Nous, qui étions ces derniers temps à la recherche de sens, nous sommes comblés. Le discours de SM le Roi nous a donné un bol d’oxygène. L’homme est au centre -et la finalité- de toute politique de développement. Il est également au cœur de toute politique économique. La croissance ne peut être une fin en soi si elle ne bénéficie pas d’abord aux hommes. Le message royal est clair, nous l’avons reçu avec un soulagement réel.
La casse sociale n’est pas le pendant naturel du libéralisme, surtout quand il est sauvage. Le chef de l’État refuse cette fatalité. On peut, malgré la faiblesse de nos moyens, et l’on doit faire quelque chose. L’engagement pris par le Souverain à travers l’Initiative nationale de développement humain (INDH) est courageux. Il est, aussi, assez rare. On dit partout que l’État ne peut pas tout faire. Il est heureux de constater que l’État marocain est invité à assumer ses responsabilités. La vulgate libérale qui nous dit que l’exclusion, la marginalisation et la paupérisation sont le prix inéluctable à payer pour se faire une place dans le paradis de la mondialisation, est battue en brèche. SM le Roi a tenu un vrai discours progressiste qui rompt avec une conception étriquée de l’action sociale pour installer une approche novatrice basée sur le développement humain.
L’autre dimension du discours royal est qu’il a doté l’État d’une politique sociale dont l’exécution est confiée au gouvernement. Ce dernier devra s’acquitter de sa mission avec le concours de toutes les forces vives de la nation et rendre compte de sa politique devant le chef de l’État et le Parlement. La procédure est démocratique. Nous ne sommes plus dans l’ère du ponctuel, du caritatif, du saisonnier ou du saupoudrage. C’est une vraie rupture.
Sur le plan financier, la méthode choisie est bonne. Elle institutionnalise et pérennise les actions entrant dans le cadre de l’INDH. C’est le budget de l’État qui doit servir de levier. Comment ? Peu importe. Les atermoiements actuels des responsables de nos finances sont stigmatisés. Quand la volonté politique s’exprime avec autant de force, et à ce niveau-là, l’intendance devra suivre. Pour y arriver, quelques exemples. Rationaliser l’action sociale de l’État, éparpillée à travers 5 ou 6 ministères aussi bureaucratiques et impuissants que budgétivores. Créer un ministère du développement humain qui regrouperait d’une manière efficace et cohérente tous les départements existants (femmes, alphabétisation, handicapés, jeunesse…) Fédérer les actions des ONG et les faire converger vers des projets à forte valeur ajoutée humaine. Inscrire l’action des Fondations dans cette stratégie globale en veillant à ce que leurs activités soient véritablement complémentaires et intégrées à l’INDH. Mobiliser et gérer rationnellement l’aide internationale, etc…
Au niveau politique, le discours royal a recadré les débats. Tout le monde est invité d’une manière pratique et opérationnelle, dans la perspective des élections générales de 2007 à se déterminer par rapport à l’INDH. C’est du concret. C’est le seul moyen de réhabiliter l’action politique. Le reste, c’est du bavardage. Le Maroc n’est à la recherche ni d’un nouveau projet de société, ni d’un package de valeurs importées, ni d’une nouvelle religion. La compétition politique, légitime et souhaitable en démocratie, devra se faire sur la base de la volonté des uns et des autres à contribuer sérieusement au développement humain, et non pas sur l’exploitation criminelle et politicienne de la pauvreté, des frustrations et de la misère. Ça a le mérite d’être clair et de donner un sens à la politique.