Société

Complicité familiale

© D.R

Mardi 20 janvier, un fourgon de police entre au sous-sol de la Cour d’appel de Casablanca. Des éléments de la police judiciaire en descendent, conduisent Abderrahim, sa mère, son frère et sa soeur vers le représentant du Parquet général. Qu’ont-ils pu commettre? Pour le savoir, il faut revenir à deux dates clés.
La première est le dimanche 18 janvier 2004. Abderrahim sort de chez lui, au quartier Lalla Mariem, vers 4h du matin. Il était en possession d’un grand sachet. Qu’est ce qu’il renferme ? Personne ne sait au juste. Le quartier était désert, à l’exception des chiens et des chats errants. De loin, un veilleur de nuit qui garde les voitures est assis sur une chaise.
Abderrahim, la vingtaine, sans profession, marche à grands pas. Il semble être très pressé. Quelle est sa destination ? C’est ce que veut savoir le veilleur de nuit qui s’est aperçu de sa présence. Il quitte sa chaise, suit Abderrahim des yeux. La curiosité lui ronge l’esprit au point qu’il décide de le suivre jusqu’à sa destination finale. Tout cela parce que le sachet l’intrigue au plus haut point. En revanche, Abderrahim ne se rend pas compte qu’il est suivi. Il semble très perturbé au point qu’il ne peut plus marcher tout droit, il ne cesse de tourner sa tête à gauche et à droite. Quelques minutes plus tard, il arrive jusqu’à un dépotoir situé au même quartier Lalla Mariem. Il se débarrasse du sachet et s’apprête à retourner chez lui. Tout à coup, il sursaute, tremblant de crainte. Qu’est ce qu’il lui arrive ?
Le veilleur de nuit est là, devant lui, qui lui demande ce qu’il avait jeté. “Rien, rien…Ce n’est que de la viande pourrie…“, balbutie-t-il avant de disparaître. Le veilleur de nuit le connait. Alors qu’il s’apprête à fouiller le sachet, un fourgon de police qui effectuait une ronde routinière passe. Le veilleur de nuit appelle les policiers, leur explique qu’un jeune homme, qui demeure dans le quartier, a jeté à cette heure tardive le sachet. “Il était dans un état anormal“,précise-t-il. Les limiers descendent du fourgon, fouillent le sachet. Et ils ont un choc en voyant l’horrible contenu. Un tronc de corps humain dissimulé dans le sachet. L’enquête est lancée. En quelques minutes, Abderrahim est entre les mains de la police. “Qu’est-ce que c’est ?“, demandent les enquêteurs. “C’est le reste du corps de mon frère Mohamed“, répond Abderrahim qui ne semble manifester aucun regret. Comme s’il attendait ce moment. Et les autres parties du corps ? Il s’en est déjà débarrassé et il ne reste chez lui que la tête. D’une interrogation à l’autre, Abderrahim révèle la deuxième date.
C’était en novembre 2002, durant le mois sacré de ramadan, qu’Abderrahim a décidé de liquider son frère cadet, Mohamed. Une décision qu’il a prise tout seul. La raison? Mohamed est un jeune toxicomane, cruel, qui n’hésitait pas à insulter et à maltraiter tous les membres de sa famille, aussi bien sa mère que ses frères et soeurs. Et son père ?
Il n’habite plus avec eux. Parce qu’il avait répudié leur mère depuis quelques années. Des comportements qui n’ont suscité que de la haine envers lui. Ni sa mère ni son frère et sa soeur ne le supportent. Ils l’évitent à tout instant. Un simple face-à-face entre eux dégénère en bagarre au point qu’Abderrahim ne pense plus qu’à le liquider, pour permettre aux autres de vivre en paix. Le jour “J“ arrive. Abderrahim achète de l’essence et la dissimule dans un coin de la terrasse. Les yeux d’Abderrahim sont restés ouverts cette nuit de ramadan. A 6 heures du matin, il est encore réveillé. “Je dois me débarrasser de lui aujourd’hui “, se dit-il. Il sort de sa chambre et monte à la terrasse pour s’assurer de la présence de l’essence et descend par la suite vers le premier étage. Son frère, Mohamed, ne s’est pas encore endormi.
Il regarde la télévision. Comment le provoquer pour le faire sortir de sa chambre ? Les idées du mal viennent facilement parfois et sans trop penser. Deux heures plus tard, la mère est sortie pour faire son marché. Abderrahim remonte à la terrasse, coupe le fil reliant la parabole au récepteur numérique et se retire dans un coin derrière la porte. Du coup, Mohamed monte, se dirige vers la parabole. Tout à coup, il sent un liquide lui couler sur la tête. C’est Abderrahim qui l’asperge d’essence avant de craquer sur lui une allumette. En flammes, Mohamed crie au secours. Hors de lui, Abderrahim ajoute de l’essence sur le corps de son frère. Mohamed descend au premier étage, tente d’ouvrir la porte. Elle est verrouillée. Abderrahim le suit, l’asperge encore d’essence. La porte d’une chambre s’ouvre.
En sortent son frère et sa soeur, qui regardent cette scène surréaliste. Ils ne bougent pas. Pourquoi une telle passivité ? Quelques minutes plus tard, Mohamed s’effondre et le feu s’éteint. Abderrahim, son frère et sa soeur déplacent le cadavre vers la chambre qui se trouve sur la terrasse et nettoient la maison pour faire disparaître les traces de fumée. Vers 10h, la mère est de retour.
Elle a senti l’odeur du feu. Abderrahim lui explique qu’il réparait un fil électrique quand un court-circuit s’est produit. Elle l’a cru. Et lorsqu’elle a demandé des nouvelles de son frère, Mohamed, il lui a expliqué qu’il était parti avec l’un de ses amis. Après la rupture du jeûne, Abderrahim retourne à la chambre de la terrasse, se saisit d’une scie et commence à découper le cadavre en quatre parties : les membres inférieurs et supérieurs, le tronc et la tête. Le lendemain, il a commencé à les mettre dans des seaux remplis de ciment et de plâtre. Tout à coup, sa mère le surprend.
Elle reste bouche-bée. Qu’est-ce qu’elle doit faire ? Rien d’autre que de se taire, pense-t-elle. Depuis, à tous ceux qui demandent des nouvelles de Mohamed, la réponse est qu’il est parti sans retour. En janvier 2003, Abderrahim s’est débarrassé des membres supérieurs et inférieurs de son frère et il a décidé de jeter, cette fois, le tronc pour qu’il ne lui reste que la tête. Mais son plan a échoué.

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