Il faut s’habituer à ce qui s’est passé, la semaine dernière, en Israël, a remarqué le grand éditorialiste, Nahoum Barnea, du quotidien populaire Yediot Aharonot «avec le blocage des routes et les violences des heurts contre les forces de police et des colons déterminés ». Cela est arrivé plus tôt que prévu. L’interrogation, « le désengagement de Gaza, est-il bon ou mauvais pour Israël ? » s’est transformée en une autre question : « qui est le patron ? qui dirige Israël ? ». La majorité des colons rejettent la conduite des extrémistes mais ils ont en peur. Pourtant, l’armée a déclaré la Bande de Gaza fermée et interdite aux Israéliens.
Un sondage est publié, dans le détail, par le journal Yediot Aharonot. Il indique, tout d’abord, une remontée spectaculaire, de neuf points, du soutien public au désengagement de Gaza, à la suite des excès de violence, pendant toute une semaine : 62% pour, au lieu de 53% seulement au début du mois de juin. Les opposants au retrait ne sont plus que 31% contre 36%. La conduite des militants d’extrême droite, en est la cause. Le retrait est, donc, en cours et dans l’histoire d’Israël, la semaine dernière restera celle du début du désengagement. Israël peut vivre sans les colonies de Gouch Katif au sud de Gaza, mais certainement pas sans un pouvoir national reconnu dans sa légitimité. Et sans un minimum de respect de la loi et des institutions. Un combat légitime ne peut être accepté que dans le cadre de la démocratie. C’est pourquoi, il y a un prix à faire payer par le gouvernement, aux refusniks de gauche et de droite.
Le journaliste, Nahoum Barnea, a cité le nouveau chef d’état-major de l’armée (Tsahal) qui punit les soldats refusant d’obéir, mais recherche, également, ceux qui les ont inspirés, notamment dans les écoles religieuses (Yechivot).
A mesure que l’écart se développe, d’autre part la violence, la colère et la frustration des citoyens israéliens grandissent. Et Nahoum Barnea va jusqu’à constater : « dès que quelqu’un interrompt, pour quelques heures notre routine, nous sortons de notre voiture, avec des chaînes de vélo à la main… Pourtant nous l’aurions bien mérité, parce que nous n’avons pas dit un mot lorsqu’ils ont frappé, expulsé et rendu la vie insupportable à des certaines de milliers de Palestiniens. Comment avons-nous pensé que ceux qui font cela aux Arabes ne le feraient pas aux Juifs ? Le dégoût n’est pas soulevé pendant des décades, ils réussissent, enfin, en quelque jours à le propager ».
La frontière entre l’extrême droite, face à la brutalité des envahisseurs d’un hôtel palestinien abandonné et aux auteurs du lynchage d’un jeune Palestinien, se réduit de plus en plus. A la question : le blocage des routes est-il légitime ? 80% répondent par la négative et 16% seulement, positivement. 24% disent que cela renforce leur soutien au désengagement contre 9% qui sont renforcés dans leur opposition à ce retrait.
Le sondage interroge : qui l’emporte dans le combat ? 43% pensent à la victoire du gouvernement et de l’armée (Tsahal) contre 9% pensent à celle des colons. Pourtant la majorité absolue (62%), est en faveur du retrait de Gaza. Encore faut-il que le gouvernement entreprenne une campagne d’information et que les ministres expriment clairement leur soutien à leur président, Ariel Sharon.
Cela éviterait que l’organisation des colons, Yesha, fasse déposer au Parlement (Knesset), deux propositions de loi pour un report du retrait de trois mois, voire d’un an. Chacun sait qu’aucune majorité n’a pu éviter de telles propositions au Parlement, car affirme le journal Yediot Aharonot « la locomotive (du retrait) a déjà quitté la gare, et si elle était stoppée en route, ce serait, sans exagération, la fin de l’Etat. Le public israélien l’a compris ». C’est pourquoi, à la question : convient-il d’arrêter le plan pour réexaminer le sujet ? 57% demandent de continuer, contre 40% favorables à un nouveau délai de réflexion.
