Société

Avortement Mortel

Mercredi 27 août. Cité Djemaâ, dans la préfecture de Ben M’sik-Sidi Othman, à Casablanca. Mohamed traînait ses pas à destination de son domicile, après toute une journée de rude besogne. Il pensait déjà au petit verre de thé qu’il siroterait chez lui avant d’aller rejoindre ses amis au café. Une fois rentré chez lui, il n’a pas osé demander à sa femme, Saâdia ce qu’il lui arrivait. Celle-ci se tenait à l’entrée de sa chambre en compagnie de son amie, Fatima. Elles étaient muettes et n’échangeaient que des regards. Pourquoi se taisent-elles ? se demande-t-il. Elles bavardaient, conversaient, voyageaient ensemble. Leur relation remonte à 1984, quand elles étaient des infirmières, Saâdia dans un dispensaire et Fatima dans un cabinet de médecin. Depuis, leur relation ne s’est jamais dégradée d’un iota. Au contraire, elle s’est développée au point qu’elles sont devenues comme des soeurs. Mohamed est rentré dans sa chambre, avant d’en sortir pour demander à sa femme de le rejoindre. Qu’est-ce que vous-avez ? lui demande-t-il. Perturbée, Saâdia baisse les yeux et garde le mutisme pendant quelques secondes avant de balbutier : «Une femme est décédée». Une réponse incompréhensible. Il savait que sa femme et Fatima avortaient les femmes enceintes qui voulaient se débarrasser de leur foetus. Surtout que sa femme avait été arrêtée, quelques années auparavant pour avortement avant d’être acquittée par la Chambre correctionnelle près le Tribunal de Première Instance de Ben M’sik-Sidi Othman ! Mais qu’est-il donc arrivé cette fois-ci? Et qu’a-t-elle bien voulu dire au juste ? Il lui demande plus d’explications. «Une fille enceinte est morte pendant que nous l’avortions». Bouche bée, Mohamed lance un regard vers Fatima qui tient encore à l’entrée de la chambre avant de demander à sa femme d’attendre quelques minutes. Il sort sans leur dire où il va. Fatima s’en va chez elle. Quelques minutes plus tard, une fourgonnette de police s’arrête juste à côté de l’entrée de la demeure de Saâdia. Des policiers, accompagnés de Mohamed, en descendent. Ce dernier les conduit vers son épouse. «Où se trouve le cadavre ? », lui demande le chef de la brigade de police. Tremblante de peur, elle les conduit vers une chambre à la terrasse. Il s’agit d’un cadavre de sexe féminin, étendu et recouvert d’un matelas. Comment s’appelle-t-elle ? Saâdia ignore son nom. Devant le chef de la brigade, elle déclare avoir vu, le vendredi 22 août, son amie Fatima, en compagnie de deux filles qui l’attendaient près de chez elle. Quand elle s’est avancée vers elle, elle lui a expliqué que l’une des deux fille est enceinte de quatre mois et qu’elle souhaitait se débarrasser du foetus. Elle lui a demandé de revenir la voir quelques jours plus tard. Cependant, le mercredi 27 août, elle a été étonnée de voir la fille la rejoindre chez elle pour lui demander de lui appeler Fatima. La fille avortée, ressentait un malaise au ventre, a-t-elle précisé aux enquêteurs. Effectivement, elle a demandé à son employée de maison, Fatiha, d’alerter Fatima, qui est venue tard. A ce moment, la fille avait déjà rendu l’âme. Le lendemain, jeudi 28 août, Fatima s’est présentée devant la police. «Les deux filles m’ont contactées pour avorter l’une d’elles», a-t-elle expliqué aux enquêteurs. Elle a accepté contre 3.000 dirhams. Aussitôt, toujours selon ses déclarations devant la police judiciaire de Ben M’sik-Sidi Othman, elle s’est adressée à son amie, Saâdia, pour l’aviser. Cette dernière n’a pas refusé. Une fois la fille enceinte arrivée, Fatima l’a conduite chez une autre femme qui lui a confié sa demeure contre 1.500 dirhams. C’est là qu’elle l’a avortée. Qui a raison, qui a tort ? Pour répondre, les enquêteurs se sont adressés à Fatiha. Cette dernière a expliqué aux enquêteurs qu’elle a ouvert la porte, le matin du mercredi 27 août, aux deux femmes dont l’une était enceinte. Son employeuse les a conduites aussitôt vers la chambre de la terrasse. Une heure plus tard, elle lui a demandé d’aller appeler Fatima. Cette dernière est arrivée. Seulement, elle ne savait pas ce qui s’est passé par la suite jusqu’à l’arrivée de l’époux de Saâdia. Les enquêteurs ont conclu que les deux femmes ont avorté la fille qui a rendu l’âme. Et ils les ont présentées devant la Cour d’appel de Casablanca, poursuivies pour avortement ayant entraîné la mort. Seulement, l’enquête n’est pas encore close, parce que la victime n’a pas encore identifiée et la femme qui a confié sa maison à Fatima est encore en fuite.

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