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Diplomatie de l’or bleu : Un levier de lutte contre la sécheresse

© D.R
Par Yassir Lahrach (*)

«L’eau n’est pas nécessaire
à la vie, elle est la vie»
Au cours des siècles passés, la circulation et l’exploitation des mers et des océans n’étaient pratiquement pas réglementées, mais plutôt régies par le principe de la liberté de mers et par un assortiment de règles coutumières.
Enveloppant plus de 70% de la planète, les mers et les océans, composés de 97,5% d’eau salée, sont des espaces convoités : plus de 80% du commerce mondial transite par les routes maritimes et les deux tiers de la population sont contenus sur les littoraux et les milieux aquatiques.
Dans le domaine de l’utilisation des ressources en eau internationales, des milliers d’actes, de traités et de déclarations, unilatéraux et multilatéraux, d’application universelle ou régionale, se sont, intensément, succédé, pour mettre en évidence que des droits en faveur d’une souveraineté territoriale limitée s’élaborent, à l’égard des Etats riverains, dans le respect du partage des ressources en eau.

Il est aussi important de préciser que les pratiques relatives à la gestion de l’eau sont influencées par une combinaison de facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, diplomatiques, sécuritaires et militaires. L’eau, en tant que source de vie, irriguant l’intérieur de la Terre et facilitant le glissement des plaques tectoniques, devient une richesse très limitée, dans un monde où les besoins ne cessent de croître, avec 2,2 milliards de personnes vivant sans accès à l’eau salubre, une situation amplement aggravée par une sérieuse croissance démographique et une nette augmentation du niveau de vie.
Ce qui contraint différents gouvernements à réfléchir, sagement, pour préserver une quantité suffisante et une qualité optimale d’eau douce, disponible pour leurs populations, tout en devenant, désormais, enrôlés pour défendre et promouvoir la question de l’or bleu, parfois même bien plus que le pétrole.
Sans oublier de rappeler que l’eau reste un vecteur décisif aux activités socio-économiques, contribuant, indéniablement, à la stabilité des communautés humaines.
Au XXème siècle, Antoine de Saint-Exupéry, grand écrivain, avait sagement dit : «L’eau n’est pas nécessaire à la vie, elle est la vie» ou encore Gaston Louis Pierre Bachelard, éminent philosophe, qui souffla : «L’eau est le miroir de notre avenir».

Mais fabuleusement mieux : le livre sacré reconnaît l’incroyable valeur de l’eau, à travers plusieurs versets coraniques, dont l’un ci-après : «Et nous avons désigné (créé) de l’eau tout être vivant. Ne croiront-ils pas?»30-XXI

Quant aux deux autres religions du livre, à savoir le judaïsme et le christianisme, celles-ci considèrent, également, l’eau comme un bien précieux. Ainsi, dans la religion juive, l’eau représente, essentiellement, la pureté et dans la tradition chrétienne l’eau est un lien entre l’humain et le divin.

Un nécessaire ajustement de la Stratégie nationale de l’eau s’impose

Feu Sa Majesté le Roi Hassan II, que son âme repose en paix, était conscient de l’importance de l’eau, en tant que source de vie et avait ordonné, une décennie après l’indépendance du pays (1966), la construction de six barrages. Ainsi et dans le cadre d’une initiative conjointe du Royaume du Maroc et du Conseil mondial de l’eau, un grand Prix mondial Hassan II de l’eau a été créé en 2002, en mémoire de ce grand Monarque, pour ses actions exceptionnelles en faveur de la coopération internationale et de la préservation des ressources en eau.
Une vision prospective qu’a perpétuée Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, qui permet, aujourd’hui, au Maroc de disposer de 285 barrages d’une capacité actuelle totale de plus de 20 milliards de mètres cubes et qui se verrait renforcée avec 15 autres barrages, d’une capacité totale de plus de 4 milliards de mètres cubes.
Compte tenu de l’importance de l’eau, un département ministériel (ministère de l’équipement et de l’eau) se consacre à l’or bleu, épaulé, singulièrement, par le Conseil supérieur de l’eau et du climat, les Conseils de bassins hydrauliques et les Commissions préfectorales ou provinciales de l’eau ou encore par l’Office national de l’eau et de l’électricité (ONE).
Grâce à l’ingénieuse clairvoyance de l’Auguste Souverain, la feuille de route de l’eau a été, minutieusement, esquissée et il ne manque plus aux acteurs publics et privés que de réunir leur savoir-faire et de s’impliquer dans les prises de décisions et dans l’action, pour la construction d’un Maroc leader international de l’eau.
Il est aussi important de souligner que pour lutter, efficacement, contre la raréfaction de l’eau, certaines actions prioritaires s’imposent.
Il en est, particulièrement, du lancement imminent de campagnes de sensibilisation, à l’échelle nationale, dans le but d’éclairer l’ensemble des citoyens aux valeurs liées à l’eau et à la bonne gouvernance.
A cet égard, un bravo à l’Agence du bassin hydraulique de Tensift qui a, tout récemment, entamé une belle action au profit de la population de la préfecture de Marrakech. Toutefois, le ministère de l’équipement et de l’eau aurait dû veiller à ce qu’une telle démarche puisse être généralisée, pour couvrir, dès le départ et d’un seul trait, l’ensemble des régions du Royaume. Dans le même sillage, des règles comportementales et des interdits devraient être définis, de telle manière à gérer l’eau, en tant que bien commun, conformément à l’intérêt général. A ce titre, une réglementation sociale permettrait de mettre en exergue toute l’importance de cette ressource, en tant que bien économique à consommer, avec modération et dans un esprit de pure solidarité. Il serait aussi pertinent, pour les autorités gouvernementales concernées, de mener des réflexions par rapport à certaines questions de grande importance, telles que celles se rapportant à l’utilisation de l’eau dans la production agricole animale et végétale, à l’amélioration du traitement des eaux usées, ainsi qu’à l’importance liée à une réduction de la pollution des nappes phréatiques, des lacs et des rivières.
Ces recommandations précitées pourraient, d’ailleurs, être complétées par celles que la Cour des comptes a fait ressortir dans ses rapports annuels 2019-2020, à l’exemple de la lutte contre la surexploitation des eaux souterraines ou encore de l’amélioration de la délimitation et de la protection du domaine public hydraulique, via une mise en application du principe «pollueur-payeur» et du renforcement de la police de l’eau.
Autre point : si, aujourd’hui, le Royaume du Maroc dispose d’une politique nationale de l’eau, sa politique étrangère, en pareille matière, semble intervenir de manière, relativement timide, en l’absence d’une véritable diplomatie de l’eau.
Car finalement, l’eau n’est plus une simple question d’ordre national, mais s’inscrit, de plus en plus, dans un cadre multidimensionnel, à portée internationale.
Enfin, les enjeux environnementaux, y compris ceux liés à l’eau, font, dorénavant, partie des fondements intrinsèques des politiques étrangères des Etats.
Dans cette perspective, la diplomatie de l’or bleu s’activerait, pour se doter en équipements modernes de traitement et de distribution de l’eau, dans le cadre de relations avec des Etats amis, spécialistes en la matière, mais aussi pour en tirer profit via un transfert d’expertise.

