Société

Crime passionnel à Casablanca

© D.R

«Je l’aimais Monsieur le Président», répond Saïd, l’accusé. Un silence de cimetière régne dans la salle. L’assistance, elle, est frappée de stupeur. Elle suit attentivement l’interrogatoire du président de la Chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. L’amour peut-il être un mobile pour un crime? C’est difficile à croire pour le public, mais les faits sont éloquents. Ce jeune de trente et un ans se débrouillait comme il pouvait pour gagner sa vie après avoir abandonné les bancs de l’école.
Saïd tombe amoureux d’une jeune fille de son quartier. Dès qu’il l’a aperçue pour la première fois, c’est le coup de foudre. Il a été séduit par sa bonne allure, son calme, sa féminité et par la beauté intérieure qu’elle dégageait.
Elle s’appelle Malika. Agée de dix-huit ans, cette jeune fille jouissait d’une bonne réputation. Il était amoureux fou d’elle. Toutefois, Malika ne partageait pas les mêmes sentiments. Malika a tenté à maintes reprises de le lui expliquer. Mais en vain. Il la suivait partout, où qu’elle aille. Sur le chemin du lycée ou au marché pour faire des courses. Il lui exprimait son amour.
«Tu es à moi. Tu ne seras pas à un autre homme”, lui répétait-il à chaque fois qu’il la croisait sur son chemin. Au fil des jours, elle ne supportait plus ses avances et ses provocations. Elle lui répondait qu’elle ne l’aime pas, qu’elle ne veut pas de lui et le suppliait de la laisser tranquille.
«Tu ne peux pas m’obliger de t’aimer», lui dit-elle, exaspérée. Mais Saïd, aveuglé par l’amour, ne voulait rien savoir. Il lui a exprimé son intention de se présenter chez sa famille pour la demander en mariage. Mais en vain. Le refus de Malika est catégorique. «Je ne t’aime pas. Je ne t’épouserai jamais», lui a-t-elle lancé. Ces mots étaient comme un outil tranchant qui lui coupait le cœur en morceaux. Saïd ne croyait pas ses oreilles. Face à son rejet, il est devenu très agressif. Pire, il l’a menacée de mort. «Je ne l’ai pas menacée Monsieur le Président”, a-t-il précisé à la cour. Dans le procès verbal de la police, il est consigné qu’il lui barrait le chemin à chaque fois qu’elle sortait de chez elle. Il devenait de plus en plus agressif. Malika a demandé à son père d’intervenir.
Le père de Malika demande alors à Saïd de laisser sa fille en paix. Saïd l’a insulté. Il l’a même menacé avec un couteau. Le père a sollicité le soutien de quelques voisins qui n’ont pas hésité à intervenir pour lui faire entendre raison.
Cette intervention a porté ses fruits au départ. Saïd ne s’approche plus de Malika. Il se contentait de la regarder de loin. Dix jours plus tard, l’irréparable s’est produit. Saïd a suivi Malika, qui vient de sortir de chez elle. À mi-chemin, il l’a saisie par ses vêtements. En un clin d’oeil, il lui a asséné deux coups mortels. «J’avais l’intention Monsieur le président de la blesser au niveau du visage pour qu’elle ne se marie avec personne», a-t-il osé déclarer à la cour. Prenant la parole, le représentant du ministère public a affirmé lors de son réquisitoire que le prévenu avait l’intention de tuer la jeune fille. Il a précisé que cet acte confirme la préméditation. Le représentant du ministère public a conclu son intervention en requérant l’application d’une peine maximale contre Saïd. Lors de sa plaidoirie, l’avocat de la défense a demandé à la cour d’être clémente. Après les délibérations, la cour a rendu son verdict en condamnant Saïd à 30 ans de réclusion criminelle.

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