Société

Débats : Les déséquilibres d’un artisanat périphérique

Dans l’artisanat, le tapis est considéré comme un «produit stratégique»; il continue comme par le passé à polariser l’intérêt des responsables. Son importance découle, selon ces responsables, de sa valeur artistique, culturelle et historique. C’est un héritage que des générations se sont chargées de perpétuer et qui l’ont hissé en témoin d’une civilisation. Mais parallèlement, une autre dimension s’est greffée sur cette valeur, faisant de l’artisanat du tapis un secteur d’activité économique.
De ce fait, les moyens de subsistance d’un grand nombre de la population en dépendent à des degrés divers, quand ils n’y sont pas rattachés d’une façon exclusive. Le marché devient alors un facteur structurant et conditionne même la référence au patrimoine et aux valeurs traditionnelles. Economiquement parlant, l’ultime objectif de toute entreprise « artisanale » est de durer, cette durabilité n’est toutefois possible que dans la mesure où celle-ci est capable d’assurer, au moins, l’équilibre de ses comptes. Or le déséquilibre dans la grande majorité des «entreprises artisanales» est d’ordre structurel. Les rapports de production font intervenir des facteurs, qui dans le cas du tapis, ne sont pas pris en compte dans le calcul du prix de revient. Celui-ci comporte, beaucoup de charges invisibles essentiellement supportées par le budget de l’Etat, surtout quand il s’agit de la production manufacturière ou coopérative, qui ne tiennent que grâce aux subventions étatiques directes ou indirectes et à l’exploitation d’une main-d’oeuvre infantile et féminine.
Pourtant, le discours officiel accompagnant les politiques publiques de l’artisanat s’entête à mettre en valeur l’importance du tapis dans une stratégie de développement de la société marocaine tout entière.
Dès lors, un problème parfaitement identifié, enclenché par le protectorat et lié à l’investissement symbolique et matériel artificiel amplement fixé sur le tapis, se trouve transféré sur toute l’économie de développement. La notion de «développement» elle-même devient un moyen de légitimation des actions de l’Etat, alors même que la logique économique cède souvent le pas devant le politique (la politique sociale). L’Etat « fait figure d’un facteur important de cristallisation de la politique de promotion des exportations d’un produit, qui constitue un îlot de prospérité, au détriment de tous les autres produits de l’artisanat.
L’Etat en concentrant l’essentiel de ses investissements sur un produit, a relativement privé le reste de l’artisanat démuni d’un apport susceptible de rapprocher l’écart qui sépare la production manufacturière de la production traditionnelle. Plus grave encore, il rend le dynamisme et l’expansion de la production destinée à l’exportation, considérée comme centrale, conditionnels de la marginalisation et de l’appauvrissement systématiques de l’artisanat «périphérique».
La production manufacturière (capitaliste) elle-même est condamnée à se conformer aux exigences du marché. La concurrence des autres pays producteurs est extrêmement forte, les entreprises les plus faibles seront éliminées. Dans ce contexte la situation des producteurs marocains n’est pas des plus aisées et ce pour deux raisons :
La première est que les producteurs exportateurs marocains sont dépendants du marché extérieur monopolisé par des intermédiaires étrangers, à la fois pour l’approvisionnement en matières premières et pour la vente du produit. Ces commerçants importateurs sont très puissants et bien organisés, il s’agit de véritables multinationales qui contrôlent le marché à l’échelle mondiale.
La deuxième est que les producteurs exportateurs marocains restent prisonniers d’une certaine idée de «l’Etat Providence» et d’un discours idéologique révolu sur la tradition et l’authenticité.

• Saïd chikhaoui

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