Quels enjeux mondiaux de l’eau pour les années à venir ?

L’inadéquation manifeste entre demande en eau et disponibilité renvoie à plusieurs scénarios, prévoyant, à court terme, de graves pénuries d’eau et une multiplication de foyers de tension ; surtout que la consommation d’eau s’est fortement accrue au niveau mondial, tant dans l’agriculture que dans l’industrie et chez les ménages.
L’avènement de batailles de l’eau pourrait s’annoncer dès demain, du moment où la quantité d’eau disponible sur Terre devient insuffisante et reste caractérisée par une crise de sa répartition et de sa distribution.
Comment les dispositifs mis en place par les sociétés humaines pour distribuer cette eau réussiraient-ils à se gripper aujourd’hui? Comment gérer la vétusté des infrastructures de traitement et de distribution d’eau ? Quels seraient les mécanismes politiques les mieux appropriés qui pourraient empêcher l’émergence d’un conflit sur le partage de ressources en eau ? Comment le droit international pourrait-il intervenir pour permettre un partage équitable et responsable de l’eau ?
En l’absence de politiques et normes internationales percutantes et ciblées, qui viendraient répondre, positivement, à ces multiples interrogations précitées, les Etats, selon des politologues, géographes, analystes et stratèges, chevronnés dans le domaine de l’eau, se verraient confrontés à une crise mondiale de l’eau, à même d’engendrer des violences potentielles, caractérisées par des risques environnementaux conséquents, de graves tensions sociopolitiques, préjudiciables pour la paix, la sécurité et la stabilité du monde tout entier.

L’Afrique et l’eau ?

Quant à l’Afrique, bien que celle-ci dispose de ressources en eau renouvelables en forte abondance, le continent fait face au défi de la maîtrise de l’eau pour les besoins essentiels de son développement économique et social.
A la veille d’une ère où la guerre de l’eau commence déjà à faire rage dans le monde, l’objectif de développement durable n°6, consistant à garantir une eau propre et un assainissement, pour tous, d’ici à 2030, devient, particulièrement, pour cet espace géographique, un véritable défi à relever.
Les dirigeants africains se doivent, aujourd’hui, de recourir à la diplomatie de l’eau pour élargir leur coopération entre leurs pays, mutualiser leurs efforts pour une mobilisation et une protection de cette ressource, ainsi que pour un échange d’expertise, en matière de services d’eau potable et d’assainissement.
Dans une autre perspective, le Maroc, en tant que fidèle parrain de son continent, gagnerait, énormément, dans la création d’un Centre africain de formation aux métiers de l’eau, en hommage à Feu Sa Majesté Hassan II, lequel espace contribuerait au développement des capacités d’expertise et d’évaluation dans le domaine de l’eau, sur les plans technique, juridique, économique et institutionnel, pour favoriser la production de compétences africaines et promouvoir la gestion intégrée des ressources en eau dans les pays amis intéressés..

 

Docteur en droit/Expert en intelligence économique
Analyste en stratégie internationale/Auteur du concept d’intelligence diplomatique

 

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