Au Maroc, on compte un minimum de deux millions de chiens errants. Regroupés souvent en hordes, ils se reproduisant vite et représentent une menace à la santé publique. La semaine nationale de stérilisation, qui se poursuit jusqu’au 27 février, est l’occasion de revenir sur l’origine de ce phénomène de bêtes errantes qui, littéralement, envahissent nos rues mais qui attirent également les foudres de la société civile envers quelques «solutions radicales» préconisées par l’Etat.
D’après les derniers sondages établis grâce aux campagnes annuelles de vaccination, ils ne seraient pas moins de deux millions de chiens errants à parcourir les rues du Royaume. Les chats errants, eux, ne faisant l’objet d’aucune campagne, leur nombre reste jusqu’à l’heure indéfini. Ces animaux sont-ils dangereux? Oui, à différents degrés. C’est en tout cas ce que nous apprend Pr. Hassan Bouayad, président de l’Association marocaine des vétérinaires pour animaux de compagnie (AMVAC). En sa qualité de chef de service du CHUV à l’Institut agronomique et vétérinaire (IAV) Hassan II, il explique sans pour autant céder place à la panique, que le risque de contamination de rage ou d’autres maladies est tout de même élevé quand on peine à maîtriser la prolifération du phénomène.
La responsabilité de limiter le danger des animaux de compagnie errants incombe toutefois à un ensemble d’acteurs étatiques, associatifs et citoyens. Et c’est dans ce sens que s’inscrit la semaine nationale de stérilisation animale qui en est, notons-le, à sa toute première édition. Elle ambitionne de sensibiliser à l’importance de la stérilisation dans la réduction de la population errante. «Il ne s’agit pas que de chiens et chats errants. Le citoyen propriétaire d’un animal de compagnie doit en prendre conscience. Si tu as un chat, il s’évadera inévitablement en dehors de la maison, va peut-être s’accoupler et donnera donc naissance à une autre génération de chats errants qui ne fera qu’amplifier cette problématique», nous explique Dr Najlaa Bensalmia, vétérinaire et secrétaire générale de l’AMVAC et de la Fédération des associations francophone des vétérinaires pour animaux de compagnie (Fafvac).
Par problématique, on entend des animaux de compagnie que l’on finit souvent par «éliminer» ainsi que des maladies transmissibles à l’homme dont la gravité n’est pas à prendre à la légère. La rage, à titre d’exemple, a une période d’incubation qui varie, selon l’OMS, d’une semaine à trois mois. «En cas de non traitement au-delà de cette période d’incubation, il n’y a plus rien à faire. Il n’existe aucun remède contre la rage. Ceci dit, ce n’est pas une fatalité et plusieurs pays ont réussi à l’éradiquer non en abattant des animaux mais en assumant leurs responsabilités et en prenant les mesures nécessaires de prévention», précise Dr. Bensalmia. A noter qu’en plus de son danger, une maladie comme la rage pèse lourd sur les caisses de l’Etat. Le ministère de la santé consacre annuellement un budget colossal dans les vaccins antirabiques. Chaque année en effet, dix mille personnes sont vaccinées. Quand on sait qu’un seul vaccin coûte plus de 400 dirhams, le calcul est vite fait.
L’AMVAC ambitionne dans l’avenir de programmer jusqu’à deux campagnes de stérilisation par an. Elles se feront en dehors de la semaine nationale de stérilisation qui sera dorénavant annuelle et qui, précisons-le, se tient à l’initiative du Québec. Cette manifestation ne se généralisera cependant sur le reste des pays adhérant à la FAFVAC (la Belgique, la Tunisie, la France, la Suisse et Haïti) qu’à partir de l’année prochaine.
Au Maroc, les trois départements ministériels auxquels ce lourd phénomène est confié sont le ministère de l’agriculture et de la pêche maritime (pour les campagnes de vaccination et de stérilisation), le ministère de la santé pour ce qui est de la prévention des maladies transmissibles de l’animal à l’homme et enfin, le ministère de l’intérieur qui, lui, s’occupe du ramassage des animaux afin de les placer dans des refuges où ils seraient en sécurité. Seulement, le mot «sécurité» serait un euphémisme lorsque l’on sait qu’à ce jour, nous assistons à un abattage sans merci des animaux errants. Ils sont empoisonnés, achevés par balles ou, dans le meilleur des cas, euthanasiés.
[table class= »encadre »]L’abattage des chiens errants scandalise |
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De façon quasi périodique, les autorités locales des différentes villes organisent une campagne massive pour tuer les chiens errants, souvent à l’aide d’un fusil à chasse. Ces chiens sont généralement conduits vers des zones éloignées (le cas des anciens abattoirs de Hay Mohammadi de Casablanca), où ils seront piqués par un vétérinaire communal à une puissante dose d’anesthésiste et incinérés par la suite. Les battues organisées pour tuer les chiens errants à distance de sécurité, au même titre que le reste des méthodes radicales d’éradication du phénomène, suscitent la colère de la société civile. Celle-ci s’y oppose sans pour autant avoir le poids nécessaire pour les faire cesser. Sa seule arme jusque-là se limite à la sensibilisation quant à l‘importance de la stérilisation animale qui, à son tour, permettra de limiter la reproduction des bêtes errantes et donc la transmission des maladies. Ce qui ne sera pas sans une meilleure maîtrise du phénomène, en attente d’une vraie stratégie. Dans cette opération qui se fait avec le soutien des associations de protection des animaux ainsi qu’un bon nombre de bénévoles, les services municipaux auront la mission de ramassage des animaux. Et ce sont les vétérinaires du Royaume qui se sont engagés à relever le pari de mener cette campagne à bien. Dans le privé, on en compte environ 200. Chacun d’eux se voit attribuer la mission de stérilisation d’une dizaine d’animaux de compagnie. Au total, cette semaine nationale aboutira à la stérilisation de plus de 1.500 bêtes errantes. |