Société

Débat sur les maladies du cancer

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Dans cette contribution, le Dr Faouzi Habib, cancérologue, radiothérapeute au Centre d’oncologie Al Azhar de Rabat et le Dr Anwar Cherkaoui, Directeur de la rédaction de la revue marocaine de cancérologie « Onconews », proposent des pistes pour lancer un véritable débat sur les maladies cancéreuses au Maroc Renforcer la politique de prévention des cancers, impliquer les généralistes dans la lutte contre le tabac, créer de nouveaux centres régionaux de lutte contre le cancer, améliorer la coordination des soins, informer et éduquer les malades ainsi que veiller à la formation continue et de base des cancérologues… sont les points stratégiques que doit adopter tout pays pour mettre en place une politique efficace de lutte contre le cancer. Dans un premier temps, il semble opportun de mettre en place une commission d’orientation sur le cancer, afin d’analyser les forces et les faiblesses de l’existant et d’énoncer des propositions pertinentes et réalistes pour prévenir la maladie et prendre en charge les patients, de manière plus performante, plus équitable et plus humaine. Il faut proposer des solutions qui suscitent des espoirs énormes pour les malades. Il ne doit pas s’agir uniquement de compilations de mesures médico-techniques, mais de recommandations pour améliorer la vie quotidienne des personnes atteintes de cancer. Dorénavant toute prise en charge de la maladie cancéreuse doit se faire dans sa globalité en tenant compte de notions comme la consultation d’annonce, l’égalité à des soins de qualité, la feuille de route pour le malade et la concertation pluridisciplinaire.
Renforcer la prévention
Près d’un tiers des cancers (notamment ceux des poumons, de la bouche, de la gorge…) pourraient être évités en luttant activement contre le tabagisme. Un point crucial. Les experts proposent de créer les moyens de véritables actions de prévention de terrain; de rendre la consommation de tabac effectivement inacceptable socialement, en particulier dans les lieux publics, de faire respecter les droits des non-fumeurs au travail, d’interdire effectivement de fumer dans les établissements scolaires, de sanctionner sévèrement les manquements à ces règles; de favoriser le sevrage par la prise de substituts nicotiniques dans certaines populations, d’impliquer les généralistes acteurs de santé publique de proximité, et enfin de revoir le rôle de la médecine scolaire et de la médecine du travail.
Impliquer les généralistes dans le dépistage
La France est, avec la Suède, le pays où le diagnostic du cancer du sein s’effectue le plus précocement, grâce au dépistage, soit spontané, soit organisé grâce à l’implantation effective des médecins généralistes (MG). Quelle stratégie faut-il adopter au Maroc, pour encourager, le dépistage précoce essentiellement pour trois types de cancers : du sein, du col utérin et du colon..
Mieux coordonner les soins au niveau régional
Sans exagération, ni généralisation, pratiquement un grand nombre d’établissements de santé traitent des patients cancéreux. L’objectif est de faire émerger des structures régionales de cancérologie, associant l’université, le CHU, les centres de lutte contre le cancer, les hôpitaux, les cliniques… Ainsi que la création de comités de coordination en cancérologie dans chaque établissement traitant des patients cancéreux. De même il faut insister sur l’établissement de critères d’agrément et de qualification pour la pratique de certains actes dans les établissements (par exemple, une activité chirurgicale minimale pour pouvoir opérer certains cancers).
Proposer “une feuille de route” à chaque malade
Pour un suivi rigoureux des patients, il est opportun d’établir une « feuille de route » pour chaque malade, signée par au moins trois médecins qualifiés, ouvrant la voie à une prise en charge multidisciplinaire, dès le diagnostic posé. En effet, le cancer est une maladie qui nécessite la collaboration de plusieurs spécialistes (chirurgiens, radio et chimiothérapeutes). L’exercice pluridisciplinaire de la cancérologie est indispensable pour offrir une prise en charge initiale optimale. Trop de malades se voient encore proposer des décisions chirurgicales immédiates sans bilan complet et sans concertation pluridisciplinaires : sur un plan scientifique pur, c’est une aberration qui peut conduire à des fautes professionnelles.
Mieux soutenir les malades
Donner plus de temps aux soignants pour l’exercice pluridisciplinaire, l’annonce du diagnostic et l’accompagnement des patients; développer une politique pour l’oncogériatrie, alors que souvent actuellement, les cancers chez les personnes âgées sont considérés avec un certain fatalisme ; créer des unités fonctionnelles de soins de support en oncologie réunissant des psychologues, assistantes sociales, diététiciennes, spécialistes de la douleur et favoriser l’insertion sociale des patients…
Augmenter le nombre de cancérologues dûment formés
Actuellement, plusieurs spécialistes médico-chirurgicaux pratiquent peu ou prou la cancérologie au Maroc. Ceux ayant une pratique exclusive sont peu nombreux (40 environ). Pour déclarer la guerre au cancer, il faut au moins disposer d’un corps médical spécialisé, motivé, combatif et en nombre suffisant. Ces éléments de réflexion peuvent contribuer à élaborer un programme marocain intégré pour une prise en charge optimale des cancers pour les 20 prochaines années. Cette logique semble faire son chemin auprès du ministère de la Santé, comme cela a été souligné par M. le ministre, Dr Mohamed Cheikh Biadillah, qui a annoncé la création de 4 nouveaux centres d’oncologie à Casablanca, Fès, Agadir et Tanger, dans le cadre de la stratégie de son département pour 2003-2007.
• Par Dr Faouzi Habib et Dr Anwar Cherkaoui

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