Confirmant les appréhensions qui ont précédé son déroulement, la séance d’auditions publiques d’Al Hoceïma n’aura pas passer inaperçue. Prévue mardi 3 mai à l’espace Mirador à partir de 16h00, cette séance n’a finalement commencé que vers minuit, dans une quasi-clandestinité. Et pour cause, les troubles, menées par plusieurs secteurs de la société civile. Des troubles organisés en réaction, nous déclare un acteur associatif, « au sentiment d’exclusion qui a traversé un bon nombre d’associations lors des préparatifs des auditions. L’IER, qui était sur place depuis plusieurs jours, a préféré se concerter avec une partie de la société civile locale, tout en écartant les interlocuteurs les plus représentatifs». Ces derniers, constitués de plusieurs militants ont scandé des slogans hostiles aux limites de la mission de l’IER, nous informe l’Agence AP. «Les tortionnaires devant la justice!», «Non à cette opération de marketing!», ont repris en choeur les militants obligeant les membres de l’IER à faire évacuer la salle et à reporter de cinq heures les auditions des victimes. Des auditions qui n’ont pris fin que tôt dans la matinée du mercredi.
Autre raison de ce mouvement de protestations, déclare à ALM Mohamed Lechgar, un ancien disparu et acteur actif de la société civile à Al Hoceïma, «le choix même des témoins et que d’aucuns ont jugé discriminatoire. Sans parler de la liberté que ces témoins devaient avoir à citer des noms». L’insatisfaction qui a régné avant, pendant et après les auditions d’Al Hoceïma, tient aussi au « devoir qu’avait l’IER de recouper les informations liées aux événements des années 1958-1959 auprès, non pas des témoins, mais des archives de l’Etat ».
Disant partager le fond de ces revendications, sans pour autant être d’accord sur l’ampleur qu’a prise la forme avec laquelle elles ont été scandées, le militant dit également que la réponse à apporter à ces demandes dépasse les attributions de l’IER.
Cité par l’agence AP, Driss El Yazami, membre de l’IER et secrétaire général de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), met les événements du mardi sur le compte de « l’apprentissage difficile de la démocratie». «Ces auditions sont particulières car, en plus des témoignages des violences subies, elles visent à réintégrer les populations rifaines dans la communauté nationale marocaine», a-t-il ajouté. L’objectif recherché donc n’est autre que la réconciliation. Les auditions d’Al Hoceïma, auront-elles permis un début de réconciliation ? C’était plutôt l’occasion pour les représentants de la société civile de dire ce dont la région a besoin pour être intégrée à la marche du pays.
Sans oublier qu’elles ont permis une catharsis collective. Elle aura aussi démontré que la société civile n’est pas suffisamment mûre pour faire office d’interlocuteur vis-à-vis des pouvoirs publics. Mais au delà des auditions en question, « ce dont la région du Rif a besoin désormais, c’est d’une régionalisation démocratique, qui ne se limite pas à la répartition du territoire, mais qui ait une existence réelle», insiste M. Lechgar. Une existence qui respecte aussi bien les spécificités culturelles et historiques de la région que la nécessaire solidarité, notamment économique, entre les différentes régions du pays. La réconciliation passe également par là.