Au cours de ces dernières années, la migration marocaine vers l’étranger a connu des évolutions importantes. Pour en décrypter les principales tendances, le Haut-Commissariat au Plan a dévoilé lors d’un webinaire organisé le 18 décembre 2020 les résultats de l’Enquête nationale sur la migration internationale réalisée en 2018-2019.
Celle-ci s’inscrit dans le cadre du programme de coopération Medstat, mis en œuvre dans les pays du sud de la Méditerranée. Cette enquête de grande envergure s’est déroulée du mois d’août 2018 au mois de janvier 2019 repose sur un échantillon de taille globale de 15.076 ménages qui comporte 4.072 ménages ayant au moins un migrant de retour, 8.144 ménages ayant au moins un migrant actuel et 2.860 ménages ayant au moins une personne non migrante. Voici ce qu’il faut en retenir.
Intention de quitter le Maroc : les jeunes et les chômeurs en tête de liste
L’enquête révèle que près du quart de la population ont exprimé leur intention d’émigrer (23,3%). Cette proportion ne varie pas selon le type de ménage migrant/non migrant (23,8% contre 23,3%). L’intention d’émigrer est plus élevée chez les ruraux avec 26,5% contre 21,6% pour les citadins. Ainsi, la part des hommes ruraux ayant fait part de leur souhait de partir est de 32,5% contre 26% pour les hommes citadins.
Les réalisateurs de cette enquête ont observé que la propension à émigrer varie entre les hommes (28,6%) et les femmes (17,7%). Il en ressort également que le souhait de partir baisse avec l’âge. Il est de 40,3% chez les jeunes (15 et 29) à 10,3% pour les personnes âgées entre 45 et 59 ans. Par ailleurs, il s’avère que le mariage est un facteur qui réduit le risque de migration. Dans ce sens, 12,7% de personnes mariées sont intéressées par une migration alors que ce taux atteint 40,4% parmi les célibataires, 34,7% parmi les divorcés. Le niveau d’instruction a un effet significatif sur les intentions de migration : 25% pour les niveaux secondaire et supérieur contre 12,5% pour les sans niveau. La situation du chômage y est pour beaucoup dans l’intention de migrer : très élevées chez les personnes au chômage avec 50,9% que ceux disposant d’un emploi 21,9%. Par destination, l’Europe fait l’unanimité chez 81,8% des personnes interrogées dans le cadre de cette enquête. On constatera que la France, l’Espagne et l’Italie sont les principaux pays d’immigration, suivies des pays d’Amérique du Nord (9,2%). Du côté des migrants actuels, on notera que trois régions concentrent la moitié des ménages avec des migrants actuels (Casablanca-Settat, Béni Mellal-Khénifra et Rabat-Salé-Kénitra).
Profil des migrants
68,3% des migrants actuels sont des hommes contre 31,7% de femmes. L’enquête fait ressortir que 27% des migrants sont âgés de 15 à 29 ans. Sur cette tranche d’âge, les femmes sont plus nombreuses que les hommes (32,8% contre 24,4%). Les réalisateurs de cette enquête se sont également intéressés au mariage mixte relevant que 18,9% des migrants actuels ont des conjoints non marocains, les femmes (27,1%), beaucoup plus que les hommes (14,9%). En se référant à l’âge, la plus grande proportion de mariages mixtes a été remarquée parmi les plus jeunes, les 15-29 ans (24,8%), alors que le taux le plus faible a été observé chez les 60 ans et plus (9,1%).
La mixité du mariage progresse selon le niveau d’éducation (7% pour les migrants actuels qui ont le niveau du primaire, 22,6% pour le secondaire, 31,4% pour la formation professionnelle et 36% pour le supérieur). Pour ce qui est des binationaux, 71,9% de migrants ont uniquement la nationalité marocaine et 27,4% ont acquis une autre nationalité, les femmes plus que les hommes, respectivement 33,3% et 24,6%. Sur le plan du niveau d’enseignement, ladite enquête fait remarquer que le niveau d’éducation des migrants actuels est supérieur à la moyenne de la population du Maroc. Ainsi, 33,5% d’entre eux ont atteint le niveau d’enseignement supérieur et 24,4% l’ont terminé. De même, la part de ceux ayant le niveau secondaire qualifiant est de 17,4%, le niveau collégial 16,3% et le niveau primaire 16,9%. Pour ce qui est des migrants actuels n’ayant aucun niveau d’éducation ils représentent 10,2%.
Transfert d’argent : Les parents premiers bénéficiaires
Au cours des 12 mois précédant l’enquête, plus de huit migrants actuels sur dix (83,4%) ont dit avoir transféré de l’argent vers le Maroc (83,8% des hommes et 81,5% des femmes). En termes de fréquence des envois, les migrants actuels des pays arabes transfèrent dans les proportions les plus élevées (86,8%), suivis de ceux des anciens pays européens d’immigration (85,3%) et des nouveaux (82,2%), et enfin ceux d’Amérique du Nord (80,8%). Globalement, les bénéficiaires sont en premier les parents (69,9%), la mère (38,1%) et le père (31,8%), suivis du conjoint (17,5%), les enfants (3,3%) et d’autres personnes au Maroc (9,3%).
[box type= »custom » bg= »#fddeef » radius= »5″]Le montant annuel de transferts d’argent s’élève à 47.500 DH
A en croire le HCP, le montant annuel moyen d’argent envoyé par les migrants actuels atteint 47.500 DH. Ce qui représente une moyenne mensuelle de transfert d’argent de près de 4.000 DH. Les migrants actuels d’Amérique du Nord arrivent en premier (74.800 DH, par an), suivis de ceux des anciens pays européens d’immigration (65.200 DH), les pays arabes (61.500 DH) et les nouveaux pays européens d’immigration (36.400 DH). «La moitié des migrants actuels ayant effectué des transferts au Maroc au cours des 12 mois précédant l’enquête ont envoyé une somme annuelle inférieure ou égale à 10.200 DH. La valeur médiane atteint son plus haut niveau pour les migrants actuels installés dans les pays d’Amérique du Nord (14.000 DH) et le plus bas dans les nouveaux pays européens d’immigration (10.000 DH)», précise la même source.
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