Vendredi 12 août 2011. Un soleil de plomb tape sur le cimetière Chalh Sid Al khadir. La porte ne présage rien de particulier mais les choses s’avèreront rapidement tout autre. En cette journée du mois sacré de Ramadan, bon nombre de citoyens sont désireux de se recueillir sur leurs proches défunts. Jusque-là, rien d’anodin sauf le côté spirituel. Toujours est-il que cette famille venue au complet pour la même raison se rappellera, pour longtemps, de sa visite. Il n’y a personne à l’horizon pour livrer un quelconque indice qui aiderait à trouver l’emplacement exact de la tombe. Tout compte fait, le conservateur a encaissé et, à l’aide de son arrosoir, a montré l’accès au terrain momifié!
La quête se poursuit. La chaleur suffoque et, soudain, des bambins, sortis de nulle part, se rapprochent, histoire de prêter main forte. Au fil de la marche périlleuse, les numéros des tombes défilent mais jamais dans l’ordre. La chronologie est respectée, par moments, pour disparaître, comme par enchantement, au gré de la bonne volonté des ronces…
Entre frustration et colère, les visiteurs commencent à perdre patience. La recherche aux côtés des jeunes enfants se poursuit alors sans trop d’optimisme tant les ronces sont élevées dissimulant des rangées entières de tombes. Certains plus réguliers dans leur visite en arrosent quelques-unes et donnent des conseils pour dénicher le numéro caché à d’autres moins chanceux… Rien n’y fait: aucune trace du numéro rappelant l’être cher. La famille se morfond et décide de se faire une raison. Il s’agira de retourner bredouille en attendant que l’espace retrouve des conditions dignes et sécurisées. Les personnes plus âgées, assommées par le soleil de plomb qui indique l’heure de la prière, se dirigent silencieusement vers la porte. La plus jeune, par contre, prise alors d’un remord de conscience, décide de suivre l’aîné des enfants qui lui indique l’autre bout du cimetière… «Peut-être que votre défunt grand-père est enterré à cet endroit». L’inscription sur les dalles laisse présager un espoir. Et pourtant la marche dévoila tout autre chose d’inattendu. Des tombes défoncées s’exposaient à la vue sans trop d’explication. L’enfant justifiera ce fait par le passage des chiens affamés… Une explication naïve qui pourrait en cacher pourtant bien d’autres. Les légendes «des cimetières oubliés» et de leur choix pour les cachettes les plus folkloriques pointent dangereusement à l’horizon. Bref, la deuxième recherche fut tout aussi vaine que la première. Rebrousser chemin devenait inévitable. Le retour vers la porte fut frustrant à plus d’un titre. Les insultes du conservateur faisaient écho au silence paisible. L’homme aigri ne mâche pas ses mots : «Je vais fermer les portes du cimetière pour aller prier. Et les personnes qui resteront attendront que je revienne pour leur ouvrir !». Sa rage scotcha d’autres visiteurs à peine arrivés. L’une des personnes eut le courage de lui tenir tête ! Les insultes fusèrent de plus belle, laissant les uns et les autres estomaqués par l’hardiesse endiablée de l’homme, courroucé par tant d’allers et venues à un moment où il devait quitter les lieux…
Abus de pouvoir ou autre chose, l’attitude est condamnable à plus d’un titre. La frustration dans l’âme, ceux qui n’ont pas trouvé où se recueillir se conformeront à la règle bien populaire «dakchi liâta Allah». Le plus curieux cherchera par contre à comprendre pour délimiter le fléau et rappeler les obligations de la ville. Livrer des espaces publics, conformes aux normes requises, quelle que soit leur nature, renvoie au respect de la dignité humaine. La responsabilité des pouvoirs publics est indiscutable. Son éclairage aussi.