Démographie : A quoi ressemblera le Maroc en 2040 ?

Baisse de la fécondité, vieillissement de la population, urbanisation accélérée…

Analyse : Dans une nouvelle analyse, le HCP note que la baisse de la fécondité, le vieillissement de la population, l’urbanisation accélérée et la recomposition des structures familiales appellent à une adaptation des politiques publiques en matière de santé, d’éducation, d’emploi, de logement, de protection sociale et d’aménagement du territoire.

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) vient de publier une analyse intitulée «Dynamique démographique et implications sur les politiques publiques». Basée sur les résultats du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH 2024) et enrichie par les projections à l’horizon 2040, cette analyse met l’accent sur les transformations démographiques en cours qui posent des défis structurants tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour la mise en œuvre du Nouveau modèle de développement. Le HCP note que la baisse de la fécondité, le vieillissement de la population, l’urbanisation accélérée et la recomposition des structures familiales appellent à une adaptation des politiques publiques en matière de santé, d’éducation, d’emploi, de logement, de protection sociale et d’aménagement du territoire. L’intégration systématique de la variable démographique dans la planification et l’évaluation des politiques publiques est devenue désormais primordiale.

Ralentissement du rythme de croissance démographique

En l’espace de seulement cinq décennies, le Maroc a achevé sa transition démographique. Le taux de fécondité a ainsi chuté de 7,2 enfants par femme en 1960 à seulement 1,97 en 2024. Cette évolution s’explique par plusieurs facteurs, à savoir le recul de l’âge au mariage, l ’usage accru de la contraception, l’accès à l’éducation, le développement des moyens de transport et l’urbanisation croissante. Parallèlement, l’amélioration des conditions de vie et les progrès sanitaires ont permis un allongement significatif de l’espérance de vie qui est passée de 47 ans en 1960 à 76,4 ans en 2024. Le Maroc fait face à une croissance démographique ralentie mais toujours dynamique. Entre 1960 et 2024, la population du Maroc est passée de 11,6 à 36,8 millions d’habitants, et devrait atteindre près de 40,5 millions à l’horizon 2040. Cette évolution s’accompagne d’un net ralentissement du rythme de croissance démographique. En effet, le taux d’accroissement, qui s’élevait à 2,6% dans les années 1970, est tombé à 0,85% aujourd’hui et devrait reculer à 0,6% d’ici 2040. Malgré cette décélération, la population continuera d’augmenter en valeur absolue. Entre 2024 et 2040, la croissance démographique correspondra, chaque année, à l’ajout d’une ville moyenne de 230.000 habitants. Selon le HCP, un tel accroissement exercera une pression accrue sur les besoins sociaux, en particulier en matière d’infrastructures, de services de base et de gestion des ressources.

Moins de jeunes

La population des jeunes de moins de 15 ans va diminuer progressivement sous l’effet de la baisse attendue de la fécondité. Leur nombre, qui était estimé à 9,76 millions en 2024, devrait chuter pour atteindre environ 7,8 millions en 2040. Et par conséquent, leur part dans la population totale passera de 26,5% à près de 19,2% sur la même période. Pour les enfants de 6 à 11 ans, correspondant à la population scolarisable dans le primaire, leur nombre passera de 4,2 millions en 2024 à 3 millions en 2040, soit une diminution de 26,7%. Quant au groupe d’âge du deuxième cycle du fondamental (12-14 ans), leur effectif diminuerait de 2,1 millions à 1,5 million sur la même période, soit une baisse de 28%. Le HCP estime que cette évolution pourrait constituer un atout pour la généralisation de la scolarisation et offrir une opportunité de réorienter les investissements démographiques relatifs vers l’amélioration de la qualité de l’enseignement et pour dépasser le dysfonctionnement actuel.

7,9 millions de seniors en 2040

Le vieillissement de la population est une tendance structurelle. La part des personnes âgées de 60 ans et plus devrait passer de 13,8% en 2024 à 19,5% en 2040, soit une hausse de 58%, portant leur effectif de 5 millions à près de 7,9 millions. Selon le HCP, l’allongement de l’espérance de vie, conjugué à la nucléarisation croissante des familles, mettra à l’épreuve la solidarité intergénérationnelle et interpellera les pouvoirs publics à repenser le système de protection sociale. Cela concerne notamment les régimes de retraite, le renforcement de la prise en charge des maladies chroniques et l’adaptation des services sociaux.

Hausse de 6,4% du taux d’urbanisation de 2024 à 2040

Le Maroc fait face à une accélération de l’urbanisation qui s’explique par la croissance de la population urbaine, l’exode rural, l’extension des périmètres urbains et la transformation de certains centres ruraux en villes. Le taux d’urbanisation, estimé à 62,8% en 2024, devrait atteindre près de 69,2% en 2040. Sur la même période, la population urbaine passerait de 23,6 à 28 millions d’habitants, tandis que la population rurale diminuerait de 13,7 à 12,4 millions. Pour faire face à cette dynamique, une stratégie de développement territorial intégré doit être mise en place pour répondre d’une part à la pression croissante sur les infrastructures induite par l’urbanisation et, d’autre part, pour réduire l’écart avec les zones rurales, souvent confrontées à des insuffisances d’accès aux services de base.

Diminution de la taille moyenne des ménages de 3,9 à 3,3 personnes

Le nombre de ménages connaît une progression continue, atteignant 9,26 millions en 2024 et pourrait s’élever à 12,3 millions en 2040 selon les projections démographiques, soit une hausse de 32,5%. Cette augmentation résulte non seulement de la croissance de la population, mais aussi de la diminution de la taille moyenne des ménages, qui passerait de 3,9 à 3,3 personnes sur la même période. La réduction de la taille des ménages s’explique par l’évolution des comportements familiaux, tels que l’individualisme croissant, l’augmentation du nombre de célibataires et la baisse du nombre d’enfants par famille. Il faut aussi noter que l’urbanisation et le mode de vie urbain ont favorisé la formation de ménage de petite taille. L’exode rural a aussi joué un rôle déterminant. Bon nombre de jeunes quittent le monde rural pour s’installer en ville, renforçant ainsi la tendance vers des ménages de taille réduite. L’évolution des ménages pose d’importants défis en matière de production de logements et de biens d’équipement. Compte tenu de l’augmentation continue de leur nombre, on estime qu’il faudra construire près de 3 millions de logements supplémentaires d’ici 2040 afin de répondre à cette demande croissante. Parallèlement, la résorption de l’habitat insalubre, encore présent dans plusieurs régions du Royaume, constitue un enjeu majeur. Il est primordial de mettre en place des stratégies qui permettront d’augmenter l’offre de logements décents, d’améliorer la qualité de l’habitat existant et de garantir des solutions adaptées aux populations vulnérables. Selon le HCP, cela requiert des politiques publiques ambitieuses, des investissements dans les infrastructures urbaines et une approche inclusive capable de répondre aux besoins diversifiés des citoyens.