Société

Bonnes feuilles : L’élite politique mise à l’écart dès l’indépendance (20)

© D.R

Le samedi 4 juin 1977, le ministre de l’Intérieur de l’époque, le docteur Mohamed Benhima, a tenu une conférence de presse pour annoncer les résultats des élections législatives tenues la veille. A cette occasion, il a dit clairement que tout ce qui s’est passé (il entendait par cela les falsifications des résultats) était une idée de ce « jeune », en pointant le doigt sur Driss Basri assis à ses côtés, qui  occupait le poste de secrétaire d’Etat à l’Intérieur et qui était l’architecte des consultations du vendredi 3 juin 1977. Benhima a ainsi rejeté toute responsabilité au sujet de ce qui se passait au Maroc et c’est pour cela qu’il quitta le ministère de l’Intérieur moins de deux ans plus tard, en avril 1979, l’abandonnant à celui qui le dirigera pendant 20 ans, à savoir Driss Basri. Il est tout à fait simple d’imaginer le statut dont jouissait le Dr. Benhima au sein du ministère de l’Intérieur, un département qu’il a géré à deux reprises. La première fois, en 1972, il remplaça Ahmed Bouchta et la seconde fois quand il succéda à Mohamed Haddou Chiguer au début de l’année 1977. En 1972, Driss Basri était déjà directeur des Affaires politiques, communément appelées “Affaires générales”. Et en 1977, Driss Basri a pris le poste de secrétaire d’Etat à l’Intérieur et responsable de la Direction de la surveillance du territoire (DST). Des rumeurs totalement infondées finissent souvent dans des rapports secrets et des PV de police. J’en veux pour preuve les propos de Boukhari sur les liens familiaux qui unissent le Dr. Benhima et le président français Jacques Chirac. Selon cette rumeur, la veuve du Dr. Benhima et mère de Driss Benhima est une proche du président français. Ce qui est totalement faux. Cette rumeur est sortie en juillet 1995, à l’occasion de la première visite accomplie par le président Chirac au Maroc à la suite de son élection à la tête la République française. Quelque temps après, Driss Benhima a été nommé ministre de l’Energie et des Mines.
En 1983, j’étais dans une fête à laquelle ont participé plusieurs hauts responsables dont certains ont côtoyé le Dr. Benhima au ministère des Travaux publics et d’autres au ministère de l’Intérieur. Le Dr. Benhima était lui-même présent. J’ai remarqué que les fonctionnaires du ministère des Travaux publics saluaient leur ancien ministre, alors que ceux de l’Intérieur l’évitaient carrément. Je lui est demandé des explications et il m’a répondu : ceux-là (les fonctionnaires des Travaux publics) sont des « Ouled Ennass », quant aux autres, ce sont des « magouilleurs».
Boukhari donne ainsi une profusion de fausses informations sur diverses personnalités, sans prendre la peine de les vérifier avant de les servir comme une vérité absolue aux lecteurs. Ahmed Boukhari raconte des énormités sur feu Driss Hassar, le bras droit de Mohamed Laghzaoui à la tête de la direction de la Sûreté nationale, qui l’accompagna à l’OCP, avant de revenir au ministère de l’Intérieur comme directeur des Affaires générales. Driss Hassar était présent au sein du ministère de l’Intérieur le 10 juillet 1971 et a participé à l’avortement du putsch militaire qui s’est soldé par la boucherie du palais de Skhirat. Par la suite, il fut nommé à la tête de la DGSN, puis à l’ONTS, avant d’être rappelé par le Tout-Puissant. Boukhari affirme que Saâd Hassar, l’actuel directeur général de la direction des Collectivités locales, est le fils de Driss Hassar. Il le dit et redit à maintes reprises comme s’il avait feuilleté le registre de la famille Hassar. En fait, Saâd Hassar est le fils de madame Fatima Hassar, la sœur du général Houssni Benslimane. Son père est le militant Laârbi Hassar, l’une des figures nationalistes dans la ville de Salé. Il avait une pharmacie considérée comme un symbole par le mouvement nationaliste: les commerçants s’laouis ne répondaient à un appel à la grève générale que si Laârbi Hassar baissait le rideau de sa pharmacie.
Comment Boukhari peut-il confondre entre Driss Hassar et Laârbi Hassar, deux hommes dont les parcours politiques sont très différents. Le premier est mort, que Dieu ait son âme et le second est toujours vivant que Dieu le préserve.
C’est ainsi que nous pouvons dire que Ahmed Boukhari demeure très influencé par les méthodes et les pratiques des agents de police. On comprend maintenant pourquoi les rapports de police, rédigés lors des années de plomb, portaient atteinte à des personnes même celles qui n’avaient aucune activité politique.
Le jour où les responsables accepteraient d’ouvrir les archives des services de police et de renseignements, nous aurons une idée claire de l’ampleur de l’injustice qui s’est abattue sur les citoyens à cause des agissements des services de sécurité censés protéger ces citoyens contre la criminalité et l’atteinte à l’intégrité du territoire. En fait, les criminels étaient nombreux dans les postes de responsabilité. L’ignorance de Boukhari ne s’est pas arrêtée au niveau des personnalités marocaines. Elle a atteint les cinq responsables algériens qui furent kidnappés, alors qu’ils étaient à bord d’un avion marocain qui les conduisait à Tunis, en octobre 1956, pour participer au premier Sommet entre feu Mohammed V et les leaders tunisiens et les révolutionnaires algériens. Leur avion fut détourné vers l’aéroport d’Alger par les militaires français d’occupation. Les Arabes n’ont pas cessé de condamner cette opération de piratage aérien, au point que le défunt chanteur égyptien «Karim Mahmoud» a dit dans une de ses chansons : « Au nom des cinq hommes libres, nous n’oublierons pas la vengeance contre la France».

Traduction :
Abdelmohsin El Hassouni

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