Société

Disparue à 3 ans, Rajaâ réapparaît

Nous sommes à la salle n°7 de la Chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. Fatna, son frère, Mohamed, et sa belle-soeur, Fatima, attendent leur jugement. A côté d’eux se tient Rajaâ qui vient d’atteindre, ce jour du mois d’octobre 2002, son dixième printemps. Elle ne cesse, de temps en temps, de fixer ses regards sur les trois mis en cause comme si elle ne les a jamais vus. Quelle est sa relation avec eux et pourquoi les regarde-t-elle ainsi ?
Il est 13h du 13 septembre 1995. Rajaâ, qui avait trois ans, vient de sortir de chez elle, au quartier Laâyoune, préfecture de Derb Soltan-El Fida pour chercher du pain chez l’épicier du coin. A ce moment Fatna la croise, l’embrasse, lui achète des bonbons et lui demande : « Où est ta maman ?. »
« Elle est morte… », lui répond la fille sur un ton de chagrin.
Fatna lui demande plus d’explication. Rajaâ n’hésite pas. « C’est ma grand-mère et mon père qui veillent sur moi et mes deux soeurs… », ajoute-t-elle.
Fatna l’embrasse une fois encore et part. Fatna avait, en cette année, vingt et un ans. Cette fille, issue d’une famille modeste de la région de Settat, fréquente le plus souvent un Moquef en quête d’un client cherchant une femme de ménage. Elle se rend compte, il y’a quelques jours, de Rajaâ qui passe devant elle d’une fois à l’autre. Elle n’habite qu’à une dizaine de mètres du moquef. Le lendemain, 14 septembre, Fatna croise une fois encore Rajaâ, lui achète un yogourt et s’adresse à elle : « Ton père t’attend de l’autre côté de la rue, viens avec moi… ».
Rajaâ la suit sans manifester la moindre résistance. Fatna la traîne jusqu’à la gare routière. Elles sont montée dans un car. Rajaâ a gardé sa tranquillité et son calme et se contente de tourner ses yeux à gauche et à droite comme si elle découvre quelque chose de nouveau. Une fois arrivée au quartier Boulaâjoul, commune Bouknadel, à Salé, Fatna se rend au domicile de son frère, Mohamed, et sa belle-soeur, Fatima.
« Voilà la fille dont je vous ai parlé.…Vous pouvez la garder pour vous aider… », leur dit-elle.
Mohamed avait 40 ans et sa femme en avait 41. Ces parents de six enfants commencent à exploiter la fille. Rajaâ doit répondre aux besoins de toute la famille et sans exception.
Cinq ans plus tard, Rajaâ atteint sa huitième année. Mohamed ne veut plus de la fille.
«Nous devons la confier à ma soeur…», affirme-t-il à sa femme, Fatima.
Au fil des jours, Mohamed finit par remettre Rajaâ à sa soeur, Fatna. Celle-ci s’est mariée entre temps et elle a loué avec son mari, Brahim, une pièce à Lahraouyine, à Casablanca.
Qu’estce qu’elle dira à son mari quand il l’interrogera ? « C’est une orpheline que j’ai adoptée et je l’ai confiée par la suite à mon frère… », lui explique-t-elle. « Pourquoi tu ne m’as jamais parlé d’elle ? », lui demande-t-il sur un ton plein de doute.
Fatna ne trouve plus de prétexte. Elle tente une fois encore de fuir ses interrogations. Mais en vain. Il ne croit pas sa version. Le doute ronge son coeur et les mauvaises idées lui hantent l’esprit. « Et si elle était sa fille issue d’une relation extra-conjugale ? », pense-t-il.
Il commence à la menacer de la répudier, à la violenter. Fatna ne supporte plus ses doutes et lui indique sa maison. «Tu dois t’adresser à sa famille pour leur demander explication», le conseille-t-elle.
Septembre 2001, Brahim conduit Rajaâ au quartier Laâyoune, frappe la porte de sa famille. La grand-mère de Rajaâ s’effondre par la surprise. Elle a trouvé enfin sa troisième petite-fille. Son père, les yeux hagards, s’est dirigé vers le commissariat de police pour les aviser : « J’ai trouvé ma fille six ans plus tard… ».
Le président de la Cour ouvre ce dossier n° 273-5-2002 et rend son verdict : « La Cour juge les trois mis en cause coupables et condamne Fatna à 8 ans de réclusion criminelle, Fatima et son époux Mohamed respectivement à 4 ans et 2 ans de prison ferme ».

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