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Delphine Borion: «L’enjeu actuel est d’impliquer toute la société, femmes et hommes, dans ce combat pour l’égalité»

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Entretien avec Delphine Borion, première secrétaire générale adjointe de l’Union pour la Méditerranée pour les affaires sociales et civiles 

ALM : Quelle évaluation faites-vous de la situation des femmes dans la région de la Méditerranée ?

Delphine Borion : Je pense qu’en général, le cadre constitutionnel et législatif de plusieurs pays de la région a connu des développements positifs ces dernières années avec la promotion des principes d’égalité femme-homme dans les différents volets de la vie publique. Cependant, au-delà des avancées de la représentation féminine sur le plan législatif ou la consécration de leurs droits sur le plan normatif, l’autonomisation des femmes est aussi un processus de changement personnel et social à travers lequel les femmes deviennent un levier puissant de développement économique. C’est un chantier pour lequel il reste encore beaucoup à faire dans les pays du nord comme du sud de la Méditerranée. C’est pourquoi  l’Union pour la Méditerranée a placé l’égalité femme-homme et le renforcement du rôle des femmes dans les sociétés au centre de ses priorités pour le développement et l’inclusion régionale.

Leur représentativité dans la sphère politique et économique s’est-elle améliorée ?

Les analyses sont unanimes : il n’y a pas de pays au monde où l’égalité femme- homme est pleinement réalisée. La plupart des problématiques sont communes même s’il y a des différences d’ampleur selon les pays. La question de la violence exercée à l’encontre des femmes est hélas par exemple un phénomène global. Sur une note positive, on note partout des progrès dans l’accès aux droits, en matière d’éducation ou de santé. L’accès des femmes à la vie politique et économique ainsi qu’aux postes de responsabilité reste un domaine où il y a encore beaucoup de progrès à faire, même s’il y a bien sûr des différences selon les pays.

Au niveau de la région du sud de la Méditerranée, des progrès notables ont été enregistrés au cours des dernières années en matière des dispositifs juridiques et constitutionnels, ainsi qu’en matière de participation politique et économique des femmes. Toutefois, ces progrès restent de loin en deçà de ceux réalisés dans les autres régions du monde. La participation économique des femmes est l’une des plus faibles du monde, avec un taux de 25 %. Au cours des douze dernières années, les taux de chômage dans les pays d’Afrique du Nord ont été très élevés, en particulier chez les femmes et les jeunes. Les taux de chômage des femmes dans la plupart des pays sont supérieurs de 1,7 fois par rapport à ceux des hommes. En Europe, la situation est meilleure (64% des femmes dans le marché de travail), mais ce taux est encore de 11.5 points inférieur à celui des hommes.

Je tiens toutefois à souligner que le Maroc a pu réaliser des avancées importantes en matière de promotion des droits des femmes et à leur autonomisation économique, grâce aux avancées constitutionnelles pour l’égalité des sexes, au rôle pionner que joue le Royaume dans l’articulation entre les espaces européen, méditerranéen et africain et au dynamisme de la société civile marocaine.

Au Maroc comme par ailleurs, l’enjeu actuel est d’impliquer toute la société, femmes et hommes, dans ce combat pour l’égalité mais également de porter des femmes aux postes de responsabilité au sein des partis politiques et des entreprises pour qu’elles servent d’exemple et de locomotives.

Concrètement, quelles sont les actions à mener pour améliorer l’intégration politique et économique des femmes au Maroc ?

Les entreprises peuvent jouer un rôle majeur dans la promotion de la participation des femmes au marché du travail en mettant l’accent sur les gains qu’elles apporteront à leurs entreprises et au développement social et économique. La mise en place de systèmes de gestion des ressources humaines tenant compte des spécificités des genres et la création d’environnements propices aux femmes dans le monde des entreprises, complétées par l’instauration d’une infrastructure sociale accommodante (par exemple dans le domaine des transports, ou la création de places de crèches) ou l’adoption d’accords de conciliation entre le travail et la vie familiale pour les femmes et les hommes, sont autant d’éléments vitaux pour renforcer la participation économique des femmes.

Sur le plan politique, le système des «quotas » est un instrument qui a permis d’atteindre de bons résultats dans certains pays de la région ; il contribue à faire évoluer les habitudes et donne des résultats à court terme. Ces quotas devraient cependant demeurer une mesure temporaire. Ils doivent être accompagnés d’une réelle volonté politique pour renforcer la participation équitable des femmes au niveau des organes de décision politiques et économiques.

Pour arriver à la situation idéale, où l’homme et la femme seraient égaux, que reste-t-il à faire ?

Il faut bien sûr réaliser une pleine égalité aux niveaux législatif et politique. Mais cela ne suffit pas : l’enjeu reste la mise en œuvre effective sur le terrain qui continue d’être entravée principalement par les stéréotypes et les préjugés sociaux qui continuent à sévir. Afin de changer les mentalités, il est aussi nécessaire d’investir dans l’éducation et la sensibilisation à l’égalité à la fois à l’école dès le plus jeune âge, mais aussi auprès du grand public. Les médias ont un rôle clef à jouer à ce niveau. Associer et former l’ensemble des cadres responsables de la mise en œuvre des mesures est indispensable : il est ainsi essentiel de sensibiliser les cadres de police et de la justice pour mettre en œuvre pleinement les mesures de lutte contre la violence faite aux femmes par exemple. Il faut également valoriser le travail des femmes et mettre en évidence les apports positifs des femmes à la société tous secteurs confondus.     

L’UpM, en renforçant  la coopération régionale dans ce domaine, contribue à identifier les obstacles qui perdurent, les bons projets ou pratiques qui ont un impact positif sur le terrain, et les politiques publiques à mettre en place. C’est par ce dialogue et cet apprentissage mutuel entre les pays que nous pouvons ainsi contribuer à faire avancer l’agenda de l’égalité.

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