Dimanche 15 août, Mehdi Benbouchta, ancien ministre et père de l’artiste-peintre Amina Benbouchta, nous a quittés. Il fut l’un des plus grands architectes du paysage politique du Maroc indépendant et l’une des figures emblématiques de cette époque. Sa carrière était à bien des égards associée à la vie nationale et il a exercé, surtout ces dernières années, une influence extraordinaire sur l’évolution économique et politique du pays. Né le 19 juin 1936 à Fès, le défunt avait fait ses études primaires et secondaires dans sa ville natale, avant de s’inscrire à la Faculté de droit de Rabat puis à l’Institut sociologique de Grenoble (France). Titulaire d’une licence en droit entre autres titres universitaires, il fit partie du corps de la magistrature.
En tant que magistrat au Tribunal de première instance de Rabat et substitut du procureur du Roi près cette juridiction, de 1959 à 1963.
De par sa rigueur, il a beaucoup oeuvré pour que l’intégrité soit une composante indispensable à l’action juridique.
En tant que responsable gouvernemental, il fut un fonctionnaire modèle, travaillant sans compter pour l’honneur et le progrès de la nation marocaine, servant plusieurs gouvernements avec loyauté et compétence, gagnant l’estime et l’affection de tous ceux qui le côtoyèrent, contribuant par sa sagesse et son génie à influencer le cours des affaires publiques. De 1963 à 1965, Mehdi Benbouchta occupa les fonctions de directeur de cabinet du Premier ministre et de 1965 à 1966, celle de chargé de mission au Cabinet royal.
«À supposer qu’on puisse décerner un tel qualificatif à un fonctionnaire, Mehdi Benbouchta était, de l’avis de tous, le fonctionnaire irremplaçable. En ces temps troublés, sa disparition est regrettable », disait de lui l’ex-ministre et ami fidèle Abdessalam Znined. Parmi les qualificatifs pouvant désigner le défunt, M. Znined retient, avec insistance, les termes de courage, générosité et chaleur humaine. «C’était l’homme le plus charmant et le plus simple, le plus noble et le plus généreux que j’ai jamais eu le bonheur de connaître», précise-t-il.
Son engagement politique, Mehdi Benbouchta l’a mené dans les rangs du RNI. Ses qualités intellectuelles étaient renforcées par un caractère intègre et un charme naturel qui lui permettaient de gagner la fidélité à vie de ses proches et de ses collègues.
Un de ses amis faisait remarquer combien il était « difficile d’identifier la qualité qui en faisait un homme à part, le fil conducteur de ses multiples talents, qui concourait au charme irrésistible de sa personnalité. ». Cela expliquait son aversion les uniformes distinctifs, les mondanités et les formalités de tout genre, son refus d’accepter les honneurs officiels, sa grande modestie personnelle, son embarras devant les références publiques au nombre et la profondeur des amitiés qu’il avait nouées parmi les grands et les humbles, les vieux et les jeunes. Sa courtoisie n’était jamais prise en défaut, et sa prévenance pour ceux qui étaient dans la gêne ou dans la difficulté était sans limites. Depuis les années 70, il fut nommé successivement sous-secrétaire d’Etat, secrétaire d’Etat, ministre de la Jeunesse et des Sports et ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Élu président de la Chambre des représentants pour l’année 1970-1971, au lendemain des évènement de Skhirat, le défunt a succédé à Abdelhadi Boutaleb dans un contexte difficile. Son rôle historique a permis une continuité certaine des institutions.
Sa fibre entreprenariale n’était pas en reste. Mehdi Benbouchta fut président de la SOMACA jusqu’au mois d’octobre 1996. Contre vents et marées, il a réussi à développer cet établissement public, alors que les contournements douaniers faisaient saigner le fabricant de voitures.
En plus, les gens de Harhoura lui sont redevables d’avoir mis sur orbite leur région. En bon père de famille, l’homme s’est attaché à cette région. Au départ, elle devait être une «échappatoire» pour sa fille adorée, Amina, qui souffrait d’asthme. Le microclimat de Harhoura a captivé l’homme d’affaires. Il y a construit un complexe, modèle du genre. La région comprend actuellement la plus forte concentration d’intellectuels au Maroc. C’est dire l’homme d’esprit qui a initié un tel chantier.
En ce dimanche 15 août, ministres, diplomates, collègues, amis et parents étaient tous endeuillés par la perte d’un être à la valeur estimable que personne ne remplacerait. Beaucoup songèrent aux termes de l’épitaphe que Mehdi n’avait pas cessé de répéter: «Nous Sommes à Dieu, et à Lui nous retournons».