMLAC   

femme-marocaine-enceinte-avortementPour sa part, le Pr Chafik Chraibi, président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC), indique : «Il ne s’agit pas d’une étude directe. L’AMPF s’est basée  sur des données internationales et a fait une extrapolation. Ce sont des estimations et non des statistiques réelles». Le président de l’AMLAC estime que la situation au Maroc est beaucoup plus alarmante. «Si l’on prend en compte les chiffres annoncés par l’AMPF, cela reviendrait à dire qu‘il y aurait 200 avortements par jour. Un chiffre qui est en deçà de la réalité». Le Pr Chraibi rappelle qu’il y a entre 600 et 800 avortements par jour au Maroc. Pour justifier ces chiffres, l’AMLAC avait réalisé une étude de terrain. Une dizaine d’étudiantes en médecine préparant leur doctorat s’étaient  rendues dans une cinquantaine de cabinets médicaux à Rabat et à Salé  en se faisant passer pour des patientes voulant consulter ou se faire avorter.  Cette étude a alors permis de montrer  que 50 avortements ont lieu chaque jour entre Rabat et Salé. «A partir de ces données, nous avons fait une extrapolation pour les autres villes.  Entre Rabat et Casablanca, jusqu’à 200 avortements ont lieu chaque jour», souligne le président de l’AMLAC. Et d’ajouter : «En tenant compte des autres villes, à savoir Marrakech, Agadir, Meknès, Fès.. nous sommes parvenus à un chiffre estimé entre 600 et 800 par jour».  

L’avortement par les médicaments, une pratique de plus en plus fréquente 

Les moyens de se faire avorter sont multiples.   Les méthodes traditionnelles, à savoir le recours aux plantes,  introduction d’objets pointus ou brûlants dans l’utérus, coups sur l’abdomen.., sont très dangereux pour la santé de la mère (hémorragie, perforation du col, infection généralisée, stérilité..) et ne garantissent pas un avortement systématique. Aujourd’hui, la tendance est en train de changer. Selon le Pr Chraibi, les Marocaines ont de plus en plus recours aux médicaments pour se faire avorter. Les médicaments les plus utilisés sont le Cytotec (ou misoprostol) et l’arthrotec. Le Cytotec est un médicament normalement prescrit pour le traitement des ulcères d’estomac. Cela dit, il est utilisé pour ses effets secondaires, et notamment celui de pouvoir provoquer de fausses couches. Quant à l’arthrotec, l’organisation Women on Waves explique sur son site comment utiliser ce médicament pour se faire avorter. Pour provoquer un avortement (ou une fausse couche), une femme a besoin de 12 comprimés.

Le projet de loi toujours au Parlement

Le projet de loi sur l’avortement qui avait été adopté en juin dernier au Conseil de gouvernement est toujours au Parlement pour être discuté en commission puis voté en plénière une fois finalisé. Le Pr Chraibi reconnaît que ce projet de loi constitue une avancée de taille mais certaines recommandations de l’AMLAC n’ont pas été prises en considération, notamment en ce qui concerne le terme «santé». Selon l’OMS, «la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité». Et par conséquent, ce terme  ne devrait pas être compris seulement comme la condition physique de la femme. «Nous attendons l’arrivée du prochain gouvernement pour négocier avec lui l’introduction de ce terme tel qu’il est défini par l’OMS», signale le président de l’association.

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