« Le bien qu’il fit, il le fit mal.
La mal qu’il fit, il le fit bien »
Epitaphe attribuée à Richelieu
Heureuse contrée ! Le Maroc est l’un des rares pays de ce bas monde où la théorie des baïonnettes intelligentes est érigée en loi. Un texte publié en 1975 rend, en effet, tout exécutant pleinement responsable de ses actes. Pourtant, on voit de plus en plus de tortionnaires, meurtriers ou autres, justifier leurs crimes par cette simple phrases : «Je n’ai fait qu’exécuter les ordres reçus ». Le grand Vizir, celui qui a tenu en laisse, pendant trente ans, trente millions de ses concitoyens, a usé superbement du même justificatif quand, avec son renvoi du ministère de l’Intérieur, il a vu son pouvoir s’éclipser : « Je n’étais qu’un exécutant ». « Je n’étais qu’un esclave au visage balafré », martèle-t-il devant les micros et stylos de la presse qui s’attendaient à plus de sensationnel.
Pourtant, chaque homme est d’abord responsable de son choix. Ensuite, il demeure entièrement responsable de ses actes. Nul ne peut légalement se prévaloir de l’obligation d’exécuter un ordre reçu contraire à la loi fondamentale, loi qu’il n’est pas censé ignorer. Dans le cas précis du Vizir, il n’était pas seulement en charge de l’exécution, il orientait les faits dans le temps et dans l’espace. Souvent, il provoquait les ordres qu’il traduisait lui-même en instructions sacrées. Il en était à la fois l’archétype de l’instigateur, du concepteur et du contrôleur. Il veillait à l’application de l’esprit de ces instructions et non seulement de la lettre. Ce qui se traduisait par des débordements dans chaque étape de la longue chaîne d’application. Ainsi, il était à la fois le maître de la provocation et le fidèle artisan de son aboutissement. Un art de la perfidie consommée, un don de la manipulation rare cousu dans un semblant de soumission aveugle à la monarchie ont fait de cet homme, simple roturier, comme il se nomme lui-même, l’épouvantail de tous ceux qui rêvaient d’un Maroc démocratique et juste.
Il brandissait l’étendard des droits de l’Homme pour mieux l’assujettir à ses intérêts et à ses désirs. Des politicards, intimidés et impressionnés de s’être retrouvés devant le Grand Vizir, retourneront très vite leurs vestons grossissant la cohorte des informateurs.
Une pléthore de bougres, de cadres et universitaires, n’hésiteront pas eux aussi, à se reverser dans ce métier plus lucratif et qui ne consiste qu’à avoir une oreille fine et une plume acerbe, à l’instar de quelques journalistes attirés eux aussi par le goût du miel.
L’influence du Vizir s’étendra partout, même dans la grande muette où il distribuait avec prodigalité aux hauts gradés agréments et avantages lucratifs. Peut-être il n’en était pas responsable !
Son fils se faisait appeler Moulay Hicham descendant d’un « marabout », car il détenait incontestablement la Baraka.
L’ironie populaire maintiendra pendant longtemps que sa ville natale sera jumelée avec celle de Fès parce que l’une et l’autre avaient pour fondateur un « Moulay Driss».
Son ministère était surnommé dans l’arabe dialectal, si riche en paraboles, la mère des ministères. Ses compétences embrassaient tous les domaines y compris celui de la Primature. L’un était appelé Premier ministre et l’autre ministre premier.
Les séances du Parlement où le taux d’absentéisme était le plus faible sont celles où le Grand Vizir devait procéder à une intervention devant des élus, en général tremblotant dans leur jellaba immaculée ou leur costume flambant neuf. Il damait toujours le pion au Premier ministre, dont les allocutions étaient obligatoirement soumises à l’appréciation de ce maître censeur.
Les quelques journalistes animés par la foi dans la liberté d’expression s’indignaient ostensiblement d’être l’objet de restrictions. Les promesses de la primature comptaient peu. Ils avaient sûrement omis de faire la comparaison analogiques qui s’imposait.
Ce « Grand décideur » issu de l’école Oufkir se prenait pour un stratège hors pair, parce qu’il était convaincu de sa science infuse. Selon les principes de Peter, il avait sûrement atteint le stade de saturation et de compétence au niveau subalterne. Mais, il a continué à gravir les échelons, faisant perdre au pays un bon contre-maître et dotant la nation d’un piètre ingénieur.
Le secret de sa fulgurante ascension est dû au vide qu’il créait autour de lui et aux obstacles qu’il dressait sur le chemin menant aux hautes sphères. Après avoir profité des idées et des écrits des jeunes cadres de qualité, formés dans les grandes écoles, il les jetait à la poubelle comme des citrons pressés. Coupables de plagiat et d’usurpation de compétences, il n’avait jamais eu le courage de mettre en selle la vraie relève, plongeant la jeunesse du pays dans un attentisme mortel en privilégiant des compères sans scrupules.
Tous les Marocains doivent porter plainte pour tromperie et exploitation de leur naïveté par le dénommé Driss Basri.
Ils doivent obligatoirement se constituer partie civile, en vue de demander réparation pour tous les torts dont ils ont fait l’objet pendant trois décennies. Allumons les quinquets !
Il est en train de fournir la preuve irrécusable, qu’il a usurpé pendant toute cette période son appartenance à la trempe d’homme d’Etat.
Actuellement, « Bas-rit » récidive en continuant ouvertement à nous faire subir un préjudice moral prémédité.
Comble de la bêtise ! De donneur d’ordres, il s’est métamorphosé, dans son exil doré, en donneur de leçons. Notre potentat veut nous faire admettre (encore un !) qu’il s’est réfugié dans l’épiscopat des transfuges, endossant la soutane d’un Tartuffe en mal d’autorité.
Ce n’est que dernièrement que le Vizir, en retraite forcée, a dévoilé lui-même sa petitesse et son vrai visage ; un homme subalterne sans foi ni loi, bas, égocentrique et pervers. Il est à plaindre !
• Par Ahmed Zarouf