Chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Casablanca. Deux jeunes suspects se tenaient devant les magistrats. Ils tournaient de temps en temps leurs têtes vers l’assistance pour regarder leurs parents qui occupaient des sièges depuis l’ouverture de la salle d’audience. « Vous êtes accusé d’avoir subtilisé plusieurs vélomoteurs, qu’en dites-vous ? », leur a demandé le président du tribunal.
Les jeunes mis en cause ont échangé des regards comme si l’un demande à l’autre de prendre l’initiative de répondre. Et le président a donné la parole à Rachid. Âgé de vingt-cinq ans, Rachid a quitté très tôt les bancs de l’école.
La rue l’avait accueilli à bras ouverts. De jour en jour, il s’adonnait à la drogue et devient un grand accro. Pour s’en procurer, il dérobait de l’argent à ses parents. Quand ils lui ont reproché cette mauvaise habitude, il s’est révolté contre eux et a même frappé son père. Cet acte violent lui a valu quelques semaines d’emprisonnement. Et effet, le tribunal l’a condamné à un mois de prison ferme pour « voie de fait contre ascendants ». Lors de son incarcération, il a rencontré son ami d’enfance Saïd. Il ignorait qu’il a été arrêté une semaine plus tôt.
Âgé de vingt-six ans, Saïd est un professionnel dans le vol des vélomoteurs. Il purgeait une peine de six mois de prison ferme. Il a été appréhendé en flagrant délit : il était en train de briser le cadenas d’un Peugeot 103. Après son arrestation, il a nié aux enquêteurs avoir perpétré d’autres vols de vélomoteurs. Il leur a fait savoir que c’était sa première action. C’est la raison pour laquelle le jugement était clément pour lui.
Ravis de leurs retrouvailles, les deux amis, qui partageaient la même cellule avec d’autres détenus, sont devenus inséparables. Ils partageaient les repas et les confidences. Un mois plus tard, Rachid a été relâché. Saïd devait passer cinq autres mois de détention. Après sa libération, Rachid a rejoint l’un de ses amis qui vivait seul dans une chambre depuis le décès de ses parents.
Et il récidive. Il se droguait, s’enivrait et s’adonnait au vol à la tire. Quelques mois plus tard, Saïd a été libéré. Les deux amis se sont retrouvés de nouveau. Les retrouvailles étaient très chaleureuses et bien célébrées : ils ont passé une nuit blanche autour des verres de vin rouge. A peine deux jours passés que Saïd propose à Rachid de l’accompagner dans ses actions de vol de vélomoteurs. «ça rapporte gros et mieux que le vol à la tire », lui a affirmé.
Depuis, ils sont devenus des complices. Ils opéraient à travers la ville de Casablanca et de sa périphérie. Le moyen pour s’emparer des vélomoteurs était simple et facile. Ils s’attaquaient à toutes sortes de cadenas ou de chaîne à l’aide d’une pince de grande taille. Et le receleur les attendait pour acheter le butin et le démonter pour le vendre en pièces détachées. Ce receleur est actuellement en état de fuite depuis l’arrestation du duo.
Rachid a été arrêté en flagrant délit quand il s’apprêtait à briser le cadenas d’un vélomoteur. Soumis aux interrogatoires, il a avoué avoir un complice qu’il va lui téléphoner pour savoir si l’opération a réussi. Pour le mettre hors d’état de nuire, les enquêteurs ont obligé Rachid de lui répondre positivement et de fixer un rendez-vous pas loin du commissariat pour commettre un autre vol. Saïd a accepté la proposition de son ami et l’a rejoint un quart d’heure plus tard.
La police était à son accueil. Conduit au commissariat, Saïd n’a rien caché aux enquêteurs. Il leur a dévoilé toutes les opérations qu’il avait faites lorsqu’il opérait seul et même celles menées avec la complicité de Rachid. Ils ont reconnu également devant le tribunal les charges retenues contre eux. Ils ont avoué avoir volé une vingtaine de vélomoteurs qu’ils ont vendus au receleur encore en fuite.
Un aveu qui n’a laissé aucune chance pour l’avocat qui les soutenait pour réclamer de les bénéficier de l’acquittement. « Ce sont deux jeunes victimes de l’indifférence de la société civile. Cette dernière ne déploie aucun effort pour favoriser leur réintégration. En conséquence, ils se sont enfoncés facilement une fois de plus dans le gouffre de la criminalité », a plaidé l’avocat. Après les délibérations, le tribunal les a condamnés à deux ans de prison ferme.