Par contre, à la question : pensez-vous qu’en fin de compte le désengagement aura lieu au non ? 47% pensent qu’il ira à son terme ; 24% que son application sera partielle et s’arrêtera, à la suite des oppositions sur le terrain ; 17% qu’il n’aura pas lieu du tout. En d’autres termes, encore, 46% pensent que le plan ne sera pas intégralement appliqué, par crainte d’une guerre civile et une effusion de sang ; 48% pensent qu’il n’y aura pas d’effusion de sang, mais 44% qu’il y en aura…
En conclusion à ce sondage fondamental qui démontre la confusion dans laquelle se place l’opinion publique israélienne, le journal populaire indique « pendant plusieurs mois, Sharon a essayé d’embrasser les colons, de leur trouver les solutions les plus commodes et les plus généreuses, sans doute par sentiment de culpabilité… ». Mais, il faut le préciser, cela n’a pas marché. Au sein du public israélien, 43% lui donnent une note favorable, en sa qualité de chef du gouvernement, mais 52% pensent qu’il est peu ou pas du tout crédible, il s’agit, donc, d’un véritable effondrement de sa popularité.
Dans le grand quotidien Haaretz, l’analyste Yaël Marcus, va jusqu’à intituler un article : « Le pays brûle et les moutons se taisent ». Le pays brûle, affirme-t-il, parce que des extrémistes, parmi les colons lui ont déclaré la guerre, en bloquant les routes, en dispersant des clous, en faisant brûler des pneus, et ce n’est qu’un début, disent-ils. Les ministres (moutons) de Sharon et ses collègues à la direction du parti Likoud, l’ont laissé seul sur le front de bataille. Pourtant Sharon a averti, « les désordres des colons sont une menace pour l’Etat d’Israël et contre la démocratie qui est restée une voix dans le désert ».
Peu, en effet, comprennent la nécessité pour une démocratie de se défendre. Et, s’il le faut, également, par la force… Il faut se demander sérieusement : combien risquent-ils de laisser leur vie, si les extrémistes réussissaient à faire échouer le plan de désengagement et à provoquer une nouvelle vague de terreur ? Quel sera le prix de l’image du pays dans le monde avec un gouvernement israélien devenu un tigre de papier ? Car, le plus grave, considère Yaël Marcus, est la conduite hypocrite des politiciens et, en particulier, celle des ministres qui veulent « tenir la corde par les deux bouts, pour conserver leurs postes en votant pour le désengagement de Gaza, sans se mobiliser pour le défendre ».
Il faut rappeler, que neuf ministres du Likoud, parti de Sharon, ont voté en faveur de son plan et cinq s’y sont opposés. Comment comprendre, alors, que même ceux qui ont voté le plan, s’abstiennent d’apporter, publiquement, leur soutien à Sharon.
De tous les ministres qui se taisent, – outre le vice-Premier ministre Ehoud Ulmert se disant le parrain du plan de retrait -, celui qui joue un double jeu le plus parfait, voire même un triple jeu, est Benyamin Netanyahou, ministre des Finances. L’extrême droite et les religieux orthodoxes (Haredim) sont convaincus de sa proche démission. Le ministre le nie, mais ne ferme pas toutes les portes…
Il n’en demeure pas moins qu’il manque un vrai chef et des actes de la part de Sharon. Il devrait dire, pourtant, à « ses moutons » (ses ministres): « Vous devez décider. Ou bien vous êtes avec moi, ou bien vous êtes contre moi. Celui qui est contre moi, n’a plus qu’à démissionner ». Cela doit, notamment, s’appliquer au plus nuisible de ses ministres, à savoir Benyamin Netanyahou, lui-même.
Les plus grands analystes de la presse israélienne, sont formels dans leurs conclusions : « Les yeux du monde entier scrutent les Israéliens. Le temps passe, jusqu’à la fin de cette année, pas un seul israélien, pas un seul colon ne doit rester dans la bande de Gaza. C’est une date ultime et il n’y en a pas d’autre ! »…