ALM : Où en est la réforme de l’enseignement supérieur ?
Mohamed Barkaoui : Je voudrais d’abord rappeler que la réforme a démarré avec la loi 01-00 mise en place en 2000 et qui repose sur la Charte nationale de l’éducation et de la formation. C’est toujours bien de rappeler pourquoi cette loi a été mise en place, sinon on a l’impression qu’on est en train de bricoler. Depuis l’indépendance, l’université a réussi à pourvoir l’administration en cadres marocains. Jusqu’aux années 80, elle s’est, en effet, honorablement acquittée de ses missions. Mais depuis cette date, les besoins ont changé et il a fallu développer plusieurs secteurs pour devenir ainsi plus compétitif, notamment au niveau international. L’université commençait à avoir des faiblesses. Elle continuait à produire le même modèle. Son rendement s’était par ailleurs affaibli et son taux de réussite a baissé. Le marché commençait, néanmoins, à ne plus pouvoir absorber ses lauréats. Il fallait donc absolument améliorer la qualité, d’où l’avènement, entre autres, de la formation professionnelle pour pourvoir le marché de cadres intermédiaires. L’université commençait ainsi à apporter des éléments de réponse en harmonie avec le développement socio-économique du pays. La décennie 2000-2010 donne la grande priorité à l’éducation-formation. Un cadre a été arrêté pour une formation de qualité.
Pour produire une formation de qualité, qu’est-ce que la réforme peut concrètement apporter ?
Actuellement, la réforme a réellement commencé à se structurer. Elle se base sur trois axes primordiaux. Il y a d’abord la gouvernance du système universitaire. Chaque Université possède aujourd’hui son propre conseil qui est responsable de son devenir. C’est le point fort de cette réforme. La qualité du contenu pédagogique est un autre point sur lequel insiste la réforme. Aujourd’hui, l’Université est consciente qu’elle n’est pas isolée du reste du monde. La réforme a ainsi adopté une architecture internationale, notamment avec l’introduction du système LMD (licence-master-doctorat). Qualité et fluidité sont les critères sur lesquels se base cette nouvelle architecture. Désormais, on ne met plus n’importe quelle formation sur pied sans étudier sa compatibilité avec le marché du travail. Par ailleurs, l’étudiant a maintenant le droit de choisir la spécialité qui lui convient et de faire son parcours à son rythme. Les Universités sont également très bien équipées en matière de plates-formes. Il y a, par ailleurs, le volet de la recherche auquel on a accordé une grande importance.
Le volet de la recherche reste pourtant peu soulevé…
Il est vrai que la réforme de la recherche s’installe dans la discrétion, avec peu de moyens, mais elle s’installe tout de même avec l’aide de toutes les composantes de l’université. Le chantier de la réforme est énorme. Il faudrait donc qu’il y ait des ressources humaines et matérielles pour gérer ce système qui a besoin d’avoir une longue haleine.
Que faites-vous pour contrecarrer les difficultés liées notamment au déficit en encadrement et à la baisse du budget alloué à l’enseignement supérieur ?
Pour nous, en tant que présidents d’Universités, les difficultés sont quotidiennes. La différence va se faire au niveau de la planification. Une démarche participative doit ainsi être mise en place, suivie d’une évaluation pour voir ce qui a marché et trouver les moyens de capitaliser sur lui. Pour moi, la question du déficit des ressources humaines dû aux départs volontaires est une question dont il ne faut plus parler. On ne peut pas tout mettre sur le dos du départ volontaire. En matière de ressources financières, l’effort de l’Etat est aujourd’hui important. Je ne prends pas partie, loin de là. Mais la réforme donne à l’Université le droit d’avoir des ressources propres. Un établissement ne peut plus être dépendant d’une seule source de financement. Ce sont autant de chantiers qui sont lancés, mais c’est loin d’être un exercice facile. Le cadre est certes favorable, mais certains n’arrivent parfois pas à trouver les solutions adéquates. Je ne dis pas que cette réforme est parfaite, mais il faut instaurer une démarche participative qui puisse bénéficier de l’adhésion de tout le monde.