Société

Courrier des lecteurs : Le mariage de nos jeunes filles

Un phénomène commence à prendre de plus en plus d’ampleur dans notre pays et plus précisément dans nos villes. Nous constatons, sans avoir de chiffres exacts, que de plus en plus de jeunes filles entre vingt et trente-cinq ans, sont célibataires.
Mon propos n’est pas d’encourager l’éclosion d’agences matrimoniales, même si ce procédé peut faire ses preuves sous d’autres cieux, quand ce genre d’entreprises sont strictement contrôlées par la société civile, l’Etat et le consommateur. Ce qui m’intéresse, c’est le pourquoi de la chose et le questionnement autour des solutions possibles. Autour de moi, des jeunes filles sont instruites, bien éduquées et gagnent correctement leur vie. Elles sont parfois même jolies et pourtant, elles ne trouvent quand même pas, le compagnon de leur vie, ne parlons pas de prince charmant. Il y a manifestement problème des deux côtés. Voyons d’abord du côté de la mariée possible, la plupart du temps, celle-ci met la barre trop haut. En cherchant le mari idéal, elle navigue entre une modernité mal assumée et un conservatisme social souvent sous-estimé et mal analysé.
La jeune fille marocaine, quand elle est instruite ou seulement autonome financièrement estime qu’il est de son droit d’exiger l’égalité quasi totale avec l’homme. Or, nous vivons dans une société où l’homme ne l’entend pas de cette manière. Prenons un exemple : supposons que les deux conjoints travaillent : qui est responsable des tâches domestiques ? (essentiellement le ménage et la cuisine). La jeune fille pense, quand elle est moderne que c’est une responsabilité partagée, même si elle accepte de le faire ou d’y veiller par le biais d’une « bonne ».
En fait, 99% de nos maris pensent aujourd’hui que ceci est le domaine exclusif de l’épouse. Voyons, même aujourd’hui, en 2005 et après la réforme de la Moudawana, ce qui se passe dans un couple, sans bonne, avec deux enfants, un garçon et une fille à l’âge de 16 ans (pour le garçon) et 14 ans (pour la fille). Que se passe-t-il le soir ? Le père et le fils regardent la télévision, et la mère fait la cuisine pendant que la jeune fille l’aide. La jeune fille et le garçon ont intériorisé le modèle parental, qu’ils reproduiront, sans miracle, quand ils seront grands. La société marocaine traverse une période de transition dans plusieurs domaines, qui nécessite une véritable maturation entre tradition et modernité : la jeune fille souhaiterait vivre de plain-pied dans un troisième millénaire avec Internet, jean, baskets, tee-shirts et autres minijupes. Elle oublie que le jour où elle va se marier, c’est le retour aux sources qui s’opère.
Cette même jeune fille doit affronter un monde régi par l’homme qu’il soit père, frère, mari. Elle manque souvent de psychologie, de sens de l’observation : ne serait-ce que pour prendre conscience que les attentes de son mari sont parfois diamétralement opposées aux siennes. Lui, il la veut soumise, tandis qu’elle, elle se veut libérée. Lui, il la veut mère au foyer, tandis qu’elle, elle veut travailler. Lui, il la veut discrètement maquillée, tandis qu’elle, elle veut prouver au reste du monde qu’elle est la plus jolie et que son mari a fait le bon choix. Très vite le prétendant possible, en observant le comportement de la jeune fille dans le peu de lieux de rencontres disponibles (lieux de travail, cafés, restaurants, cérémonies familiales) est pris de panique. En supposant qu’il soit attiré par une des qualités apparentes de la jeune fille (elle est jolie, elle est polie ou que sais-je ?) il se pose toutes sortes de questions et finit par se persuader ou que c’est trop tôt, ou trop tard ou qu’il ne peut pas faire confiance. Ceci est souvent dû à une absence de communication due elle-même à une absence de clarifications des termes du contrat. D’abord le mariage est une affaire qui devrait se négocier à deux, entre époux et l’épouse. Or, que se passe-t-il ? La plupart du temps, c’est le mari ou ses parents qui choisissent la mariée. Il est très rare, voire choquant, dans nos sociétés, qu’une jeune fille aille dire à un homme : «je souhaiterais t’épouser».
L’homme a besoin d’être sécurisé quant à la fidélité de sa femme, qui doit tout le temps lui laisser croire qu’il est le plus grand, le plus fort, le seul protecteur même si ce même homme a fait des études très poussées. L’homme souhaiterait être le pilier de la maison autour duquel tout est construit. Enfin, l’homme n’est pas prêt à lâcher le pouvoir, celui ancestral du père sinon du patriarche. Peut-être que si les deux prétendants (l’homme d’un côté, la femme de l’autre) prennent le pouls réel de la société dans laquelle ils vivent avec ses contraintes et ses forces, peut-être que s’ils savent éviter les écueils de cette fameuse transition-ébullition de notre société, ils sauront trouver les occasions de rencontres (si rares) et de partage (si épanouissants et salvateurs).

• Mohamed Sebti

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