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«C’est bien, mais…» L’art de la flatterie sabotée

Sophia El Khensae Bentamy | Consultante, coach et enseignante en techniques de communication, coach en psychologie positive et en thérapie par le rire.

Mieux communiquer, mieux vivre…

Sournoiseries
Derrière ces faux compliments, se cache souvent une incapacité à valider l’autre pleinement. Comme si le simple fait de dire «bravo» sans condition, sans rajout, sans modification, leur coûtait quelque chose.

Il y a des phrases qui sonnent comme des caresses… et qui finissent en gifles.
Des phrases qui commencent bien, qui promettent un sourire, un encouragement, une reconnaissance. Et puis paf : la formule assassine surgit, subtile, presque élégante, mais tellement corrosive.
Tu la connais sûrement : «C’est bien, mais…»
Et tout est dit. Enfin, tout est annulé.
Ces petites phrases, en apparence anodines, sont les reines du «compliment-boomerang». Elles te frôlent doucement le dos pour mieux revenir te taper en pleine nuque. C’est un peu comme si quelqu’un te disait : «Bravo pour ton gâteau ! La prochaine fois, mets moins de sucre, plus de vanille, une autre forme, une autre couleur, et évite de le faire cuire. Mais bravo hein !»
Merci. Vraiment. Je suis comblé ou comblée !!!
Une critique déguisée en conseil ! Voilà ce que c’est ! Pire, déguisée plutôt : «donnage» de leçon !
Derrière le fameux «c’est bien, mais…», ou «… enfin, un truc qui te va bien…», aïe j’ai mal rien qu’à l’écrire celui-là !!!
Derrière ces formulations sournoises, parce qu’elles le sont bien, ne nous voilons pas la face ou la chronique, car si nous sommes ici, c’est pour sortir avec un soupçon d’analyse, un chouia de réflexion et de surtout avec un quelque peu de mieux communiquer et de mieux vivre…
Je disais donc, que derrière ces faux compliments, se cache souvent une incapacité à valider l’autre pleinement. Comme si le simple fait de dire «bravo» sans condition, sans rajout, sans modification, leur coûtait quelque chose. Ces gens ne peuvent s’empêcher d’ajouter leur grain de sel, de fourrer leur nez, de tout bêtement et tout fâcheusement, saboter ce qui avait un semblant ou un faux semblant de communication positive et bienveillante.
C’est une habitude de communication assez répandue : elle donne l’illusion d’être dans l’échange constructif alors qu’elle est souvent un déguisement du contrôle ou de la supériorité. Car oui, à bien y regarder, ce fameux «mais», c’est souvent :
«J’aurais fait mieux. MOI !»
«Ce n’est pas comme moi je l’imagine.»
«Laisse-moi te montrer comment tu pourrais m’impressionner davantage.»
« Si c’était moi, le résultat aurait été mieux.»
Ça existe partout, en couple, en famille, entre amis, au travail… Aucun contexte n’est épargné !
Dans ce genre de remarques, l’égo parle plus fort que la bienveillance.
Le syndrome du «metteur en scène de ta vie» !!! On connaît tous !!! On s’en passerait bien !
Ces gens se prennent un peu pour les Spielberg de ton existence. Ils veulent bien applaudir ton film, mais seulement s’ils peuvent refaire le scénario. Et ce, même si tu ne leur as rien demandé.
Tu as enregistré un podcast ?! Super, mais «tu aurais dû parler plus lentement.»
Tu as animé un atelier ?! Génial, mais «la prochaine fois, ajoute cette activité, attends-je t’envoie une vidéo pour que tu comprennes mieux…»
Tu as publié un texte ? Bravo, mais s’il te plaît parle aussi des gens qui… des choses que…
Toi, tu t’investis. Eux, ils appuient sur «modifier». Toujours.
Car quelque part, ils aimeraient vivre ta vie, mais n’osent peut-être pas…ou que simplement au lieu d’activer la leur de vie, ils s’activent à surveiller la tienne… ou tout simplement encore plus, ils ne peuvent s’empêcher de saboter leur communication…
Pourquoi c’est agaçant et légitime que ça t’agace !!!???
Parce que ces remarques, au fond, sont ambivalentes. Elles caressent l’égo avec une main gantée de critiques. Elles ne te laissent ni savourer la réussite, ni te réjouir du retour. Tu restes suspendu, avec un demi-sourire, ne sachant pas si tu viens d’être félicité ou recalé à ton propre casting.
Mais surtout, ce type de communication sape la confiance, le plaisir de créer, la liberté de faire à sa manière. À force d’entendre «tu aurais dû», certains finissent par ne plus rien oser faire du tout. Ce n’est plus du feedback, c’est du frein-back.
Petite analyse oblige : mais pourquoi font-ils ça ?!
Plusieurs hypothèses possibles à mon avis. Ils ne savent pas faire autrement. Ils ont grandi dans un système où la critique est vue comme un devoir d’intelligence. Valider sans corriger leur semble fade ou inutile.
Ils ont du mal à donner du pouvoir à l’autre. Dire «c’était parfait» leur donne l’impression de perdre une forme de contrôle ou de supériorité.
Ils projettent leur propre frustration. En te disant comment améliorer, ils parlent souvent d’eux : de ce qu’ils n’ont pas fait, de ce qu’ils aimeraient oser.
Ils se veulent constructifs mais ne savent pas doser. Pour eux, apporter une suggestion, c’est t’aider. Ils n’ont juste pas compris que le timing et la forme, ça compte.
Et toi alors dans toute cette mise en scène, tu peux agir tu sais, tu peux répondre sans perdre ton humour, ta positivité… Avec de l’humour miroir par exemple : «Ah, merci ! Je le note pour la prochaine vie. Celle où j’aurai le temps de faire tout parfaitement.»
Ou, avec une réponse factuelle si vraiment c’est nécessaire, sinon tu passes : « Merci pour ton retour ! Là, c’était ma vision, mais je retiens ton point de vue.»
Ou, la mise en lumière du méchant «mais», si vraiment tu apprécies l’interlocuteur, sinon tu passes encore une fois, ton énergie t’est plus précieuse : «C’est fou comme ton «mais» a plus d’écho que le compliment. Tu l’as remarqué aussi ?».
Ma réplique favorite, testée et approuvée comme les précédentes : Le silence souriant et glorieux ! Car, parfois, ne rien dire vaut mille retours.
Et si on essayait un jour de dire… juste bravo?!
Car tous ces autres dont je vous parle ici aujourd’hui peuvent être nous !
Pas de «mais», pas de «tu devrais», pas de version alternative. Juste un moment de validation pure. Parce que ça fait du bien. Parce que ça soutient. Parce qu’on n’a pas besoin d’être amélioré ! On a juste besoin d’être apprécié !

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