Société

Fausses promesses, vraie arnaque

© D.R

Chambre correctionnelle près le Tribunal de première instance. Vêtu d’un jeans bleu et d’un tee-shirt blanc, Abdelatif se tenait devant les magistrats du tribunal. Calmement, il tournait de temps en temps ses regards vers l’assistance comme s’il cherchait quelques membres de sa famille ou un ami. Effectivement, sa mère et ses deux sœurs occupaient des sièges arrière. «Ton nom, prénom, date de naissance et profession ?», lui a demandé le président du tribunal sur un ton sévère. «J’ai trente-huit ans. Je suis célibataire et sans profession», rétorque Abdellatif en fixant du regard le magistrat. Depuis sa naissance dans un douar de la région de Settat, Abdellatif était l’enfant gâté de sa famille. Il est l’aîné d’une famille de trois enfants et l’unique garçon. Atteignant l’âge de la scolarisation, il a été inscrit dans une école à deux kilomètres de chez lui. Sa mère l’accompagnait quotidiennement lors de ses allers-retours. Après avoir réussi son enseignement primaire, il a été inscrit au collège puis au lycée. À cette phase de sa vie, sa famille avait déjà déménagé vers la ville de Settat.
Décrochant son baccalauréat littéraire, il ne voulait plus poursuivre ses études. Il a obligé ses parents de l’aider pour regagner Casablanca. Il rêvait y poursuivre des études en comptabilité, y travailler et gagner sa vie librement. Ses parents ont obtempéré à ses ambitions. Son père l’a rejoint à Casablanca, lui a cherché un studio au centre-ville et l’a inscrit dans une école privée. Abdellatif a décroché son diplôme en comptabilité et a commencé à chercher un emploi. Pas moins d’une semaine de recherche, Abdellatif a été recruté dans une société de confection à Aïn Sebaâ comme aide-comptable, puis comptable deux ans plus tard. Après six ans de travail dans cet établissement, il a réussi à acheter un appartement et une petite voiture. Il menait une vie tranquille et agréable. Cependant, un jour tout a été bousculé dans sa vie. Il a été arrêté et condamné à trois ans de prison ferme. Il a perdu son logement et sa voiture. Abdellatif a trompé son employeur en détournant à son propre compte des sommes importantes. Relâché, il est resté sans emploi. Il ne voulait ni retourner chez ses parents à Settat ni chercher un emploi à Casablanca ni ailleurs. Ses parents lui envoyaient de l’argent nécessaire pour subvenir à ses besoins et payer le loyer. Au fil des mois, ils n’ont pas pu supporter les charges qui augmentaient d’un mois à l’autre. Ils ont décidé alors de ne plus lui envoyer le moindre sou. Ils lui ont proposé deux options : soit chercher un emploi soit les rejoindre à Settat.
Entre-temps, Abdellatif a rencontré Jamal. Âgé de trente-six ans, ce dernier était son compagnon de la cellule à la prison Oukacha. Il purgeait une peine de deux ans pour escroquerie. Une fois relâché, il récidive. Il arnaquait de nouveau ses victimes. Attablé dans un café du centre-ville, il a proposé à Abdellatif de devenir son complice et de former une équipe ensemble. La tâche est simple: il suffisait de bien s’habiller et de se présenter aux victimes comme un  Marocains résidant à l’étranger. Ils leur promettaient un contrat de travail en Espagne ou en France contre une somme de 30 mille dirhams.
Ils ont filouté une dizaine de victimes avant que Jamal ne soit arrêté et condamné à deux ans de prison ferme. Quant à Abdellatif, il a continué à arnaquer les gens loin des yeux de la police qui le recherchaient. Il a regagné Khouribga puis Settat avant de rebrousser chemin à Casablanca. Abdellatif a poussé le bouchon plus loin. Il ne s’est pas contenté de promettre monts et merveilles aux rêveurs de l’Eldorado avant de disparaître avec des millions de dirhams, mais il usurpait l’identité d’un cadre dans un établissement public.  Ils leur promettaient de les embaucher dans un département public. Abdellatif exigeait en contrepartie une somme allant de 10 à 30 mille dirhams.
«Je n’ai rien commis monsieur le président», criait-il. Mais en vain. Car les victimes ont témoigné contre lui. EIles avaient attesté qu’il les avait arnaquées. Son ami Jamal, qui purge la peine d’emprisonnement, l’a également dénoncé aux enquêteurs. Certes, son avocat a tenté de l’innocenter en expliquant qu’Abdellatif n’a jamais rencontré les témoins qui s’étaient présentés devant le tribunal comme des victimes.
Concernant les déclarations de Jamal, l’avocat a précisé que ce dernier s’est vengé de son client après l’avoir maltraité à la prison. Des explications rejetées par le substitut du procureur du Roi qui a affirmé que les témoignages des victimes sont les seules preuves contre Abdellatif et que personne parmi ces dernières n’a d’intérêt pour l’accuser. Le tribunal l’a alors condamné à deux ans de prison ferme. Cette nouvelle peine d’emprisonnement aura-t-elle un impact positif sur lui? Il faut attendre 2007 pour avoir la réponse.

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